L’Assemblée Nationale planche sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique (avec 81 propositions)

Hier, mercredi 17 janvier, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale a examiné le rapport de la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique, avec pour rapporteurs MM.  Vincent Descoeur et Yannick Haury. 

Voici le rapport :

Ils avaient bien du courage car ledit rapport pèse tout de même 197 pages. Le voici dans sa version provisoire diffusée ici, avec un commentaire intéressant, par Localtis/Banque des territoires :

cliquer ici pour accéder à ce RAPPORT DE LA MISSION D’INFORMATION SUR L’ADAPTATION DE LA POLITIQUE DE L’EAU AU DÉFI CLIMATIQUE

Voici les 81 propositions formulées par cette mission d’information :

  • I. UNE RESSOURCE EN EAU SOUS TENSION DU FAIT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ET DES ACTIVITÉS HUMAINES 
    • Proposition n° 1 : Renforcer la connaissance en temps réel du niveau des cours d’eau et des nappes phréatiques et développer des outils de pilotage plus précis du soutien d’étiage.
    • Proposition n° 2 : Accentuer la mobilisation des réserves hydroélectriques existantes par la possibilité d’inclure dans le renouvellement des concessions, une part des volumes dédiés au soutien d’étiage.
    • Proposition n° 3 : Déclarer l’état d’urgence hydrique dans les territoires d’outre-mer confrontés à de graves difficultés d’accès ou de pollution de l’eau. Renforcer les moyens du Plan eau consacrés à l’outre-mer.
    • Proposition n° 4 : Identifier les principaux préleveurs sur les réseaux d’eau sur chaque bassin versant, connaître leur seuil de vulnérabilité et évaluer les besoins saisonniers.
    • Proposition n° 5 : Développer une base nationale des prélèvements en eau mise à jour de manière mensuelle et corrélée avec les autorisations et droits de prélèvement et objectifs de répartition des prélèvements par sous-bassin versant.
    • Proposition n° 6 : Imposer le déploiement de compteurs de consommation d’eau en temps réel pour les acteurs économiques, agricoles et industriels en contrepartie d’une aide financière de l’État ou des agences de l’eau.
    • Proposition n° 7 : Faire respecter la loi en matière d’installation de compteurs individuels dans les copropriétés neuves. Encourager l’adoption de compteurs individuels dans toutes les copropriétés pour favoriser la sobriété hydrique et la mise en place éventuelle de systèmes de tarification progressive.
    • Proposition n° 8 : Abaisser le seuil de déclaration des prélèvements à 1 000 mètres cubes par an et imposer le télé-relevé pour tous les prélèvements soumis à autorisation.
    • Proposition n° 9 : Engager une réflexion avec les assurances sur la prise en charge des pertes d’exploitation liées aux restrictions d’eau par les arrêtés préfectoraux.
    • Proposition n° 10 : Renforcer la formation et les obligations d’information des professionnels de l’assurance sur les phénomènes naturels impactant la ressource en eau et sur les risques qui y sont associés.
    • Proposition n° 11 : Réunir plus souvent la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
    • Proposition n° 12 : Renforcer l’adoption et le respect des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) dans toutes les communes concernées par le risque d’inondation.
    • Proposition n° 13 : Prendre en compte les impacts directs et indirects de tout nouveau projet d’aménagement ou d’implantation industrielle sur un territoire, en estimant son « empreinte eau » et en prenant en compte l’état de la ressource en eau sur ledit territoire.
    • Proposition n° 14 : Intégrer dans les études demandées aux industries phytopharmaceutiques sur l’autorisation d’une substance active, des éléments sur les métabolites, notamment leur durée estimée de dégradation et leurs effets sur l’environnement, afin d’améliorer la connaissance sur ces substances.
    • Proposition n° 15 : Envisager à terme, la détermination d’une valeur sanitaire maximale (VMAX) pour les métabolites et le renforcement de leur prise en compte dans les autorisations de mise sur le marché.
    • Proposition n° 16 : Inscrire ces objectifs dans la future stratégie Ecophyto 2030.
    • Proposition n° 17 : Prévoir un soutien financier et technique systématique des services de l’État aux collectivités dans la réalisation des études et documents préalables à la demande de préemption d’une aire d’alimentation de captage (AAC).
    • Proposition n° 18 : Prévoir un soutien des services de l’État aux communes après leur acquisition des zones préemptées dans les aires d’alimentation de captage (AAC), notamment afin de favoriser sur ces zones le développement de forêts, de prairies permanentes ou de pratiques agricoles encadrées.
    • Proposition n° 19 : Prévoir un droit de préemption d’office par le représentant de l’État dans le territoire si le risque de pollution de l’aire d’alimentation de captage (AAC) est avéré.
    • Proposition n° 20 : Prévoir dans tous les arrêtés cadre « sécheresse », une dérogation, permettant d’arroser les jeunes plants d’arbres et d’arbustes, en favorisant l’arrosage avec des eaux non-conventionnelles.
  • II. COMMENT MIEUX ADAPTER LES POLITIQUES DE L’EAU AUX EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ? 
    • Proposition n° 21 : Systématiser les cartographies des zones favorables et défavorables à l’infiltration des eaux pluviales en zone urbaine, et calculer l’indice d’infiltration de celles-ci, en sollicitant l’expertise du BRGM.
    • Proposition n° 22 : Intégrer dans tous les documents d’urbanisme, un règlement des eaux pluviales définissant des parcelles où l’infiltration devient obligatoire, en prenant en compte les contraintes locales. Ce règlement se base sur une carte du potentiel naturel à l’infiltration, telle que celle réalisée par le BRGM.
    • Proposition n° 23 : Intégrer dans tous les documents d’urbanisme, l’obligation de définir un coefficient d’imperméabilisation à l’échelle de la commune, et une trajectoire de réduction de ce coefficient. Intégrer également dans les documents d’urbanisme, des règles de construction spécifiques afin de favoriser les projets permettant l’infiltration à la parcelle.
    • Proposition n° 24 : Prévoir une prime permettant de financer des aménagements de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau pour les particuliers, sur le modèle des primes pour la rénovation énergétique.
    • Proposition n° 25 : Prévoir un accompagnement financier par l’État des collectivités qui entreprennent des travaux de désimperméabilisation et de déconnexion des eaux pluviales du réseau.
    • Proposition n° 26 : Poursuivre et étendre les expérimentations sur la recharge artificielle de nappes phréatiques, y compris avec des eaux réutilisées traitées, dans des conditions de sécurités vérifiées.
    • Proposition n° 27 : Prévoir des primes à l’installation de matériel hydro-économe, tant chez les particuliers que chez les autres acteurs économiques, sur le modèle des primes à la rénovation énergétique.
    • Proposition n° 28 : Actualiser la liste des communes identifiées comme « points noirs » en termes de fuites, afin de mieux les accompagner.
    • Proposition n° 29 : Développer une cartographie des réseaux et de leur rendement, afin d’avoir une vision précise des besoins des territoires, et d’identifier les communes les plus en difficulté.
    • Proposition n° 30 : Investir dans la digitalisation des réseaux et l’usage de capteurs pour détecter les fuites de façon préventive.
    • Proposition n° 31 : Encourager les collectivités territoriales en vue du renouvellement de leur réseau, à se doter d’une stratégie patrimoniale contenant des objectifs chiffrés de renouvellement.
    • Proposition n° 32 : Généraliser le conditionnement des aides des agences de l’eau aux collectivités territoriales en vue du renouvellement de leur réseau, à un prix minimum de l’eau, qui permette de financer une partie du renouvellement.
    • Proposition n° 33 : Définir, pour chaque type d’eau non-conventionnelle, tous les usages autorisés.
    • Proposition n° 34 : Fixer un objectif de réutilisation des eaux usées traitées ou des eaux non-conventionnelles pour chaque collectivité territoriale compétente en matière d’eau et d’assainissement.
    • Proposition n° 35 : Encourager, dans les règles d’urbanisme, l’installation de récupérateurs d’eau dans toutes les nouvelles constructions, et en intégrer dans les anciennes via des aides sur le modèle des primes pour la rénovation énergétique.
    • Proposition n° 36 : Prévoir un accompagnement financier de l’État au développement de projets de REUT.
    • Proposition n° 37 : S’assurer que les projets de réutilisation des eaux usées soit adaptés à leur environnement local et n’aient pas d’incidence néfaste sur les milieux.
    • Proposition n° 38 : Poursuivre la création d’un cadre national clair sur les conditions de la réutilisation des eaux usées, avec des exigences sanitaires adaptées aux usages.
    • Proposition n° 39 : Réfléchir à l’opportunité d’encourager la création de doubles réseaux d’eau dans les constructions de logements neufs afin de réutiliser les eaux grises pour les usages domestiques.
    • Proposition n° 40 : Encourager le multi-usage de l’eau stockée à des fins d’irrigation, notamment en période de crise, pour l’alimentation en eau potable, le soutien à l’étiage et éventuellement la recharge artificielle des nappes.
    • Proposition n° 41 : Encourager le stockage de l’eau dans les territoires les plus marqués par les irrégularités de la ressource en eau.
    • Proposition n° 42 : Conditionner les subventions publiques destinées à la construction d’ouvrages de stockage, à l’élaboration d’un plan d’optimisation de la ressource en eau par les futurs bénéficiaires de l’ouvrage.
    • Proposition n° 43 : Encourager la diversification des semences, notamment en développant de véritables filières permettant des débouchés commerciaux à ces productions, et sensibiliser les consommateurs à ces enjeux.
    • Proposition n° 44 : Renforcer le soutien public à la recherche et au développement de nouvelles variétés plus résilientes aux effets du changement climatique.
    • Proposition n° 45 : Poursuivre et étendre les paiements pour services environnementaux, en les ciblant plus spécifiquement sur les pratiques agricoles permettant la protection et la restauration de la ressource en eau.
    • Proposition n° 46 : Encourager l’achat de matériel d’irrigation plus économe par les exploitants agricoles.
    • Proposition n° 47 : Intégrer davantage dans les SAGE les problématiques locales de hiérarchie des usages et de répartition des volumes d’eau.
    • Proposition n° 48 : Communiquer davantage en l’amont et pendant la crise sécheresse : impliquer tous les usagers pour renforcer l’appropriation des mesures et l’efficacité des décisions.
    • Proposition n° 49 : Renforcer le processus d’anticipation et d’implication des différents acteurs dans la préparation des arrêtés sécheresse. Coordonner l’action des services de l’État par la mise en place de préfets coordonnateurs à l’échelle des sous-bassins lorsque c’est nécessaire.
    • Proposition n° 50 : Mettre à jour dans chaque département un schéma d’interconnexion qui identifie les fragilités d’approvisionnement des différentes communes et précise les mesures structurelles à prendre pour sécuriser l’approvisionnement en eau, ainsi que les mesures de crise possibles en cas de rupture d’approvisionnement.
    • Proposition n° 51 : En complément des cas d’accident, de sinistre ou de catastrophe, prévoir que l’urgence sanitaire, notamment liée à la défaillance de la distribution de l’eau, justifie la planification et le déclenchement du plan Orsec et les réquisitions des moyens nécessaires.
  • III. RENFORCER LA GOUVERNANCE ET LE FINANCEMENT DES POLITIQUES DE L’EAU POUR FAIRE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
    • Proposition n° 52 : Inscrire l’objectif de réduction de 10 % des prélèvements de la ressource en eau douce dans la loi et le compléter par un objectif de – 25 % d’ici 2040. Décliner ces objectifs dans les Sdage et les SAGE.
    • Proposition n° 53 : Allonger la durée de vie des Sdage et prévoir des modalités simplifiées de révision.
    • Proposition n° 54 : Inciter à l’élaboration de Sdage et de SAGE moins volumineux et plus prescriptifs.
    • Proposition n° 55 : Accroître le nombre de sièges réservés aux usagers non économiques de l’eau et donner un minimum de moyens de fonctionnement autonomes aux comités de bassin sur le plan administratif et financier.
    • Proposition n° 56 : Généraliser les SAGE et les CLE sur l’ensemble du territoire, en absorbant les autres structures existantes pour rationaliser la politique de l’eau.
    • Proposition n° 57 : Raccourcir le délai de mise en oeuvre des CLE et des SAGE et simplifier leurs modalités de révision en introduisant des modes de révision partiels.
    • Proposition n° 58 : Imposer aux Sdage et aux SAGE d’intégrer des éléments chiffrés de réduction des prélèvements et de la consommation en eau, assortis d’obligations de moyens et de résultats.
    • Proposition n° 59 : Associer systématiquement les commissions locales de l’eau aux décisions de mise en oeuvre des SAGE ou à la rédaction des contrats territoriaux qui les mettent en oeuvre, comme les projets territoriaux de la gestion de l’eau.
    • Proposition n° 60 : Scinder l’actuel collège des usagers, acteurs économiques et associations des CLE pour créer, sur le modèle des collèges des comités de bassin, un collège rassemblant la société civile ayant un usage économique de la ressource et un collège composé des représentants des usagers domestiques, récréatifs et des associations environnementales.
    • Proposition n° 61 : Accroître le nombre de sièges dévolus aux associations environnementales et aux associations d’usagers au sein des CLE et comités de bassin.
    • Proposition n° 62 : Associer à chaque CLE des établissements publics de bassin ou des Epage capables de mettre en oeuvre les arbitrages.
    • Proposition n° 63 : Prévoir une information et un avis simple systématique des CLE sur les documents d’aménagement du territoire intéressant leur sous-bassin.
    • Proposition n° 64 : Ne pas rendre obligatoire le transfert de la compétence « eau et assainissement » aux EPCI pour les communes faisant déjà partie d’un syndicat intercommunal ou d’un syndicat mixte performant.
    • Proposition n° 65 : Déroger au transfert obligatoire de compétence vers un EPCI dans le cas particulier de communes situées sur des territoires de montagne ne faisant pas l’objet d’une interconnexion des réseaux.
    • Proposition n° 66 : Permettre la délégation de la compétence eau vers les syndicats départementaux constitués et non plus seulement vers les EPCI.
    • Proposition n° 67 : Encourager le développement de syndicats départementaux de gestion de l’eau.
    • Proposition n° 68 : Renforcer les effectifs de l’État en matière de police de l’eau pour le respect des arrêtés sécheresse ou des lois et règlements limitant la pollution de l’eau et les prélèvements.
    • Proposition n° 69 : Prévoir un soutien à l’ingénierie et à la rédaction de contrats de délégation incluant des enjeux environnementaux par les agences de l’eau ou l’ANCT au profit des collectivités qui en feraient la demande.
    • Proposition n° 70 : Intégrer pleinement les métiers de l’eau dans les cadres d’emplois des fonctions publiques territoriales et constituer une véritable filière publique de formations aux métiers de l’eau.
    • Proposition n° 71 : Supprimer le plafond de recettes des agences de l’eau ainsi que leur plafond d’emplois.
    • Proposition n° 72 : Conduire un travail d’évaluation des investissements nécessaires à la protection du grand cycle de l’eau, à l’instar des études effectuées sur le petit cycle.
    • Proposition n° 73 : Élaborer une loi de financement pluriannuelle de la transition écologique comportant un volet « eau » détaillé permettant de mettre en regard les besoins d’investissements, notamment sur le grand cycle, et les ressources allouées à leur mise en oeuvre.
    • Proposition n° 74 : Supprimer la TVA sur l’eau (5,5 %) et l’assainissement (10 %), qui est contraire au principe de « l’eau paie l’eau », afin d’aider au financement du mur d’investissements pour la rénovation des réseaux et le traitement des pollutions émergentes comme existantes.
    • Proposition n° 75 : Abonder de 400 millions d’euros les politiques de biodiversité par le biais de crédits budgétaires ou d’une nouvelle redevance afin de pouvoir mettre un terme au financement des politiques de biodiversité par les redevances prélevées par les agences de l’eau.
    • Proposition n° 76 : Doubler l’objectif annuel d’aquaprêts mis en oeuvre par la Caisse des dépôts. Étudier la possibilité de mettre en oeuvre des prêts à taux zéro de longue durée, à destination des collectivités, avec compensation budgétaire de l’État pour la Caisse des dépôts, à l’instar de ce qui se fait en matière d’éco-PTZ.
    • Proposition n° 77 : Instaurer une nouvelle redevance spécifique pour les pollutions émergentes afin de responsabiliser les metteurs sur le marché de produits ayant un impact sur la qualité de l’eau.
    • Proposition n° 78 : Élargir l’assiette de la redevance pour pollutions diffuses aux PFAS.
    • Proposition n° 79 : Différencier les parties fixes des abonnements en fonction de la capacité de consommation des installations d’eau de l’abonné (existence de piscines par exemple).
    • Proposition n° 80 : Encourager les collectivités à mettre en place une tarification progressive de l’eau et interdire par la loi toute tarification dégressive incitant au gaspillage, à l’exception des services d’intérêt général comme les hôpitaux.
    • Proposition n° 81 : Mettre en place une tarification saisonnière dans les régions touristiques et étudier la possibilité de généraliser cette faculté dans toutes les zones en tension. 

Voici l’audition en vidéo :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14503956_65a78e27b4333