PPRI : le préfet doit-il tenir compte des installations édifiées irrégulièrement ?

Le classement de terrains par un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l’intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires, à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines (articles L. 562-1 et R. 562-3 du code de l’environnement).

Une telle vocation conduit naturellement le juge administratif à faire prévaloir une interprétation in concreto, d’une part, et un critère de finalité, d’autre part. 

Déjà en 2016, le Conseil d’Etat avait rendu une décision importante sur ce point qui :

  • outre qu’elle précisait qu’une même zone peut regrouper l’ensemble des secteurs soumis aux mêmes interdictions, prescriptions et mesures, sans qu’il soit nécessaire que les motifs différents qui ont pu conduire à les soumettre à des règles identiques soient identifiables par un zonage différencié.
  • imposait, surtout, de prendre en compte la réalité des risques au jour de ses actes, « à titre préventif », notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines. Il avait été posé en l’espèce que, lorsque les terrains sont situés derrière un ouvrage de protection, il appartient à l’autorité compétente de prendre en compte non seulement la protection qu’un tel ouvrage est susceptible d’apporter, eu égard notamment à ses caractéristiques et aux garanties données quant à son entretien, mais aussi le risque spécifique que la présence même de l’ouvrage est susceptible de créer, en cas de sinistre d’une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance de tels accidents n’est pas dénuée de toute probabilité.

Source : CE, 6 avril 2016, Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie c/ M. et autres, n°s 386000 386001, rec. T. p. 987. Voir l’article que nous avions alors rédigé : Les plans de prévention des risques naturels prévisibles sont un peu moins imprévisibles  

Au total, de cette approche in concreto et de ce critère de finalité, résulte un certain pragmatisme. 

Dans une nouvelle affaire, le juge avait à trancher le point de savoir si en ce domaine des PPRI, le préfet doit, ou non, tenir compte des installations édifiées irrégulièrement.

Logiquement, le Conseil d’Etat a tranché dans le sens du pragmatisme : le préfet doit donc dans un PPRI tenir compte de l’existant en pratique, au delà de l’existant en droit.

Le Conseil d’Etat en déduit donc que « l’autorité en charge de l’élaboration d’un PPRI ne peut légalement s’abstenir de tenir compte, lors de l’élaboration de ce document, de la modification de l’altimétrie de terrains résultant d’une opération de remblaiement au seul motif que celle-ci a eu lieu dans des conditions estimées irrégulières et présente, à ce seul titre, un caractère précaire dans l’attente d’une éventuelle régularisation, dont elle n’exclut pas la possibilité.»

Source : Conseil d’État, 24 novembre 2021, n° 436071, à mentionner aux tables du recueil Lebon. 

Lire les intéressantes conclusions de M. Stéphane HOYNCK, rapporteur public :