Une étude imposée à un exploitant ICPE peut bien porter sur le passé… pour aider des études épidémiologiques en cours

Des études imposées à une ICPE peuvent viser, non à s’assurer du respect de la réglementation, mais aussi à étudier des risques sanitaires passés, pour aider à des études en cours (et donc mesurer un risque actuel). Illustration paloise. 

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Par un jugement du 17 avril 2024, le tribunal administratif de Pau a confirmé la légalité de l’arrêté préfectoral prescrivant à la société Sanofi Chimie, exploitant l’usine de production des substances actives du médicament anti-épileptique commercialisé sous la marque Dépakine, de réaliser une étude des éventuels risques sanitaires que présentaient les émissions atmosphériques de ces substances, auxquelles la population a été exposée.

Garant de la protection l’environnement, le préfet peut prescrire à l’exploitant de l’usine la réalisation des mesures qui se révèleraient nécessaires à la protection, notamment, de la santé, la sécurité, la salubrité publiques, intérêts énumérés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. De telles mesures peuvent concerner, le cas échéant, des terrains situés au-delà du strict périmètre de l’installation en cause, dans la mesure où son exploitation actuelle ou passée présente des risques d’atteinte à ces intérêts.

En effet, de telles études peuvent :

  • être imposées à tout moment par l’autorité administrative 
  • dès qu’il y a nécessité pour la protection des intérêts énumérés à l’article L. 511-1 du code de l’environnemnet 
  • même au delà des périmètres ICPE
  • même pour des émissions passées liées à cette ICPE
  • y compris après l’arrêt définitif de l’installation 

Ce que le TA résume très classiquement ainsi :

« 3. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 511-1 et L. 512-20 du code de l’environnement que l’autorité administrative peut prendre à tout moment, à l’égard de l’exploitant d’une installation classée, les mesures qui se révèleraient nécessaires à la protection des intérêts énumérés à l’article L. 511-1 du même code, y compris après sa mise à l’arrêt définitif. De telles mesures peuvent concerner, le cas échéant, des terrains situés au-delà du strict périmètre de l’installation en cause, dans la mesure où ceux-ci présentent des risques de nuisance pour la santé publique ou la sécurité publique ou la protection de l’environnement, se rattachant directement à l’activité présente ou passée de cette installation.»

Formulation à comparer par exemple avec CAA de PARIS, 1ère chambre, 02/02/2023, 21PA03157, Inédit au recueil Lebon ; CAA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, 21/07/2015, 13LY02418, Inédit au recueil Lebon ; CAA de TOULOUSE, 4ème chambre, 20/04/2023, 20TL04689, Inédit au recueil Lebon ; Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26/11/2010, 323534…

En l’espèce, ces prescriptions prises par un arrêté du 6 janvier 2021 interviennent après que l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement a visité le site de Sanofi Chimie à plusieurs reprises et constaté des émissions de valproate de sodium et de bromopropane, substances potentiellement cancérigènes et reprotoxiques, auxquelles ont été exposés les salariés et riverains des alentours.

Si les travaux réalisés en 2018 ont permis à l’usine de respecter les valeurs limites d’émission de ces substances, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a souhaité obtenir une analyse des risques que les émissions passées ont fait courir à la population. Il a estimé que les études déjà réalisées par Sanofi Chimie étaient insuffisantes dès lors que leur périmètre, en n’incluant pas la zone résidentielle, était trop limité, et que la modélisation de dispersion des rejets utilisée n’était pas adaptée aux substances étudiées. En effet, en l’absence de valeurs toxicologiques de référence fiables pour certains types d’exposition à ces substances, le tribunal a estimé qu’en prescrivant la réalisation d’une évaluation des risques sanitaires en vue d’obtenir des données nécessaires dans le cadre des études épidémiologiques en cours, et en imposant l’utilisation des valeurs préconisées par l’agence régionale de santé, dans l’attente de la nouvelle valeur toxicologique de référence en cours d’élaboration par l’ANSES, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n’a pas entaché sa décision d’erreur d’appréciation (car oui, en ce domaine, le contrôle est celui de l’EMA – erreur manifeste d’appréciation).

Source :

TA Pau, 18 avril 2024, Société SANOFI CHIMIE, n° 2100547 (à voir ici sur le site dudit TA)