Exploitation, pour une commune, d’une centrale hydroélectrique… une compétence judiciaire qui coule de source (pour les ouvrages petits et anciens et hors clause exorbitante)

Une commune charge, par contrat, une société d’exploiter une centrale hydroélectrique pour, in fine, revendre de l’électricité à EDF.

Cette commune est bien titulaire d’une autorisation préfectorale lui permettant de disposer de l’énergie de deux rivières, et la société privée a été chargée par contrat, donc, d’y construire et exploiter une centrale hydroélectrique d’une puissance de moins de 4500 kW en vue de la vente à EDF de l’électricité produite.

Quel est, ensuite, en cas de litige, le juge compétent ? 

Réponse du Tribunal des conflits : il s’agit du juge judiciaire. 

Il s’agit certes d’un ouvrage public de par la loi… mais pas d’une concession en raison du seuil, à l’époque, de ces productions :

« 4. D’une part, aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, en vigueur à la date de la signature de la convention du 16 décembre 1989 : « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État ». Aux termes de l’article 2 de cette loi : « Sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance excède 4 500 kilowatts. Sont placées sous le régime de l’autorisation toutes les autres entreprises ». S’il résulte de ces dernières dispositions ainsi que de l’article 10 de cette même loi, qui prévoit que des obligations sont imposées aux exploitants de ces centrales, que le législateur a entendu donner à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie hydroélectrique concédés, que la
N° 4284
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personne qui en est propriétaire soit publique ou privée, le caractère d’ouvrage public, l’installation hydraulique en cause est d’une puissance inférieure à 4 500 kilowatts et ne relève pas du régime de la concession en application de ces dispositions. Le contrat en litige n’a, par suite, pas la nature d’un contrat administratif par détermination de la loi.»

Et comme les critères usuels ne permettent pas non plus d’y voir une concession de service public ni d’y déceler une clause exorbitante du droit commun dans l’intérêt de la personne publique… reste le constat d’une compétence judiciaire :

« 5. D’autre part, l’activité de production d’électricité exercée, dans le seul but de la céder à EDF, par la société ne peut être regardée, en l’espèce, comme poursuivant un but d’intérêt général, de sorte que le contrat ne revêt pas le caractère d’une délégation de service public. Il ne constitue pas davantage, pour le même motif, un contrat de concession de travaux publics et n’a pas pour objet d’autoriser l’occupation de dépendances du domaine public. Enfin, le contrat litigieux ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. »

NB : voir déjà dans le même sens et pour la même affaire CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 30/12/2019, 17BX04004, 18BX04275. 

Il est à rappeler que ce cas de compétence judiciaire restera tout de même assez rare car :

  • ce raisonnement n’est pas transposable tel quel pour les ouvrages postérieurs à l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession…
  • la plupart des contrats actuels sont des concessions avec des dépassements des seuils susévoqués. 

Signalons d’ailleurs que la France dispose en métropole du plus important parc hydroélectrique de l’Union européenne, dont la production s’est élevée à 62,5 térawattheures (TWh) en 2021, soit 12% de la production totale d’électricité… et que ce parc est principalement constitué d’ouvrages exploités sous le régime de la concession de service public (avec souvent l’Etat en concédant), auquel cas la compétence administrative ne fera pas l’ombre d’un doute. 

Voir d’ailleurs à ce sujet les recommandations fin 2022 de la Cour des comptes :

Et sur les renouvellement de ces concessions avec un petit regroupement de certaines dates d’échéance (après une censure opérée par le Conseil d’Etat puis un décret en juin 2023) , voir : 

En attendant, voici cette décision du Tribunal des conflits :

Tribunal des conflits, 9 octobre 2023, Conflit sur renvoi du tribunal judiciaire de Foix
Société anonyme Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC) c/ commune d’Aulus-les-Bains , n°4284 (ou C4284 ou C-4284 selon les éditeurs…)