Distribution des rôles entre l’autorité environnementale et l’autorité chargée de l’examen au cas par cas

Par un décret du 3 juillet 2020 (décret n°2020-844 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas), le gouvernement a révisé le régime de l’autorité environnementale et la procédure d’examen au cas par cas pour l’évaluation environnementale (dont on parlait encore récemment ici).

Scinder les rôles

La loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a ainsi procédé à une révision du V bis de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, et ouvert une distinction entre l’autorité environnementale d’une part, chargée pour simplifier d’émettre un avis sur un projet avant enquête publique et délivrance de l’autorisation, et l’autorité chargée de l’examen au cas par cas lorsqu’un projet est soumis à l’obligation d’un examen au cas par cas pour l’évaluation environnementale.

Pour mémoire : depuis la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, en fonction du tableau annexé à l’article R.122-2 et de l’article R.122-7 du code de l’environnement des projets, plans et programmes selon leur nature et des critères posés par ces textes soit ne font pas l’objet d’une évaluation environnementale, soit font l’objet d’un examen au cas par cas — un dossier est déposé et l’autorité compétente évalue la nécessité ou non d’une évaluation environnementale — soit font l’objet d’une telle évaluation systématiquement.

La loi entendait aussi organiser un un dispositif de prévention des conflits d’intérêts pour ces autorités.

Désormais le préfet de région demeurera compétent pour mener, dans la plupart des cas, l’examen au cas par cas des projets locaux. La mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (MRAE) elle aura la compétence d’autorité environnementale pour ces mêmes projets et le décret adapte l’ensemble des législations (environnement, urbanisme) pour répercuter cette répartition des rôles.

Autorité chargée de l’examen au cas par cas

Ainsi l’autorité chargée de l’examen au cas par cas est désormais (article R.122-3 du code de l’environnement) :

  • Le ministre de l’environnement, hors délégation, prévus par décret
  • La formation d’autorité environnementale du conseil général de l’environnement et du développement durable :
    • lorsque les projets sont élaborés par les services du ministère (et éviter le conflit d’intérêt) ou sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du ministre de l’environnement
    • ou lorsqu’il s’agit de projets de la SNCF Réseau ou de sa filiale
  • Le préfet de région territorialement compétent pour les autres projets (donc par défaut d’attribution au Ministre ou à la formation spécifique du conseil général de l’environnement et du développement durable)

Autorité environnementale

L’article R.122-6 du code de l’environnement est réécrit et l’autorité environnementale est désormais :

  • Le ministre chargé de l’environnement, pour les projets, qui donnent lieu à un décret. Là aussi il peut y avoir délégation.
  • La formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable dans les mêmes situations évoqués précédemment pour l’examen au cas par cas
  • Par la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé, pour les projets autres que ceux mentionnés précédemment. Lorsque le projet est situé sur plusieurs régions, l’autorité environnementale est la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable » 

On constate donc que dans certains cas la scission entre autorité environnementale et autorité compétente pour l’examen au cas par cas peut encore être confondu en théorie mais la majeure partie des projets désormais bénéficient bien de cette scission.

L’article R.122-7 du code de l’environnement dispose que les demandes d’avis de l’autorité environnementale, lorsqu’il s’agit de la « MRAE » sont adressé au service régional chargé de l’environnement qui assure un rôle d’appui (appui prévu par l’article R.122-24 du Code).

Cadrage de la procédure d’examen au cas par cas

Le décret insère également un nouvel article R.122-3-1 au code de l’environnement décrivant le processus d’examen au cas par cas.

Cet article dispose ainsi que :

«Pour les projets relevant d’un examen au cas par cas en application de l’article R. 122-2, le maître d’ouvrage décrit les caractéristiques de l’ensemble du projet, y compris les éventuels travaux de démolition, les incidences notables que son projet est susceptible d’avoir sur l’environnement et la santé humaine ainsi que, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire ses probables effets négatifs notables. Il mentionne, le cas échéant, les termes des plans ou programmes pertinents relatifs aux mesures et caractéristiques des projets susceptibles d’être retenues ou mises en œuvre pour éviter ou réduire les effets négatifs de projets sur l’environnement ou la santé humaine. 
« II.-Ces informations sont renseignées dans un formulaire, adressé par le maître d’ouvrage par voie électronique ou par pli recommandé à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, qui en accuse réception. A compter de la réception de ce formulaire, cette autorité dispose d’un délai de quinze jours pour demander au maître d’ouvrage de le compléter. A défaut d’une telle demande, le formulaire est réputé complet à l’expiration de ce même délai. […]

L’autorité chargée de l’examen au cas par cas met en ligne le formulaire s’il est jugé complet. Elle doit apprécier, dans un délai de 35 (trente-cinq) jours à compter de la date de réception du formulaire complet si les incidences du projet sur l’environnement et la santé humaine au regard des critères pertinents de l’annexe III de la directive 2011/92/ UE du 13 décembre 2011 nécessitent une évaluation environnementale et peut croiser les données en quelque sorte en tenant « compte des résultats disponibles d’autres évaluations pertinentes des incidences sur l’environnement requises au titre d’autres législations applicables ». 

L’autorité compétente sur l’examen au cas par cas doit motiver sa décision sur la base des critères de la directive précités notamment.

Des subtilités procédurales

Le silence vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale

En cas d’absence de réponse dans le délai de 35 jours, le demandeur aura par défaut l’obligation de réaliser une évaluation environnementale ce qui fait que la demande d’examen au cas par cas doit plus au final être analysée comme d’une certaine manière — même si ce n’est pas expressément la rédaction du texte, les puristes nous excuseront — comme une demande dérogation à l’évaluation environnementale finalement… 

Si l’autorité chargée de l’examen au cas par cas décide qu’un projet ne nécessitera pas la réalisation d’une évaluation environnementale, elle aura l’obligation de vérifier au stade de l’autorisation que le projet présenté correspond aux caractéristiques et mesures qui ont justifié cette décision. 

Pas de recours devant le juge sans un recours administratif préalable

Relevons enfin que sous peine d’irrecevabilité tout recours contentieux doit être précédé d’un recours administratif préalable devant l’autorité chargée de l’examen au cas par cas.

Eviter les conflits d’intérêt

Outre le dessaisissement du Ministre sur les demandes relevant de son ministère ou de sa tutelle, le code a été enrichi des articles R.122-24-1 et R.122-24-2 du code de l’environnement. Autorité en charge du cas par cas ou autorité environnementale s’imposent donc des règles en la matière et veillent à éviter tout conflit d’intérêt, notamment de ne pas être en situation favorable pour une personne qui « [assure] la maîtrise d’ouvrage d’un projet, [a] participé directement à son élaboration, ou [exerce] la tutelle sur un service ou un établissement public assurant de telles fonctions. » c’est du bon sens mais le rappeler ainsi pourrait aussi en cas de tel conflit être un vice de procédure manifeste qu’un requérant pourrait démontrer contre un projet.

En cas de doute de conflit d’intérêt, l’article R.122-24-2 précité organise une procédure d’étude d’un conflit d’intérêt et substituer la décision ou l’avis à une autre personne (pour l’autorité environnementale, la décision remonte alors à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement, pour l’autorité compétente sur l’examen au cas par cas, le dossier remonte alors « à la mission régionale d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur laquelle le projet doit être réalisé ou, si le projet est situé sur plusieurs régions, à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable ») .

Pour aller plus loin : il n’est pas illogique que l’Etat s’attarde sur cette scission entre l’autorité environnementale et l’autorité chargée de l’examen au cas par cas, notamment sur l’échelon local. Comme évoqué dans de précédents billets, le juge a par le passé sanctionner de telles situations de conflits d’intérêt ou de trop forte dépendance entre la décision du préfet et la décision d’un examen au cas par cas. Voir par exemple :

• Les services préfectoraux n’ont pas une indépendance suffisante vis-à-vis du Préfet pour exercer la mission de consultation en matière environnementale pour les autorisations que doit délivrer le préfet en ce domaine (lien ici)

• Projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale des projets : l’indépendance des MRAe suffira-t-elle ? (lien ici)

• Le Conseil d’Etat censure le fait que le préfet de région puisse être à la fois autorité décisionnaire en déclaration d’utilité publique et autorité environnementale au stade d’un avis sur le projet… au moment où cette censure n’a plus d’effet pratique (lien ici)