L’obligation d’évaluation environnementale s’applique même si l’opération, plus vaste, n’y est pas soumise
Dans une décision rendue le 1er juillet 2020, le Conseil d’Etat (CE, 1er juillet 2020, Decathlon, n°423076) a considéré qu’un projet était soumis à évaluation environnementale, même si ce n’est que pour une petite partie d’une opération plus vaste dont les autres éléments plus importants en apparence, eux, n’y sont pas soumis.
Ainsi en l’espèce le requérant avait pour projet de réaliser un un magasin comprenant des places de stationnement extérieures. Sur cette opération on relèvera que :
- Les places de parking sont soumises à évaluation environnementale dite au cas par cas au sens du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement (listant les opérations soumises à évaluation environnementale systématique ou au cas par cas) ;
- Mais l’opération “principale”, à savoir la réalisation d’un commerce elle, en raison de sa taille, ne rentrait pas dans les rubriques de cet article et n’était pas soumises à une telle évaluation environnementale.
S’est dès lors posée la question de savoir si du fait que l’évaluation était exclue pour l’objet principal de l’opération, mais pas pour le parking (mais jugé par le demandeur comme accessoire à l’opération) s’il y avait lieu de faire une telle demande d’évaluation dite au cas par cas (pour laquelle le demandeur dépose un dossier, l’autorité environnementale décidant ensuite s’il y a lieu ou non de faire une évaluation environnementale).
La cour administrative d’appel avait jugé que les places de stationnement qui étaient prévues ne pouvaient être regardées comme une aire de stationnement ouverte au public au sens de ces dispositions, faute d’être réalisées ” de manière isolée “.
Le Conseil d’Etat a adopté une approche opposée à celle du juge d’appel.
Ainsi, comme le relève le juge, la rubrique 40 du de ce tableau, dans sa rédaction applicable alors, dispose que ” les aires de stationnement ouvertes au public ” sont soumises à la procédure d’examen dite au ” cas par cas ” lorsqu’elles ” sont susceptibles d’accueillir plus de 100 unités dans une commune non dotée, à la date du dépôt de la demande, d’un plan local d’urbanisme”. L’opération projetée à ce titre devait donc faire l’objet de cette procédure et donc de l’instruction de cet examen permettant de déterminer ensuite la nécessité ou non d’une évaluation. L’absence de cette étape vicie donc le projet.
Ainsi pour le Conseil d’Etat :
[…] la circonstance qu’elles faisaient partie d’une opération plus vaste et que le magasin projeté, du fait de sa superficie, ne relevait d’aucune des rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement n’était pas de nature à faire échapper leur réalisation à l’obligation d’évaluation environnementale, dès lors qu’elles entraient dans l’une des rubriques de ce tableau. Par suite, la cour, qui a ajouté une condition non prévue par la rubrique 40 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, a commis une erreur de droit.
C’est une décision assez logique en réalité, constante pourrions nous dire dans le domaine environnemental. Ainsi par analogie on rappellera qu’en régime IOTA ou ICPE, ce sont parfois les petits aspects d’un site qui peuvent conditionner le passage en régime d’autorisation par exemple … alors même que la grande majorité d’une activité elle serait soumise à déclaration ou en dessous même de seuils.
La société défenderesse avait tenté de soutenir que la rubrique 40 n’était pas applicable pour autant du fait que la commune était dotée d’un document d’urbanisme, or la rubrique supposait un examen au cas par cas lorsque le projet est situé sur ” une commune non dotée, à la date du dépôt de la demande, d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols ou d’un document en tenant lieu ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale“
Pour le juge le moyen ne saurait être satisfaisant dès lors que même si la commune était dotée d’un PLU, ce document n’avait pas fait l’objet “d’une évaluation environnementale”, interprétant donc que la lecture de cet article 40 que lorsque le texte indique que le document d’urbanisme doit lui-même avoir fait l’objet d’une évaluation environnementale, cela se rattache donc aussi au PLU.
Consulter la décision …
Conseil d’État
N° 423076
ECLI:FR:CECHR:2020:423076.20200701
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère – 4ème chambres réunies
Mme Sandrine Vérité, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP COLIN-STOCLET, avocats
Lecture du mercredi 1 juillet 2020REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L’association Athéna a demandé au tribunal administratif de Montpellier, qui a transmis ses demandes à la cour administrative d’appel de Marseille, d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 21 novembre 2016 par lequel le maire de Villeneuve-lès-Béziers a délivré à la société Décathlon le permis de construire un bâtiment à usage commercial et un parc de stationnement dans la zone d’aménagement concerté ” La Méridienne ” et de suspendre l’exécution de cet arrêté dans l’attente du jugement au fond.
Par un arrêt n°s 18MA01262, 18MA01263 du 11 juin 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 21 novembre 2016 et dit n’y avoir pas lieu à statuer sur sa demande tendant à la suspension de son exécution.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 10 août et 12 novembre 2018 et le 28 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Athéna demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-lès-Béziers et de la société Décathlon la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme B… A…, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l’association Athéna, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la commune de Villeneuve-lès-Béziers et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Décathlon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 novembre 2016, le maire de Villeneuve-lès-Béziers a délivré à la société Décathlon un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale en vue de la création d’un ensemble commercial sur un terrain situé dans la zone d’aménagement concerté ” La Méridienne “. L’association Athéna a demandé au tribunal administratif de Montpellier, qui a transmis ses demandes à la cour administrative d’appel de Marseille, d’annuler cet arrêté pour excès de pouvoir et de suspendre son exécution. Par son pourvoi, l’association Athéna doit être regardée comme demandant l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 11 juin 2018 en tant qu’il rejette sa demande à fin d’annulation.
2. Aux termes de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme : ” Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) l’étude d’impact ou la décision de l’autorité environnementale dispensant le projet d’évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement (…) ” et aux termes du I de cet article : ” Les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas ( …) en fonction des critères et des seuils fixés dans ce tableau “. La rubrique 40 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que ” les aires de stationnement ouvertes au public ” sont soumises à la procédure d’examen au ” cas par cas ” lorsqu’elles ” sont susceptibles d’accueillir plus de 100 unités dans une commune non dotée, à la date du dépôt de la demande, d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols ou d’un document en tenant lieu ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale “.
3. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de celles de la directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dont elles assurent la transposition, qui visent à subordonner l’autorisation des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement à une évaluation de ces incidences et définissent la notion de projet, pour leur application, comme ” la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages ” ou ” d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol “.
4. La cour a jugé que les places de stationnement extérieures qui étaient prévues sur le terrain d’assiette de l’opération et qui étaient une composante de celle-ci ne pouvaient être regardées comme une aire de stationnement ouverte au public au sens de ces dispositions, faute d’être réalisées ” de manière isolée “. Toutefois, la circonstance qu’elles faisaient partie d’une opération plus vaste et que le magasin projeté, du fait de sa superficie, ne relevait d’aucune des rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement n’était pas de nature à faire échapper leur réalisation à l’obligation d’évaluation environnementale, dès lors qu’elles entraient dans l’une des rubriques de ce tableau. Par suite, la cour, qui a ajouté une condition non prévue par la rubrique 40 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, a commis une erreur de droit.
5. Si la société Décathlon fait valoir que la commune de Villeneuve-lès-Béziers disposait, à la date du dépôt de la demande ayant donné lieu à la décision attaquée, d’un plan local d’urbanisme, il ne résultait pas de cette seule circonstance, alors que ce document n’avait pas fait l’objet d’une évaluation environnementale, que le projet ne relevait pas de la rubrique 40 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.
6. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, l’association Athéna est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il rejette sa demande à fin d’annulation.
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’association Athéna, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, au titre de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-lès-Béziers et de la société Décathlon une somme de 1 500 euros chacune à verser à l’association Athéna.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 11 juin 2018 est annulé en tant qu’il rejette la demande à fin d’annulation de l’association Athéna.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille dans la mesure de la cassation prononcée.
Article 3 : La commune de Villeneuve-lès-Béziers et la société Décathlon verseront chacune à l’association Athena une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-lès-Béziers et de la société Décathlon présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association Athéna, à la commune de Villeneuve-lès-Béziers et à la société Décathlon.