Coup d’arrêt à l’engrillagement de nos espaces naturels

Un « enclos de chasse » est une zone murée ou engrillagée à vocation cynégétique. Cet « engrillagement » se développe vite (et haut) notamment dans la magnifique Sologne, qu’il est désormais bien difficile, pour le randonneur, d’admirer. D’où le triste terme, stigmatisant, certes, mais réaliste, de « solognisation » donné à cette pratique.

Un coup d’arrêt est donné au JO à ces formes nouvelles « d’enclosures » cynégétiques avec la promulgation de la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée (NOR : TREX2201083L) : 

Voir aussi :

Ce texte, proposé par le sénateur M. Jean-Noël Cardoux, limite à 1 m 20 les clôtures, mais (et on le dit moins) imposent que celles-ci soient à au moins 30 cm du sol, ce qui permet la circulation du petit gibier… et des randonneurs prêts à ramper (et je vous jure qu’il y a au moins une dizaine de fois où j’ai vécu cela).

Ce régime s’applique dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151-9 du code de l’urbanisme ou, à défaut d’un tel règlement, dans les espaces naturels permettent en tout temps la libre circulation des animaux sauvages.

Ces clôtures sont en matériaux naturels ou traditionnels définis par le SRADDET (ou SDRIF ; SAR ; PADDUC).

Les clôtures existantes devront être mises en conformité avant le 1er janvier 2027, sauf clôtures réalisées il y a plus de trente ans (avec charge de la preuve au propriétaire, avec toute rénovation future conforme aux nouveaux standards). 

Voici les dérogations à ce régime, qui donc ne s’applique pas :

« 1° Aux clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse ; 
« 2° Aux clôtures des élevages équins ; 
« 3° Aux clôtures érigées dans un cadre scientifique ; 
« 4° Aux clôtures revêtant un caractère historique et patrimonial ; 
« 5° Aux domaines nationaux définis à l’article L. 621-34 du code du patrimoine ; 
« 6° Aux clôtures posées autour des parcelles sur lesquelles est exercée une activité agricole définie à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime ; 
« 7° Aux clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières ; 
« 8° Aux clôtures posées autour des jardins ouverts au public ; 
« 9° Aux clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre intérêt public. 
« L’implantation de clôtures dans les espaces naturels et les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d’urbanisme en application de l’article L. 151-9 du code de l’urbanisme est soumise à déclaration. 
« Les habitations et les sièges d’exploitation d’activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d’une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l’habitation ou du siège de l’exploitation. » ;

Sur les clôture autour des habitations, voir :

  • L’article L. 424-3 du code de l’environnement est ainsi modifié : 
    1° Le I est ainsi rédigé : 
    « I.-Les terrains attenant à une habitation et entourés d’une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage des animaux non domestiques et celui de l’homme réalisée plus de trente ans avant la promulgation de la loi n° 2023-54 du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée font l’objet, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, d’un plan de gestion annuel contrôlé par la fédération départementale des chasseurs et garantissant la prévention de la diffusion des dangers sanitaires entre les animaux non domestiques, les animaux domestiques et l’homme ainsi que la préservation de la biodiversité et des continuités écologiques. » ; 
    2° La première phrase du premier alinéa du II est complétée par les mots : « ou clôturés dans les conditions prévues à l’article L. 372-1 ».

La suppression des clôtures doit se faire dans des conditions « qui ne portent atteinte ni à l’état sanitaire, ni aux équilibres écologiques, ni aux activités agricoles du territoire » sauf déclaration préalable (art. L. 424-3-1.-I du code de l’environnement).

En contrepartie, en quelque sorte, la loi prévoit la création d’une contravention pour pénétration dans une propriété privée rurale ou forestière (amende forfaitaire de 135 euros, pouvant être minorée ou majorée), ce qui à tout le moins devrait donner lieu à quelques panneaux.

Sur ce dernier point, de manière large, voire floue, la loi impose que « le caractère privé du lieu [soit] matérialisé physiquement » pour que l’amende puisse être infligée (sauf dans les cas où la loi permet cette violation de la propriété privée… pensons aux cas d’intervention d’urgence mais aussi du droit de la chasse). On pourra s’inquiéter du point de savoir si cela :

  1. sera jugé conforme à la liberté d’aller et de venir, en cas de QPC, d’une part,
  2. ne pourra pas complexifier certains contrôles (du SPANC hors exercice du pouvoir de police par exemple). 

Remarque qui n’engage que moi : en tant que randonneur (et qui aime bien le hors piste à la boussole, en forêt uniquement bien sûr pour ne pas nuire aux cultures), le dernier aspect de ce texte m’agace. D’autant que mon frère et moi laissons symétriquement gambader randonneurs, chasseurs et autres cueilleurs de champignons chez nous dans les Cévennes…. Mais bon… C’était sans doute (à en lire les débats parlementaires) un pendant nécessaire.