Quelle est la valeur juridique des anciens règlements sanitaires départementaux ?

M. Olivier Guichardaz, de Déchets Infos, m’a interrogé il y a 4 semaines sur la  valeur, juridique, désormais, des règlements sanitaires départementaux (RSD). 

Nombre de ces vieux règlements en effet imposaient une collecte au moins hebdomadaire des « fermentescibles » (= biodéchets) 

Exemple trouvé par M. Guichardaz, entre autres; voir l’article 81 de ce RSD : https://www.val-de-marne.gouv.fr/contenu/telechargement/7682/53728/file/R%C3%A8glement+sanitaire+d%C3%A9partemental.pdf.

Il est utile de rappeler en ce domaine que le modèle de tels RSD était fixé par une circulaire de 1978, modifiée jusqu’en 1983 qui donnait le « RSD type » que chaque préfet pouvait compléter en prenant son arrêté départemental fixant le RSD.

J’ai répondu à Déchets Infos, qui a publié son article. Mais je me suis dit, alors, qu’il pouvait être utile de recycler les informations alors fournies à ce site au profit de nos propres lecteurs. Alors voici quelques éléments à ce sujet.

1/ A a base, déjà, rappelons que dans la pyramide des normes, un texte en bas de la pyramide peut être plus précis qu’un texte au dessus. Un RSD peut être plus précis qu’un décret qui pourra être plus précis que la loi , etc.

… tant que le texte en bas de la pyramide :

• ne contredit pas les textes qui lui sont supérieurs
• est pris par une autorité ayant compétence à cet effet
• n’est pas vicié par une autre illégalité, bien sûr

Donc pris ainsi, un RSD peut être plus exigeant que les textes qui lui sont supérieurs, en imposant une fréquence au moins hebdomadaire.

2/
Et, de fait, les articles R. 2224-23 et s. du CGCT sont muets sur la fréquence requise en ce domaine, et ne contiennent pas de disposition contraire à ce rythme hebdomadaire du RSD.

Rien non plus dans les articles R. 541-7 et suivants du Code de l’environnement.

 3/
sauf que … sauf que

les RSD sont peut-être à jeter aux oubliettes

L’article L. 1311-1 du code de la santé publique prévoit que des décrets en Conseil d’État fixent les règles générales d’hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l’homme, notamment en matière de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de vie de l’homme.

L’article L. 1311-2 n’autorise le représentant de l’État dans le département ou le maire à intervenir dans ce domaine qu’à titre complémentaire des prescriptions fixées par décret.

Bref les nouveaux textes pris par les préfets et les maires, ainsi que les anciens RSD, ne sont en vigueur que pour autant qu’ils complètent le nouveau droit.

De plus : 

« Si les règlements sanitaires précédemment établis par les préfets en vertu de l’article L. 1 de l’ancien code de la santé publique avant sa modification par la loi du 6 janvier 1986 sont restés en vigueur, ils ne sont demeurés applicables que dans leur rédaction antérieure au 8 janvier 1986, les manquements aux règles qu’ils prévoient dans cette rédaction étant seuls susceptibles d’être pénalement réprimés, en application de l’article 7 du décret du 21 mai 2003 relatif aux dispositions réglementaires des parties I, II et III du code de la santé publique selon lequel :  » Le fait de ne pas respecter les dispositions des arrêtés pris en application des articles L. 1 ou L. 3 ou L. 4 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure au 8 janvier 1986 est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe  . » (Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 10/06/2020, 429957).

De plus, après une longue saga (arrêt du 10/6/2020 précité puis CE, 02/02/2023, 463549)… le Gouvernement a fini par prendre l’arrêté attendu en ce domaine (Décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023 portant règles sanitaires d’hygiène et de salubrité des locaux d’habitation et assimilés ; NOR : SPRP2236237D)…. y compris avec quelques dispositions — peu contraignantes — pour les bio déchets (art.  R. 1331-41, R. 1331-51, R. 1331-52 du Code de la santé publique).



Donc les dispositions du RSD :

  • soit comme de plus probable ont été abrogées
  • soit à défaut peuvent donner lieu en complément des règles susmentionnées à de nouvelles règles organisationnelles qui abrogent implicitement ou explicitement les anciens RSD (règlements de service en collecte mais surtout arrêtés de police en ces domaines).

et le fait qu’un arrêté municipal par exemple ou intercommunal abroge un texte préfectoral parce qu’entre temps la compétence est devenue locale… est très classique.



Donc depuis 1986 (auj. article L. 1311-1 du code de la santé publique) et, surtout, depuis le décret n° 2023-695 du 29 juillet 2023), il y a un débat juridique : 

  • les RSD sont-ils carrément abrogés ?
  • ou, plus simplement, peuvent-ils librement être modifiés par les autorités locales compétentes ? et les parties de ces RSD qui n’ont pas donné lieu à décret restent en vigueur tout en pouvant donc être modifiés (ou abrogés) à l’occasion de l’adoption de nouveaux textes par les autorités locales (et parfois préfectorales)  compétentes ?

L’Etat penche pour la seconde interprétation, ce qui nous semble en effet raisonnable. 

Mais ce débat est un peu théorique puisque dans les deux cas, libre — pour rester sur l’exemple des déchets — aux autorités locales de fixer d’autres fréquences de collecte des biodéchets des ménages que celle, hebdomadaire, prévue pour les biodéchets par feu les RSD.