Le actes environnementaux, viciés en droit faute d’indépendance de l’autorité en charge de leur évaluation préalable… ont-ils réellement été sauvés de l’annulation par la validation législative de 2019 ?

Nombre d’actes administratifs environnementaux ont été censurés, faute d’indépendance des autorités en charge de l’évaluation environnementale préalable. 
Puis vint une validation législative. 
Cette validation législative est-elle conforme au droit international ? La validation est-elle à valider ? 
Réponse oui en l’espèce, à savoir en matière de PPRT (et sans doute de tous autres cas). Voir ci-dessous :

  • I. Rappels de base sur les validations législatives 
  • II. La validation législative en l’espèce portait sur un problème qui a donné lieu à moult contentieux : celui de l’indépendance des autorités en charge de pratiquer une évaluation environnementale  
  • III. En l’espèce, le juge administratifs « valide cette validation législative » en ce qu’elle porte sur les PPRT    
  • IV. Voici les arrêts rendus en ces affaires par la CAA de Lyon

I. Rappels de base sur les validations législatives 

En matière de validation législative, le Conseil constitutionnel considère que :

« si le législateur peut, comme lui seul est habilité à le faire, valider un acte administratif dans un but d’intérêt général, valider un acte administratif dans un but d’intérêt général ou lié à une exigence de valeur constitutionnelle, c’est sous réserve du respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non rétroactivité des peines et des sanctions. » (Cons. const., 18 décembre 1997, décision n° 97-393 DC)

En d’autres termes, le Conseil constitutionnel considère une loi de validation conforme à la Constitution si elle remplit trois conditions :

  • le législateur ne saurait censurer les décisions des juridictions ayant force de chose jugée, c’est-à-dire non susceptibles de recours ;
  • la validation doit être justifiée par des raisons ou un but d’intérêt général ;
  • en matière pénale, une loi pénale plus sévère ne saurait être rétroactive

Le juge administratif, tout comme le juge judiciaire, est compétent pour se prononcer sur la conventionnalité d’une loi, c’est-à-dire sur la conformité d’une loi aux conventions internationales (Cass. Ch. Mixte, 24 mai 1975, « Jacques Vabre », n° 73-13556 ; CE, 20 octobre 1989, Nicolo, Rec. 190).

En matière de validation législative, la Cour européenne des droits de l’homme contrôle notamment la conformité de la loi à l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, considérant que ladite validation doit répondre à un « impérieux motif d’intérêt général » (CEDH, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal c/ France, req. jointes n° 24846/94, 34165/96 à 34173/96; CEDH, 9 janvier 2007, Arnolin et autres c/ France, req. n° 20127/03 et s.).

Faisant application de cette jurisprudence, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation ont parfois contrôlé l’existence de « motifs impérieux d’intérêt général » CE, 26 sept. 2005, M. A., req. n° 255656 ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694).

Le juge administratif comme le juge judiciaire considèrent en outre que dès lors que la validation législative répond à un motif impérieux d’intérêt général, l’application de ladite validation aux litiges pendants à la date de l’entrée en vigueur de la loi ne porte pas une atteinte excessive au principe du droit à un procès équitable énoncé par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CE, 18 novembre 2009, Société Etablissements Pierre Fabre, req. n° 307862 ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694).

EN PRATIQUE, le juge administratif et le Conseil constitutionnel ont l’habitude d’être très souples face aux motifs pouvant fonder une validation législative rétroactive… 

Voir par exemple : :

En réalité, le juge national prend sans le dire en compte le fait que dans certains cas, des recours devant la CEDH sont à craindre (auquel cas force est au juge national de ne pas tout laisser passer)… et que ce n’est pas le cas dans d’autres (le recours à la CEDH est en ces domaines presque fermé pour les collectivités locales, par exemple)… 

En voici une autre illustration, même si objectivement la validation législative en l’espèce peut moins choquer que dans d’autres cas.

Il s’agissait de cette fameuse question des l’indépendance des autorités en cage des évaluations environnementales. 

II. La validation législative en l’espèce portait sur un problème qui a donné lieu à moult contentieux : celui de l’indépendance des autorités en charge de pratiquer une évaluation environnementale  

L’article 31-II de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat avait en effet validé, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les arrêtés portant prescription ou approbation des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) mentionnés à l’article L.515-15 du code de l’environnement en tant qu’ils sont ou seraient contestés par un moyen tiré de ce que le service de l’État qui a pris, en application du décret n°2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l’évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l’environnement, la décision de ne pas soumettre le plan à une évaluation environnementale ne disposait pas d’une autonomie suffisante par rapport à l’autorité compétente de l’État pour approuver ce plan.

De fait, un abondant contentieux était né de ces questions. Voir : CE, 20 septembre 2019, Ministre de la transition écologique et solidaire c/ Association « Sauvons le paradis » et autres, n° 428274, B. ; CJUE, 20 octobre 2011, C‑474/10 ; CE, 27 septembre 2018, n° 420119, publié au rec. ; CE, 13 mars 2019, 414930 ; CE, 21 août 2019, 406892 ; CE, 25 septembre 2019, France Nature Environnement, n° 427145, B… 

Voir :

III. En l’espèce, le juge administratifs « valide cette validation législative » en ce qu’elle porte sur les PPRT    

La CAA de Lyon, statuant sur un très important PPRT, a validé cette validation législative. 

La CAA a estimé qu’était de portée limitée cette validation législative (ce qui se discute…) qui :

  • exclut du champ d’application de la validation législative les décisions passées en force de chose jugée (ce qui est de toute manière obligatoire en droit européen CEDH)
  • ne remet pas en cause la possibilité de contester les PPRT pour d’autres motifs tirés tant de leur légalité externe qu’interne,
  • prémunit l’annulation contentieuse sur le fondement de ce moyen auquel sont exposés les arrêtés approuvant des PPRT alors que ces plans « permettent d’assurer la protection des populations contre les risques technologiques» (citation de l’arrêt 19LY00967 – 19LY00979)


L’atteinte portée, tant au droit à un recours effectif découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’au principe du droit à un procès équitable énoncé par l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale, par l’effet de cette validation, est donc justifiée, conclut la CAA de Lyon, par un motif impérieux d’intérêt général tenant à la protection de la santé et de la sécurité publique.

IV. Voici les arrêts rendus en ces affaires par la CAA de Lyon

CAA Lyon, 4 décembre 2020, n° 19LY00941 :

CAA Lyon, 4 décembre 2020, n° 19LY00967 – 19LY00979

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