Le Conseil constitutionnel valide l’étendue, considérable, des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement

En QPC, le Conseil constitutionnel a eu à statuer sur la constitutionnalité des articles L. 171-1, L. 171-3 et L. 172-5 du code de l’environnement, ainsi que de ses articles L. 172-11 et  L. 172-12.

De fait, ces articles confient aux agents chargés de la protection de l’environnement (de l’OFB) des pouvoirs considérables (comme le faisait remarquer un avocat ayant déposé la QPC, les pouvoirs de ces « inspecteurs de l’environnement » sont par certains aspects plus étendus que ceux dévolus à la police judiciaire ou aux douanes) :

  • l’article L. 171-1 du code de l’environnement reconnaît un droit de visite aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ceux-ci peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, à des espaces clos et des locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code, ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation.
  • l’article L. 171-3 du code de l’environnement prévoit que les agents chargés des contrôles administratifs disposent d’un droit de communication. Les dispositions contestées de cet article précisent, à cet égard, qu’ils peuvent se faire communiquer des documents et en prendre copie quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent.
  • l’article L. 172-4 du code de l’environnement confie notamment aux inspecteurs de l’environnement et à certains agents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics la mission de rechercher et de constater les infractions aux dispositions de ce code. 
  • l’article L. 172-5 prévoit que, à cette fin, ces inspecteurs et agents disposent d’un droit de visite en quelque lieu que ces infractions soient commises.
  • les dispositions contestées de l’article L. 172-11 du code de l’environnement prévoient que les agents peuvent demander la communication, prendre copie ou procéder à la saisie de documents de toute nature, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, sans que puisse leur être opposée, sans motif légitime, l’obligation de secret professionnel.
  • l’article L. 172-12 du code de l’environnement confie un pouvoir de saisie aux agents chargés de rechercher et de constater les infractions au code de l’environnement.

EN 2021, la Cour de cassation avait bien confirmer que ces textes devaient être compris comme permettant aux inspecteurs de l’environnement affectés à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), devenu l’Office français de la biodiversité (OFB), par exemple, de procéder à la visite d’un véhicule (non professionnel) sans l’assentiment de son occupant, sans information préalable du procureur de la République ni présence d’un officier de police judiciaire (affaire a été rendue dans un cas de braconnage, mais qui  s’applique selon nous à tous les contrôles de ces inspecteurs, dans les cas de cet article L. 172-5 du Code de l’environnement).

Source : Cass. crim., 5 janvier 2021, n° 20-80.569

Devant le Conseil constitutionnel, le requérant considérait que « la seule possibilité d’exercer un recours de droit commun postérieurement à la mise en œuvre de ces prérogatives ne constituerait pas une garantie suffisante», et que ce régime serait dépourvu de toute garantie.

Le Conseil constitutionnel sur ce point valide totalement le droit positif actuel et il pose :

  • que le régime de l’article L. 171-1 du code de l’environnement « eu égard à la nature de ces lieux, […] ne porte[…] pas atteinte au droit au respect de la vie privée »…. ce qui pour certains des lieux énumérés par le code peut surprendre tout de même 
  • que ce même régime ne méconnait pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif (même si celui-ci est a posteriori donc) ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit
  • que le régime de l’article L. 171-3 répond à un « objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public » et que les documents en question sont limités à ceux « relatifs à l’objet du contrôle et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission de protection de l’environnement » sans conférer à ces agents «  un pouvoir d’exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents. Il en résulte que la communication d’un document doit être volontaire. La circonstance que le refus de communication des documents demandés puisse être à l’origine d’une sanction pénale ne confère pas une portée différente aux pouvoirs dévolus aux agents par les dispositions contestées ».
  • idem pour les autres articles (objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions ; limitation aux lieux libres d’accès de toute manière et information du Procureur de la République, qui peut s’y opposer, pour certains lieux… et donc non atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, d’autant que ces agents sont assermentés).
  • idem pour la saisie de l’article L. 172-12 du code de l’environnement (la personne dont les biens ont été saisis peut en demander la restitution au juge d’instruction au cours d’une information judiciaire et au procureur de la République dans les autres cas ; le droit à un recours juridictionnel effectif est donc garanti).

Ce régime est donc validé par le Conseil constitutionnel sans réserve :

Source :

Décision n° 2023-1044 QPC du 13 avril 2023, M. Dominique B. [Droits de visite, de communication et de saisie des agents chargés de la protection de l’environnement], Conformité

Lien vers la vidéo de l’audience :