Un nouveau décret sur la gestion quantitative de la ressource (en dehors de la période de basses eaux ; consolidation du rôle du préfet pour les volumes prélevables en hiver ; complément au décret de 2021)

Alors que le changement climatique a déjà pour conséquence de modifier le cycle de l’eau, les tensions sur les conflits d’usages (entre irrigation agricole, ressource pour l’alimentation en eau potable ; usages récréatifs ; utilisations industrielles ou énergétiques ; pêche ; minima devant rester pour des raisons de continuité écologique…) ne cessent de s’aviver. 

D’un point de vue juridique, nombre d’autorisations uniques de prélèvement sont censurées par les juridictions, notamment en raison de débats sur les volumes prélevables (quantités d’eau qui peuvent être prélevées dans les milieux naturels sans les mettre en danger).

Le gouvernement a donc travaillé sur la stratégie qualitative de l’eau avec la contribution apportée par les producteurs d’eau potable (voir ce billet et cette vidéo), des associations d’élus et acteurs relevant que la gestion quantitative de l’eau était trop absente alors que la pression sur la ressource est aussi très présente sur ce terrain.

Après une première consultation publique (lire à l’époque l’article de Yann Landot : Gestion quantitative de l’eau une nouvelle consultation en cours), il y a à peine plus d’un an, paraissait le décret n° 2021-795 du 23 juin 2021 relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse (NOR : TREL2101597D) :

Puis en janvier 2022 fut mis en consultation publique un projet de décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse à la suite du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique.

Voici (dans le dossier de presse) comment était expliqué un des volets dudit Varenne portant notamment sur ce point :

La notice de cette consultation commençait ainsi de manière claire :

« Le ministère de la transition écologique ouvre une consultation publique sur le projet de décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse.
Le projet de décret s’inscrit dans le contexte général d’événements et de rapports marquants relatifs à la gestion quantitative de l’eau, tant structurelle (gestion équilibrée et durable) que conjoncturelle (gestion des crises sécheresse) survenus depuis l’été 2017. Notamment, une communication interministérielle du 9 août 2017 appelle à la sobriété et la concertation, l’instruction du 7 mai 2019 suite au rapport de la cellule « Bisch » cadre la mise en place de projets de territoires sur la gestion de l’eau, les assises de l’eau séquence II consacrées au grand cycle de l’eau portent des engagements d’économies d’eau et de mises en œuvre de solutions fondées sur la nature, un rapport du CGEDD sur la sécheresse de 2019 et un sur les organismes uniques de gestion collective font des recommandations d’améliorations sur ces sujets. Enfin, plusieurs autorisations uniques de prélèvement ont été annulées en 2019 entraînant des souhaits de sécurisation juridique.»

Or, au J0 de ce 30 juillet 2022, ce texte a été publié. Il prend la forme du décret n° 2022-1078 du 29 juillet 2022 relatif à la gestion quantitative de la ressource en dehors de la période de basses eaux (NOR : TREL2204548D) que voici :

Il dispose que, dans :

  • un nouvel article R. 211-21-3 du code de l’environnement, des conditions peuvent être définies pour l’évaluation des volumes théoriquement disponibles en période d’hautes eaux dans un bassin ou dans un sous-bassin, compte tenu des statistiques hydrologiques permettant de déterminer les débits nécessaires au fonctionnement du cours d’eau tout au long de la période de hautes eaux. Ce texte est ainsi rédigé :
    • « Art. R. 211-21-3. – Afin de mieux assurer le respect des principes mentionnés à l’article L. 211-1, peuvent être définis en dehors de la période de basses eaux, soit des conditions de prélèvement en volume ou en débits, soit des volumes pouvant être disponibles pour les usages anthropiques, en tenant compte du régime hydrologique et dans le respect du bon fonctionnement des milieux aquatiques. Ces volumes sont calculés selon les modalités définies aux I, II et III de l’article R. 211-21-2. Ils sont déterminés au regard des statistiques hydrologiques disponibles pour le bassin ou le sous-bassin, le cas échéant complétées par les résultats d’études relatives aux effets prévisibles du changement climatique. »
  • le cadre du régime du II de l’article R. 213-14 du code de l’environnement, la stratégie de volumes prélevables du préfet coordonnateur de bassin, précise la stratégie d’évaluation des volumes qui pourraient être hydrologiquement rendus disponibles aux usages anthropiques en période de hautes eaux dans le respect des équilibres naturels et du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
    Voici la nouvelle formulation :
    • A l’article R. 213-14 du code de l’environnement, il est ajouté un III ainsi rédigé :
      « III. – Le préfet coordonnateur de bassin pilote et coordonne également une stratégie précisant l’opportunité de mener, sur certains des sous-bassins ou fractions de sous-bassins mentionnés au II, des évaluations des volumes pouvant être disponibles pour les usages anthropiques hors période de basses eaux, au regard du régime hydrologique et dans le respect du bon fonctionnement des milieux aquatiques, des équilibres naturels et des objectifs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux. Lorsque qu’elles sont réalisées, ces évaluations respectent les conditions méthodologiques d’élaboration, de révision et de gouvernance précisées au II. »
  • l’article R. 211-21-2 du code de l’environnement, le 2e alinéa du II est quant à lui supprimé (à savoir la phrase « En dehors de la période de basses eaux, des conditions de prélèvement en volume ou en débits peuvent être définies de façon à mieux encadrer le respect des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1.»)
  • la formulation du II de l’article D. 181-15-1 du code de l’environnement, le pétitionnaire peut joindre à son dossier de demande d’autorisation unique de prélèvement le programme de retour à l’équilibre, même si la concertation territoriale n’est pas finalisée.
    Plus précisément :
    • « Le dernier alinéa du II de l’article D. 181-15-1 du code de l’environnement est complété par les mots suivants : ”même si celle-ci n’est pas finalisée ”.»

Ce texte met en musique les articles L. 211-2L. 211-3 et L. 213-7 du code de l’environnement.