Intercommunalisation de la voirie : qui perçoit RODP pour le transport et la distribution de l’électricité et du gaz ?

L’intercommunalisation de la voirie soulève de nombreuses difficultés technico-juridico-financières (I). 

Une de celles-ci était de savoir qui perçoit redevance d’occupation domaniale (RODP) pour le transport et la distribution de l’électricité et du gaz en pareil cas. 

A cette question simple, le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse simple, qui est celle de l’intercommunalisation de cette RODP (II). 

Mais une réponse simple peut conduire à ces conséquences inextricables, comme tel est le cas, en ce domaine, dès qu’on commence à aborder les plafonds propres à ces RODP. Et, là, la réponse du Conseil d’Etat s’avère complexe en pratique (III). Inévitablement complexe. 

I. Des problématiques récurrentes

Nombre d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont des compétences en matière de voirie, soit entièrement sous réserve de l’éventuelle passation de conventions avec les communes (Communautés urbaines et métropoles, ce point pouvant changer avec le projet de loi 3Ds), soit via des délibérations d’intérêt communautaire (dans de nombreuses communautés de communes ou d’agglomération), soit via des transferts de compétences au cas par cas (certains syndicats).

NB : voir d’ailleurs s’agissant de l’intérêt communautaire, deux questions délicates :

La question des conséquences sur diverses recettes annexes ou sur des délivrances d’autorisations d’occupation domaniale, de l’intercommunalisation de la voirie, a pu d’ailleurs conduire à de sérieuses difficultés juridiques. Sur les panneaux publicitaires, voir par exemple : CE, 7e – 2e ch. réunies, 30 nov. 2018, n° 414377, Lebon T.

C’est à une de ces difficultés que le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse, au moins aussi complexe dans ses conséquences que la question l’était dans ses paramètres.

II. La RODP suit l’intercommunalisation

Le Conseil d’Etat pose que, si l’article L. 2333-84 du code général des collectivités territoriales (CGCT) se réfère seulement au domaine public communal, il est applicable, en vertu de l’article L. 5211-36 du même code, aux EPCI auxquels a été transférée la voirie ainsi que les droits et obligations qui y sont attachés, afin qu’ils fixent les tarifs des redevances d’occupation (RODP) dues par les opérateurs de transport et de distribution d’électricité et de gaz.

Bref, intercommunaliser, c’est transférer les fixations de RODP. Là, c’est simple et logique. C’est même classique. 

En effet, l’autorité compétente pour délivrer les permissions de voirie et fixer les redevances est par principe, celle chargée de la gestion du domaine public, sauf réglementation particulière.

Sources : art. L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) ; CE, 8 juillet 1996, n° 121520, rec. p. 272 ; CE, 10 juin 2010, Société des autoroutes Esterel-Côte-d’Azur-Provence-Alpes, n° 305136, rec. T. p 762. Pour une application aux chantiers relatifs aux réseaux de communications électroniques, voir CE, 25 juin 2021, n° 441933, à mentionner aux tables du recueil Lebon ; voir : Chantiers relatifs aux réseaux de communications électroniques : une redevance peut s’imposer en sus de la redevance permanente due ensuite ).

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III. Les complexes conséquences qui en résultent en termes de plafonds

Sauf qu’il y a des plafonds à respecter… et maintenant à respecter à deux. C’est là que cela se complique. Voici sur ce point précis le mode d’emploi fourni par le Conseil d’Etat 

« Il résulte de l’article R. 2333-106 du CGCT que lorsqu’une partie du domaine public d’une commune est mis à la disposition d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), l’un comme l’autre fixent le montant des redevances dues à raison de l’occupation, par les ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie électrique, des dépendances domaniales dont ils sont gestionnaires, dans les limites du plafond communal global prévu par l’article R. 2333-105 du même code, réparti au prorata de l’occupation par ces réseaux de leur domaine public respectif. »

Il peut arriver que l’intercommunalisation conduise à terme, non à une mise à disposition des articles L. 1321-1 et suivants du CGCT, mais à un vrai transfert de propriété (régime sur option en communauté de communes ou d’agglomération ; régime à terme par défaut en communautés urbaines ou en métropole, pour schématiser).

Est-ce que cela change, alors, le résultat ? Non pose le Conseil d’Etat :

« Ces dispositions s’appliquent également lorsqu’un EPCI est devenu propriétaire de dépendances du domaine public par l’effet d’un transfert de compétences. »

Avec donc in fine le même mode d’emploi :

« Ainsi, lorsque des ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’énergie électrique occupent à la fois le domaine public d’une communauté urbaine et celui de ses communes membres, les tarifs de la redevance instituée par la communauté urbaine à raison de l’occupation permanente de son propre domaine public par ces ouvrages doivent être fixés dans la limite, pour chacune des communes, d’une fraction du plafond communal global, calculée au prorata de la longueur des réseaux installés sur ce domaine public par rapport à la longueur totale des réseaux installés sur le territoire de la commune concernée. De même, les tarifs de la redevance due à raison de l’occupation provisoire de ce domaine public pour les besoins de chantiers de travaux sur des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité doivent être fixés dans la limite, pour chacune des communes, du dixième de cette même fraction. »

Bref un régime de plafond qui risque de s’effondrer face aux difficultés du réel… 

A vos tableurs !

Voici cet arrêt :

Source : Conseil d’État, 10 décembre 2021, n° 445108, à mentionner aux tables du recueil Lebon