Aménagements hydrauliques, zones d’expansion des crues et actions de restauration écologique : un très intéressant exemple de contrôle opéré par le juge administratif

Etaient attaqués, devant le TA de Melun, dans le cadre des préventions des crues de la Seine :

  • un arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique (DUP) la réalisation d’un aménagement hydraulique et la réalisation d’actions de restauration écologique (« opération du site pilote de la Bassée » )
  • l’arrêté préfectoral délivrant à l’EPTB Seine Grands lacs l’autorisation environnementale dans cette même opération. 

Il ne s’agit pas d’un seul aménagement hydraulique, mais d’un ensemble d’ouvrages, de digues notamment, ainsi que de sortes de zones d’expansion des crues (sauf qu’au lieu de prévoir une expansion naturelle avec suppression d’obstacles et définition d’arrêtoirs des crues, on a des espaces appelés « casiers », avec du pompage vers ces zones, en raison des spécificités de ces zones).

L’opération du site pilote de la Bassée est un début d’opération en ce sens (1er casier sur quatre communes pour une capacité de rétention d’eau d’environ 10 millions de m3 avec cinq sites dits de « valorisation écologique » sur le territoire de six communes).

La méthode du juge est alors classique consistant :

  • pour la DUP, à contrôler successivement :
    • la finalité d’intérêt général. Ce point n’était guère contestable :
      • l’opération contribue à la prévention d’un risque d’inondation susceptible de causer des dommages évalués à 7,9 milliards d’euros en cas de crue centennale, à 1,7 milliards d’euros en cas de crue cinquantennale et à 704 millions d’euros en cas de crue du type de celle de 1993
      • il a été évoqué que le changement climatique aurait pour conséquence de faire perdre cet objet à cette opération… là où tous les experts avec qui je travaille parient plus sur des orages et des crues au fil dudit réchauffement. A tout le moins le juge était-il fondé à rejeter cet argument faute pour celui-ci d’être établi !
      • Le tribunal a donc estimé sur ce point que, malgré la double circonstance qu’elle ne permettrait pas de soutenir le débit d’étiage de la Seine (il s’agit d’une première étape) et que les modalités de son évaluation n’étaient pas encore définies (point plus sensible…), l’opération du site pilote de la Bassée répondait à une finalité d’intérêt général. 
    • la possibilité, ou non, pour l’expropriant de réaliser ce projet dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine. Sur ce point, une analyse in concreto, mais assez minimale, a été assurée par le juge.
      Les requérants faisaient état de la possibilité d’aménager l’existant en restaurant les espaces naturels de la vallée de la Bassée. Le juge a estimé qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier l’opportunité de cette opération, que ce soit au regard des solutions de substitution écartées par le maître d’ouvrage ou au regard de celles proposées lors de l’enquête publique.
    • le contrôle du bilan coût / avantages (prise en compte du caractère excessif, ou non, des atteintes à la propriété privée, du coût financier et des inconvénients d’ordre social, économique ou environnemental que comporte ce projet, à l’aune de son intérêt public).
  • pour l’autorisation environnementale, idem : bilan coût / avantages et, en sus, prise en compte des atteintes aux espèces protégées, selon une grille très classique et souvent présentée au sein des posts du présent blog (voir ici).

Voir ces décisions (renvoi vers le site du TA) :

TA Melun, 23 mai 2023, n°2101267-2104398 

TA Melun, 23 mai 2023, n°2102744-2102118