Il est possible de refuser de raccorder à l’eau potable une construction irrégulière. Mais est-ce le cas, également, pour le raccordement à l’assainissement collectif ?

Au titre des pouvoirs de police de l’urbanisme qu’elle tient des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme, l’autorité administrative chargée de la délivrance des permis de construire PEUT s’opposer au raccordement du réseau d’assainissement en cas de construction ou transformation irrégulière. 

Le principe n’en est pas nouveau mais la CAA de Marseille vient d’accepter donc d’appliquer ce régime, outre à l’alimentation en eau potable, aux raccordements propres à l’assainissement collectif, ce qui est plus novateur. 


Aux termes de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme :

« Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions.»

Dans ce cadre, un maire a pu par exemple refuser un raccordement à l’électricité d’un cabanon qui ne pouvait selon le juge être regardé comme étant une construction autorisée ou agréée au sens de cet article L. 111-12 du code del’urbanisme (TA Toulon, 1re ch., 6 déc. 2022, n° 2000138).

Surtout, par une décision rendue le 23 novembre 2022, le Conseil d’Etat a :

  • rappelé que le maire dispose du pouvoir d’apprécier la véracité du caractère provisoire du raccordement de la construction et qu’il peut ainsi considérer que, contrairement à ce qui est indiqué dans la demande d’autorisation, le raccordement sollicité est en réalité définitif 
  • précisé que le raccordement escompté peut être regardé comme étant définitif, même si la construction ne sera pas occupée de façon permanente 
  • estimé que, même si la demande d’autorisation indique qu’elle est présentée pour un raccordement provisoire au motif que les occupants de la construction ne seront présents que pour des séjours de trois mois maximum, en l’espèce, elle peut être considérée comme portant en réalité sur un raccordement définitif 

Source : CE, 23 novembre 2022, Commune d’Esbly, req., n° 459043. Pour lire l’arrêt, cliquer ici. Pour voir l’article de mon associé N. Polubocsko à ce sujet, voir là.

N.B. : ce régime n’est pas à confondre avec celui de l’article R. 111-2 de ce même code qui permet de refuser certains permis ou de les conditionner à certaines prescriptions. 

C’est dans ce cadre que la CAA de Marseille vient de rendre une décision intéressant. La Cour pose que les dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme, qui présentent le caractère de mesures de police de l’urbanisme destinées à assurer le respect des règles d’utilisation du sol, permettent à l’autorité administrative chargée de la délivrance des permis de construire de refuser le raccordement définitif aux réseaux d’eau, lesquels incluent les réseaux d’assainissement en tant que réseau d’eaux usées, d’un bâtiment non régulièrement édifié.

LE REFUS, CLAIREMENT AUTORISÉ PAR LE CODE DE L’URBANISME POUR L’ALIMENTATION EN EAU POTABLE (AEP), EST DONC ÉTENDU PAR CETTE CAA AUX RACCORDEMENTS À L’ASSAINISSEMENT COLLECTIF (AC).

Or, s’agissant de services publics distincts, devant donner lieu à des budgets distincts à compter de 3000 habitants, reconnaissons que cela n’allait pas de soi en droit.

Cependant allaient dans le sens de l’interprétation de la CAA de Marseille d’une part le fait que l’article L. 111-12 précité parle bien de « l’eau » et non de l’alimentation en eau potable (ce qui va dans le sens d’une interprétation large mais en ce cas les praticiens parlent quant à eux des « services des eaux ») et d’autre part l’incongruité qui pourrait résulter de pouvoir dire non à l’AEP et pas à l’AC.

Mais comme le souligne David-Nicolas Lamothe, de A propos, la question ne se pose en général pas en ces termes puisque les travaux de branchement à l’assainissement collectif relèvent d’un autre cadre, fixé par les articles  L.1331-1 et s. du CSP)…  

 

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En l’espèce, un maire ne s’est pas opposé à une déclaration préalable de division. Mais il s’est ensuite opposé à une demande de raccordement au réseau public d’assainissement à la société publique locale (SPL).

Ce pouvoir, la CAA le reconnait :

« 6. Ces dispositions, qui présentent le caractère de mesures de police de l’urbanisme, destinées à assurer le respect des règles d’utilisation du sol, permettent à l’autorité administrative chargée de la délivrance des permis de construire de refuser le raccordement définitif aux réseaux d’eau, lesquels incluent les réseau d’assainissement en tant que réseau d’eaux usées, d’un bâtiment irrégulièrement édifié.»

La Cour note aussi que nul contradictoire préalable ne s’imposait à ce stade :

« 10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D… et M. A… B… ont fait une demande de raccordement au réseau d’assainissement au gestionnaire du réseau, la société publique locale d’assainissement […], lequel a sollicité l’avis du maire comme l’explicite le tampon de la mairie apposé sur la demande de raccordement. Par suite, le maire, qui a agi à la suite d’une demande de raccordement, n’était pas tenu pour s’y opposer, de procéder à une procédure contradictoire préalable en application des dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration alors même qu’il s’agit d’une mesure de police de l’urbanisme, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges dans le point 8 du jugement attaqué.»

MAIS la commune finit par perdre tout de même son appel faute pour la construction d’être non conforme :

« 14. En premier lieu, d’une part, contrairement à ce que soutient la commune de C., la construction à raccorder de Mme D… et M. A… B…, dont il n’est pas contesté qu’elle a été autorisée par un permis de construire délivré en 2007, ne peut être regardée comme irrégulière du seul fait qu’une division parcellaire serait intervenue depuis. D’autre part, la commune n’apporte aucune précision pour étayer l’affirmation selon laquelle cette construction ne serait pas conforme au permis de construire. La commune ne pouvait, par suite, opposer les dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme pour s’opposer au raccordement.

15. En second lieu, la commune n’explicite pas le fondement juridique des autres motifs opposés au raccordement de la propriété de Mme D… et M. A… B… au réseau d’assainissement de la commune que ces derniers contestent dans leur requête introductive d’instance.

16. Ainsi, aucun des motifs invoqués par la commune de C. dans l’arrêté en litige au regard des éléments produits devant la Cour et le tribunal administratif, n’est de nature à justifier l’opposition au raccordement du bâtiment en cause au réseau d’assainissement.

17. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’apparaît susceptible de fonder l’annulation de la décision en litige.»

Source : 

CAA de MARSEILLE, 6 avril 2023, n° 20MA00172