Jusqu’où la garantie de l’Etat s’étend-elle en cas de pollution minière ?

La responsabilité d’une pollution d’origine minière repose avant tout sur l’exploitant (au stade (ou sur l’explorateur au stade des permis de recherches). A défaut, c’est la responsabilité du titulaire du titre minier.
Ce régime s’avère très vaste, et il est difficile aux titulaires de permis de recherches ou d’exploiter de se dégager de leur responsabilité sauf travaux postérieurs faits par autrui après exploitation de la mine, et encore… (voir par exemple C. cass. civ. 2, 23 novembre 1988, n° 87-16965 ; C. cass. civ3, 10 mars 2015, n° 13-27124 ; C. cass. civ 3, 24 septembre 2014, n° 11-22386 ; à ces sujets voir le fascicule 370 du Juris-cl. administratif par Mme Marianne Moliner-Dubost).
Mais l’article L. 155-3 du code minier (le nouveau code), prévoit qu’en cas :

«  de disparition ou de défaillance du responsable, l’Etat est garant de la réparation des dommages causés par son activité minière. Il est subrogé dans les droits de la victime à l’encontre du responsable. »

 

Et pour ces actions, le juge administratif redevient compétent… sauf si en réalité l’action engagée contre l’Etat porte sur les cas où l’Etat s’est, comme pour Charbonnages de France, substituée à l’exploitant (voir par exemple CAA Douai, 28 mai 2014, n° 13DA00381 ; voir aussi par exemple TA Dijon, 30 octobre 2014, n° 1300253).
Mais attention à prendre en compte aussi à ce stade les articles L. 421-17, R. 421-75 et R. 421-76 du Code des assurances (fonds de garantie)…
Cela dit, les jugements et arrêts à ce stade ne sont pas si nombreux… Voir par exemple TA Nancy, 26 avril 2016, n° 1501555 et n° 1501556 [2 esp.], CAA Nancy, 27 avril 2017, n° 16NC01201…
D’où l’intérêt d’un jugement qui vient d’être rendu par le TA de Lyon.
Propriétaires d’un bâtiment rénové récemment, situé sur le territoire de la commune de Les Salles (42), dans le périmètre de l’ancien secteur minier de Saint-Martin-la-Sauveté, des requérants ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l’Etat à réparer les préjudices qu’ils estiment subir du fait de la pollution au plomb de leur propriété.

D’après une étude sanitaire réalisée en 2016 et un arrêté préfectoral du 3 juillet 2019, le terrain attenant à leur habitation comporte un dépôt de résidus miniers issus d’un remblaiement effectué avec des stériles en provenance de mines de plomb voisines, dont l’exploitation a cessé à la fin du 19ème siècle.

L’Etat contrairement à ce qui s’est passé avec Charbonnages de France, ne s’est pas substitué à l »exploitant (sinon le contentieux eût été judiciaire). Donc nous sommes bien dans un cas de garantie de l’Etat, soumise au besoin à la vigilance du juge administratif.

Se fondant sur l’article L. 155-3 du code minier, le tribunal a retenu la garantie de l’Etat pour réparer les dommages résultant de l’activité minière d’exploitants aujourd’hui disparus.

Cela dit, le principe étant posé, son application a largement été vidée de son contenu conformément à une pratique bien connue.

En effet, dans ce cadre, estimant que, compte tenu de l’ancienneté de sa pollution par le plomb, la propriété des requérants n’avait pu acquérir la valeur qu’ils lui prêtent, le tribunal a refusé d’indemniser la perte de valeur vénale de leur bien. De fait, difficile de critiquer trop vivement ce jugement sur ce point, ce raisonnement ayant le bon sens pour lui et, en droit, le fait qu’il n’y a en effet pas de préjudice par rapport à la date d’acquisition du bien.

En revanche, et ce point nous semble bien plus novateur, au delà des questions d’appréciation des montants après avoir notamment constaté l’obligation dans laquelle ils se trouvent de se soumettre à un suivi médical régulier et l’impossibilité pour eux (et leurs enfants) de profiter de leur propriété, il leur a alloué une somme globale de 30 000 euros en réparation des troubles de jouissance et dans leurs conditions d’existence.

 

Voici ce jugement TA Lyon, 31 octobre 2019, n° 1708503 :

1708503