Les engagements de la France en matière énergétique et sa stratégie nationale bas-carbone

Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), n° 2015-992 du 17 août 2015, la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique.

I. rappel des objectifs carbone de la loi 2019-1147 « relative à l’énergie et au climat », matrice de la nouvelle SNBC ; rôle et évolution de cette SNBC

 

Les objectifs carbonés de la France ont été mis à jour par la loi relative à l’énergie et au climat. Voir :

Cette loi a sur ce point des objectifs ambitieux :

  • neutralité carbone à l’horizon 2050 (avec notamment l’objectif d’« atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six ») ;
  • -40 % (et non 30) d’énergies fossiles pour 2030 (avec report à 2035 d’une réduction du nucléaire à 50 % du total)
  • encourager la « production d’énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité » (mais en même temps la question de la continuité écologique des cours d’eau donne lieu à nombre de difficultés sur ce terrain… voir les premières 5 mn de la vidéo accessible en cliquant sur ce lien ; voir aussi ici)
  • développer l’hydrogène bas-carbone et renouvelable et ses usages industriel, énergétique et pour la mobilité, avec la perspective d’atteindre environ 20 à 40 % des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel à l’horizon 2030 ;
  • favoriser le pilotage de la production électrique, avec pour objectif l’atteinte de capacités installées d’effacements d’au moins 6,5 gigawatts en 2028.

 

Citons sur ce point M. Anthony Cellier, rapporteur de la commission mixte paritaire :

« nous prévoyons notamment d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Il s’agit d’un objectif profondément ambitieux, qui suppose de décarboner totalement nos énergies avec méthode.

« Celle-ci consiste à réduire notre consommation d’énergies fossiles de 40 % en 2030, c’est-à-dire dans dix ans ; à fermer nos quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022, c’est-à-dire dans deux ans, tout en accompagnant les femmes et les hommes qui perdent leur outil de travail ; à développer davantage les énergies renouvelables, ce que ce texte et la programmation pluriannuelle de l’énergie permettent, dès maintenant, en prévoyant une augmentation de la production hydroélectrique, un cadre pour l’hydrogène vert, des garanties d’origine pour le biogaz et l’augmentation de la part du solaire ou encore de la chaleur renouvelable. Ces objectifs ambitieux doivent s’accorder avec des choix réalistes et pragmatiques : c’est pourquoi nous décalons de 2025 à 2035 la date à laquelle le nucléaire atteindra la part de 50 % dans la production d’électricité. »

 

C’est sur ces bases que la SNBC avait donné lieu à une consultation publique que nous avions commentée sur ce blog, d’autant que les explications et les graphiques à ce sujet ne manquaient pas d’intérêt :

 

 

II. Les deux décrets au JO de ce matin

 

L’Etat vient par deux décrets successifs de définir ses engagements en matière, respectivement :

  • de consommation énergétique (via le décret n°2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie)
  • sur ses budgets carbone nationaux et de stratégie nationale bas-carbone (décret n°2020-457 du 21 avril 2020).

A. Les engagements énergétiques de la France

1. Continuer à réduire le recours aux énergies fossiles dans un contexte d’un mix énergétique qui en réalité à déjà peu recours à ces énergies

Via le premier décret (le n°2020-456) l’Etat Français s’engage sur une réduction comme suit des énergies fossiles entre 2023 et 2028 :

  • pour le gaz naturel : – 10 % en 2023 et – 22 % en 2028 ;
  • pour le pétrole : – 19 % en 2023 et – 34 % en 2028 ;
  • pour le charbon : – 66 % en 2023 et – 80 % en 2028.

Relevons qu’il faut bien entendu remettre en perspective des pourcentages. En effet, sur le mix énergétique de notre pays, le nucléaire représente 70,6% de la production énergétique, les énergies renouvelables (EnR dont bioénergies) déjà 21,5% dès lors les « efforts » que représentent ces diminutions en réalité portent sur un parc énergétique déjà réduit qui s’élève à un peu moins de 7,9% de notre mix énergétique (et qui se réduit déjà d’années en années de près de 1% chaque an sur les dernières années. Voir par exemple : cette analyse et surtout le rapport de RTE du bilan électrique de 2019). Ne gâchons pas notre plaisir pour autant car ce sont parfois les derniers efforts les plus durs.

L’effort engagé a aussi pour objectif de réduire la consommation finale par rapport à 2012 de – 7,5 % en 2023 et de – 16,5 % en 2028.

Conformément à l’article 8 du décret, l’autorité administrative ne pourra plus délivrer de nouvelle autorisation en application de l’article L. 311-5 du code de l’environnement aux installations de production exclusive d’électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental dont la puissance est supérieure au seuil défini à l’article L. 311-6 du code de l’énergie.

2. Augmenter la part d’EnR en substitution aux énergies fossiles

Le décret fixe des objectifs en augmentant la part d’EnR. L’accent est donné en priorité à l’Eolien et photovoltaïque en fixant des fourchettes basses / hautes.

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Sur le volet hydroélectrique, l’évolution ne sera pas véritablement quantitative (on est plus dans le domaine de l’optimisation de l’existant) en revanche, un accent va être donné sur le stockage.

Le décret rappelle enfin le calendrier des appels d’offres lancés ou qui seront lancés sur les grands projets.

3. Du côté des réseaux de chaleur et de froid

Le décret fixe aussi des objectifs de développement des réseaux de chaleur et de froid renouvelables (article 4 du décret)

4. Et des objectifs en terme de mobilité

Le décret fixe enfin des objectifs en terme de mobilité é propre en fixant à la fois des objectifs de parc roulant :

vehicules.jpg

Ainsi que des objectifs de moyens de recharge comme suit :

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Le décret fixe aussi des objectifs quant à la part de biocarburants pour les véhicules thermiques (article 7 du décret).

 

B. Les budgets carbone

La second décret lui fixe les budgets carbone. Bien que les sujets soient distincts, ils font partie plus globalement de la stratégie de l’Etat sur les objectifs de réduction de notre empreinte nationale sur les gaz a effet de serre.

Le décret fixe ainsi les budgets carbone à savoir les objectifs de plafonds d’émissions de gaz à effet de serre de la France aux horizons 2019-2023, 2024-28 et 2029-33, en application des articles L. 221-1 A et suivants du code de l’environnement.

L’article 2 du décret fixe une réduction progressive des émissions annuelles de 2019 à 2033 comme suit :

  • 422 Mt sur le deuxième budget carbone couvrant la période 2019-2023
  • 359 Mt sur le troisième budget de 2024-2028
  • 300 Mt sur le quatrième budget de 2029 à 2033

Avec des ventilations plus précises (par secteurs, par typologies de rejets de gaz à effet de serre)qu’on retrouvera dans le décret, mais arrêtons nous sur la répartition suivante :

quotas.jpg

Que nous avons aussi traduite par ce graphique :

graphique.jpg

On le constate, en premier lieu alors qu’on avait hors secteur de l’industrie (mais sur le coup les plus pessimistes y verront surtout le fruit d’une certaine désindustrialisation) une augmentation de nos émissions jusqu’en 2005, depuis une dizaine-quinzaine d’année, une baisse est déjà engagée (modeste peut-être, mais une baisse) avec notamment le secteur de la production d’énergie  qui a connu une baisse importante (en raison de l’arrêt progressif des filières cartonnées) et le secteur du bâtiment (en raison des évolutions là aussi du secteur).

Sur les prochaines années l’ensemble des secteurs vont a leur niveau contribuer toujours à cette baisse, mais les deux secteurs qui vont connaître une plus grosse évolution à la baisse restent les transports, le bâtiment et l’industrie, les autres secteurs étant plus sur une continuité du mouvement engagé.