Une fusion doit se faire sans acrobatie sur les compétences (même en GEMAPI)

Pas d’adjonction de nouvelles compétences simultanément à une fusion d’EPCI ! Même sous couvert de réécriture.

Autrement posé, une fusion doit se faire sans acrobatie sur les compétences (même en GEMAPI) :

Une fusion… de syndicats comme d’EPCI à fiscalité propre, cela entraine l’application de règles strictes quant aux compétences correspondantes. 

Il n’est pas possible à cette occasion, d’ajouter des compétences, même sous couvert d’ajustements rédactionnels (sauf à ce que ceux-ci soient vraiment mineurs). Tout simplement, les procédures d’extension de compétences (art. L. 5211-17) ne sont pas compatibles, combinables, avec les règles de fusion (art. L. 5211-41-3 et L. 5212-27 du CGCT, en sus de divers dispositifs antérieurs provisoires…). 

Exemple de mode d’emploi, mais là pour des fusions de communautés (et avec des délais d’harmonisation qui ont varié selon les périodes…)

Parfois, un tel toilettage statuaire, pourtant, s’impose. Tel fut (et parfois.. demeure) le cas par exemple en matière de GEMAPI, tant les compétences antérieures des syndicats de rivières ou autres équivalents différaient des formulations, actuelles, de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement (voir notamment les points 1°, 2°, 5° et 8° du I. de cet article).

Mais, en ce cas là :

  • d’une part encore faut-il que les membres desdits syndicats à fusionner aient lesdites compétences au préalable (dans nombre de dossiers j’ai eu beaucoup de mal à faire admettre cette évidence, tant celle-ci met à mal nombre de calendriers…)
  • d’autre part il importe que les ajustements de compétences correspondants soient opérés avant la fusion… ou après la fusion… mais pas en même temps. 
 Photo par Sven Brandsma (Unsplash)

Ces règles basiques de construction juridique, un TA, celui de Dijon, vient de les rappeler. 

Saisi par un syndicat mixte et cinq communautés de communes impliqués dans la création du nouvel établissement public, ce tribunal, par jugement du 1er juillet 2021, a retenu un unique motif d’illégalité tiré de ce que les préfets de la Côte-d’Or et de la Haute-Marne ne pouvaient légalement conférer au nouveau syndicat la mission « protection des inondations », qui est l’une des composantes de la compétence « gestion des milieux aquatiques et protection des inondations » (GEMAPI), dès lors qu’elle n’était précédemment dévolue à aucun des syndicats préexistants, investis seulement d’autres missions constitutives de la compétence GEMAPI.

Le TA de Dijon  a notamment fondé son jugement d’annulation sur :

•  les dispositions de l’article L. 5212-27 du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatif aux fusions de syndicats, selon lesquelles « les statuts déterminent parmi les compétences transférées aux syndicats existants celles qui sont exercées par le nouveau syndicat dans son périmètre » ;

• le principe de spécialité selon lequel un établissement public de coopération intercommunale (et donc notamment un syndicat mixte) voit sa compétence limitée à l’objet qui lui a été assigné au moment de sa création par ses statuts ;

•  l’article L. 5211-61 du CGCT qui permet à une communauté de communes de transférer chacune des missions de la compétence GEMAPI à des syndicats mixtes distincts, si elle le souhaite ;

• enfin, le principe d’exclusivité, qui fait obstacle à ce qu’une compétence déléguée à un syndicat mixte puisse être exercée par l’intercommunalité qui l’a déléguée ou simultanément par deux intercommunalités.

Cette annulation a pour effet de rétablir dans l’ordre juridique les anciens syndicats mixtes et ne fait pas obstacle à ce qu’une nouvelle fusion soit entreprise dans les conditions prévues par la loi (à ce sujet, voir déjà ICI une autre décision du TA de Dijon dans le même sens).

NB : en défense, on aurait pu tenter selon nous la divisibilité de la mention illégale prise séparément (mais encore eût-il fallu que l’argument fût brandi… Ainsi la divisibilité des arrêtés de fusion est-elle ainsi reconnue et l’annulation partielle de ceux-ci en cas de dispositions jugées illégales est appliquée par le juge administratif  : voir le texte intégral de l’arrêt CE, 28 mars 1990, cotes et autres, n°76863 et pour une application éclairante, voir TA Dijon, 27 juin 2000, Ronchères, req. n° 991116, Quinz. jur. 17 juillet 2000 p. 20-21. Pour une application à des mentions sur la composition du bureau, voir CAA Bordeaux, 18 décembre 2007, Communes d’Eysus et de Lurbe-Saint-Christau, n° 05BX01522)…. De même les défendeurs ne semble-t-ils pas avoir tenté d’obtenir l’application d’un différé d’annulation (le temps de recréer le syndicat par fusion après extension de compétences) au sens de CE, Ass., 11 mai 2004, Associations AC! , rec. p. 197, GAJA 21e éd. 105)… L’absence de ces lignes de défense (sauf si le juge a omis d’y répondre, ce dont nousdoutons) dans un tel dossier laisse pantois (et il sera trop tard pour soulever cela à hauteur d’appel, ce dernier n’étant pas suspensif sauf rares cas où le juge d’appel accepte une demande ad hoc).

Il est à signaler que ce dossier avait déjà donné lieu à une suspension avec, déjà, recréation des syndicats. Voir :

Source pour cette nouvelle décision, au fond cette fois-ci : 

TA Dijon, 1er juillet 2021, n° 2100438