« Pour le CESE, les conditions d’une généralisation de la tarification progressive à l’ensemble des autorités organisatrices des services d’eau ne sont pas réunies.»

« Pour le CESE, les conditions d’une généralisation de la tarification progressive à l’ensemble des autorités organisatrices des services d’eau ne sont pas réunies »… et c’est le Conseil économique, social
et environnemental (CESE) lui-même qui résume ainsi sa pensée.

Le CESE commence par constater que déjà, à ce jour, en dépit du cadre juridique en ce domaine, une telle tarification progressive reste rare :

« D’après les derniers chiffres de l’Office français de la biodiversité, seuls 8 %
des services publics d’eau et 2 % des services publics d’assainissement pratiquent une tarification à plusieurs tranches. Le CESE s’est interrogé sur les raisons de cette faible adoption
et en a identifié plusieurs : données insuffisantes (composition des ménages, usagers domestiques versus usagers non domestiques), complexité de la mise en œuvre (qui s’ajoute à la complexité de
la construction tarifaire elle-même – eau et assainissement, partie fixe et partie variable, taxes-), difficulté à définir les tranches de progressivité pertinentes selon les territoires et les catégories d’usagers, impact sur la facture d’eau marginal pour une majorité d’usagers domestiques, faible « élasticité » du
fait notamment que l’eau potable est un bien de première nécessité dont le prix jusqu’à ce jour demeure relativement bas (dépense mensuelle moyenne de 43 euros par ménage). »

Notons aussi ce passage qui ne surprendra que les néophytes, mais qui rappelle au moins une évidence méconnue du grand public (la mise en gras souligné à la fin est de nous, et non du CESE) :

«  Plusieurs enjeux dépassent la simple tarification. La modernisation des
réseaux pour améliorer le rendement des canalisations ainsi que les coûts croissants de traitement de potabilisation du fait des rejets polluants conduisent le CESE à réinterroger le principe de « l’eau paie l’eau ». Le petit cycle et le grand cycle de l’eau apparaissent de plus en plus imbriqués ce qui posera la question de l’internalisation des externalités. En somme, le CESE souhaite alerter sur la fin d’une eau bon marché à court et moyen terme. »

D’où les préconisations que voici de la part du CESE dans son avis :

« PRÉCONISATION #1
Consolider les données du système d’information Sispea.
Le CESE préconise de consolider les données du Système d’information sur les services de l’eau et de l’assainissement (Sispea), pour connaître de façon détaillée la consommation des différents abonnés (particuliers, professionnels, services publics…) et permettre une meilleure prise en compte des différentes parties prenantes dans la construction des politiques publiques. Cela nécessite d’apporter soutien et appui aux petits services qui, faute de moyens, ne font pas remonter les données. Le CESE préconise également que l’obligation
de fournir des informations fiables soit intégrée au cahier des charges des délégataires.
« PRÉCONISATION #2

Anticiper l’inéluctable augmentation des tarifs
des services de l’eau potable
Alors que de nombreux facteurs économiques et environnementaux vont conduire à l’augmentation du prix de l’eau dans les prochaines années, le CESE préconise le lancement d’une étude prospective, sous l’égide du Secrétariat général à la planification écologique, afin d’évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette hausse attendue du prix de l’eau.
PRÉCONISATION #3
Permettre à chaque usager de disposer d’un compteur d’eau individuel
Pour responsabiliser les consommateurs et inciter à la sobriété des consommations, le CESE préconise la mise en œuvre d’un plan national, pour permettre à chaque usager de pouvoir disposer d’un compteur individuel, si les conditions le permettent. Ce plan devra s’appuyer sur des mesures incitatives, notamment financières, des actions de sensibilisation et d’accompagnement des usagers, ainsi que de coordination des différentes parties prenantes (syndics de copropriétés,
services publics de l’eau et de l’assainissement, opérateurs privés).
Le CESE préconise également que tout usager qui en fait la demande puisse disposer d’un compteur
à télérelèves et rappelle que le développement de ce type de compteurs facilite la mise en œuvre d’une tarification progressive.

PRÉCONISATION #4
Élaborer un simulateur de tarification de l’eau
Le CESE préconise d’élaborer
un simulateur qui sera mis à
la disposition des collectivités souhaitant mettre en œuvre une tarification de l’eau. Il s’agira
d’un outil d’aide à la décision qui offrira la possibilité d’évaluer l’impact des différents modèles de tarification sur l’équilibre financier de l’autorité organisatrice, sur le budget des consommateurs, mais également d’estimer la baisse de consommation attendue.
PRÉCONISATION #5
Supprimer la tarification dégressive avant le 1er janvier 2030
Parce que la tarification dégressive n’incite pas à la sobriété, le
CESE préconise de la supprimer progressivement d’ici le
1er janvier 2030.
Pendant la phase de transition, les professionnels ou services publics qui sortiront d’une tarification dégressive devront pouvoir bénéficier d’un accompagnement, technique et financier, par une agence de l’eau, afin de mettre en œuvre un plan de sobriété.
Pendant cette phase, des études d’impact devraient être réalisées avec une attention particulière portée aux services d’intérêt général qui pourraient voir leur facture augmenter significativement. La
loi permettant de pratiquer une tarification différenciée en fonction des catégories d’usagers, les collectivités pourront choisir une formule tarifaire moins pénalisante pour ces services.
PRÉCONISATION #6
Réviser le cadre réglementaire
des autorisations de forage à usage non-domestique
Pour mieux associer les collectivités
au processus de décision, le CESE préconise une révision du cadre réglementaire des autorisations de forage à usage non-domestique. Ce nouveau cadre devra prévoir une consultation écrite pour avis de la collectivité sur le terrain de laquelle est situé le forage par les services déconcentrés compétents.
PRÉCONISATION #7
Promouvoir la mise en place d’une tarification saisonnière
Comme le permet la loi LEMA de 2006, le CESE préconise de promouvoir la mise en place d’une tarification saisonnière dans l’ensemble des communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière, y compris dans celles qui n’ont pas d’activité touristique.
PRÉCONISATION #8
Mettre en œuvre un accompagnement social dissocié de la tarification
Le CESE préconise que les collectivités mettent en œuvre un accompagnement social pour les usagers les plus fragiles, avec une aide directe pour le paiement de la facture d’eau. Cette aide sera accordée sous conditions de ressources, quel que soit le modèle de tarification ou la taille de l’organisme chargé de la distribution.
PRÉCONISATION #9
Déployer des démarches de sobriété au sein des entreprises
Sur le même modèle que la mesure
du Plan Eau « État exemplaire », le
CESE préconise la co-construction
des démarches de sobriété et de lutte contre le gaspillage de l’eau dans les entreprises : « Entreprises exemplaires ». Dans le cadre de démarches RSE et en associant les CSE, il s’agira dans chaque entreprise de définir un plan de sobriété et les actions de sensibilisation à mettre en œuvre.»

Voici cet avis du CESE :