Espèces animales : extension de la protection… même hors protection

Merci et bravo à M. Gabriel Ullmann qui dès jeudi dernier me signalait un nouvel arrêt de la CJUE qui étrangement n’avait pas été rapidement communiqué sur le site de la Cour et que je n’avais donc pas identifié de mon côté… Depuis lors, tout le monde des juristes en environnement / forêts et espèces protégées, parle de cette décision, que je n’avais pas eu le temps de traiter ce WE… pour cause de randonnée en forêt justement. 

De quoi parle-t-on ? D’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), dans les affaires jointes C‑473/19 et C‑474/19, rendu le 4 mars 2021.

Cet arrêt précise l’interprétation à faire de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7, ci-après la « directive “habitats” »), et de l’article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la « directive “oiseaux” »).

Schématiquement, il convient d’en retenir que ces textes de droit européen :

  • s’opposent à une pratique nationale en vertu de laquelle les interdictions prévues à cette disposition ne concernent que les espèces qui sont énumérées à l’annexe I de cette directive, celles qui sont menacées à un certain niveau ou dont la population montre une tendance à baisser à long terme.
  • s’opposent à une pratique nationale selon laquelle, lorsque l’objet d’une activité humaine, telle qu’une activité d’exploitation forestière ou d’occupation des sols, est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation d’espèces animales, les interdictions prévues à cette disposition ne s’appliquent qu’en cas de risque d’incidence négative sur l’état de conservation des espèces concernées 
  • protègent même espèces ayant atteint un état de conservation favorable.
  • s’opposent à une pratique nationale selon laquelle, dans l’hypothèse où la permanence de la fonctionnalité écologique dans l’habitat naturel de l’espèce concernée dans une zone particulière est, malgré les précautions prises, perdue par détérioration, destruction ou dégradation, que ce soit directement ou indirectement, par l’effet de l’activité en cause considérée isolément ou cumulativement avec d’autres, l’interdiction prévue à cette disposition n’opère qu’à partir du moment où l’état de conservation de l’espèce concernée risque de se dégrader.

Conclusion : il y a une protection des populations animales, d’oiseaux notamment, pas seulement protégés, y compris quand l’état de conservation est favorable !

SAUF QUE l’on peut se trouver un peu désemparé à comparer cette solution avec l’arrêt rendu par la même CJUE 11 juin 2020 dans l’affaire C‑88/19… où là on avait une prise en compte de ce régime dès le premier individu touché et non en fonction de l’état de conservation de l’espèce. 

Mais ces deux jurisprudences ne sont pas à opposer à l’excès. Selon moi, il y a application de ce régime dès le premier animal concerné pour une espèce protégée et application de ce régime hors espèces protégées stricto sensu en fonction de l’état de conservation. Cela dit, les formulations restent encore peu claires et pourraient donner lieu à débats.

Voici cet arrêt :