La France continue de perdre ses haies ; le Ministère de l’agriculture tente d’inverser la tendance

Préoccupé de la baisse continue des linéaires de haie en France sur les cinquante dernières années, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a commandé mi-novembre 2022 au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), une mission pour disposer d’un état des lieux des connaissances scientifiques sur la haie et de la prise en compte de celle-ci dans les systèmes agricoles, examiner l’ampleur et les causes du phénomène d’arrachage de haies, et proposer des mesures incitatives sur les haies.

Le ministre s’est vu remettre le 24 avril le rapport issu de cette mission d’inspection du CGAAER.

Voici ce rapport très inquiétant :

https://agriculture.gouv.fr/rapport-du-cgaaer-ndeg-22114-la-haie-levier-de-la-planification-ecologique

 

Voici la fin du résumé de ce rapport :

« Depuis 1950, 70 % des haies ont disparu des bocages français. Sous l’effet conjoint du remembrement agricole et du déclin de l’activité d’élevage, la surface en haies et alignements d’arbres en France métropolitaine est en constante diminution, malgré les programmes de plantations (perte estimée à 23 500 km/an entre la période 2017 et 2021).

Face aux aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents, les haies et les arbres représentent une vraie solution grâce aux nombreux services qu’ils rendent à l’agriculture et au territoire :
• Bénéfices agronomiques permettant une amélioration du rendement agricole et de la productivité des animaux : effet brise-vent, bien-être animal par l’ombrage, rétention des sols et lutte contre l’érosion, enrichissement des sols, lutte biologique, pollinisation ;

• Services écosystémiques : stockage de carbone, préservation du paysage, régulation de l’eau, préservation de la biodiversité et des corridors écologiques.
Face à l’absence de données consolidées sur les haies, la mission recommande d’avoir recours à une nouvelle méthode d’extraction des informations pour suivre l’évolution du linéaire de haies.
Si l’accent est souvent mis sur la création de nouvelles haies, il convient avant tout de mieux protéger le linéaire existant en assurant le déploiement du plan de gestion durable des haies et en renforçant le dispositif spécifique d’éco-conditionnalité « BCAE8 » du plan stratégique national (PSN) de la PAC, sous l’angle de la simplification et des contrôles.
Les services écosystémiques, relevant d’enjeux transversaux, ne peuvent être pris en charge au travers de l’activité économique des exploitations. Aussi, afin d’assurer une rémunération des agriculteurs, principaux gestionnaires, il est proposé de revaloriser le bonus haie dans l’éco-régime de la PAC, de subventionner les plans de gestion durable et d’étudier des mesures fiscales (extension du crédit d’impôt « DEFI travaux »).
Les travaux de recherche sur la haie sont déjà nombreux mais il manque des références technico- économiques et une coordination des travaux des instituts techniques sous l’égide de l’ACTA. La mise en place d’outils d’aide à la décision à différentes échelles spatiales, intégrant les différentes fonctionnalités de la haie, ainsi que la construction de références techniques et économiques s’appuyant sur des réseaux d’observation plus denses, en particulier sur les exploitations des lycées agricoles, sont encouragées.
La transition écologique passe par la formation massive des agriculteurs ainsi que plus globalement des gestionnaires de haies. La mise en place d’une certification professionnelle à l’attention des techniciens conseil est également souhaitable.
Enfin, la dynamique, la créativité ainsi que l’articulation entre les projets individuels et l’aménagement du territoire se font au niveau des territoires. Cela justifie le lancement de plans régionaux d’actions partagées entre État, Régions et acteurs locaux. Ces démarches concertées pourraient s’accompagner d’un grand élan fédérateur associant l’ensemble des acteurs, traduit par la signature d’une « Charte de la haie ».

 

Voici les recommandations de ce rapport :

R1. Avoir recours à une nouvelle méthode d’extraction des données pour suivre, sous forme cartographique, les évolutions des arbres hors forêt et en particulier des haies entre la période voisine de 2015 et la période actuelle. Apporter pour ce faire un soutien financier à INRAE, sur deux ans. Les cartes pourraient ensuite être en libre accès sur le pôle national THEIA.

R2. La mission recommande de mieux protéger et gérer le linéaire de haies existant par la mise en place des mesures suivantes :

– Soutenir le déploiement du plan de gestion durable des haies (PGDH) en tant qu’outil de référence pour les soutiens publics, de sécurisation pour les réglementations, de garantie de durabilité de la biomasse bocagère et de pédagogie.

– Renforcer la nouvelle BCAE 8, simplifier sa mise en œuvre via le PGDH et améliorer les contrôles.

R3. Afin d’inciter davantage d’agriculteurs à maintenir et gérer durablement leurs haies, la mission recommande d’apporter des soutiens sur le long terme par les actions suivantes :

– subventionner les plans de gestion durable des haies ;

– au vu du retour d’expérience de la campagne PAC 2023 et en cas de manque d’attractivité, faire évoluer le bonus haies pour le rendre réellement attractif ;

– étudier l’extension du crédit d’impôt « DEFI Travaux » aux haies gérées durablement dans le cadre d’un PGDH ou étudier un dispositif fiscal spécifique.

R4. Dans le cadre du PNDAR, mobiliser prioritairement l’ACTA, les instituts techniques, les ONVAR et Chambre d’agriculture de France dans un dispositif d’accélération des travaux de recherche appliquée et de diffusion des connaissances au plus proche des territoires. S’appuyer sur des réseaux d’exploitations pilotes dont celles des lycées agricoles, avec pour objectif :

– La construction de références techniques et économiques dans différents systèmes de culture valorisant les services écosystémiques de la haie ;

– La mise au point d’outils d’aide à la décision à différentes échelles concernant l’implantation et la gestion de la haie, intégrant d’emblée ses différentes fonctionnalités.

R5. Agir prioritairement sur la formation dans le cadre du Pacte et projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles :

– Mener dans un pas de temps court, une mise à jour des référentiels des diplômes agricoles, pour y intégrer obligatoirement les connaissances actualisées sur la haie ;

– Harmoniser les référentiels de formation à la haie et à l’agroforesterie en vue de la certification professionnelle des acteurs du conseil agricole (chambres, ONVAR, Coopératives) et des acteurs de la gestion de la haie (agents des collectivités locales, agents des entreprises de travaux).

R6. Établir, à l’initiative du Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, une Charte en faveur des haies, en associant le Ministre en charge de la transition écologique et toutes les parties prenantes.

R7. Lancer une concertation au niveau de chaque région, sous l’égide du Président du Conseil régional et du Préfet de Région, pour établir un plan d’actions partagées avec les acteurs locaux. Ce plan abordera divers thèmes: animation, sensibilisation et communication, formation, de transfert de connaissances, soutiens financiers, structuration de filières… Il peut se décliner en projet de territoires à échelles variées, sur des approches globales ou ciblées. L’État devrait apporter les financements nécessaires.

 

Une concertation interministérielle sera lancée dans les jours qui viennent pour construire un « pacte en faveur de la haie».