Photovoltaïque et extensions de l’urbanisation, la suite

Nous évoquions dans un précédent billet le contrôle exercé par le juge administratif sur l’implantation de centrales photovoltaïques et son articulation avec la règle de l’extension de l’urbanisation en continuité en évoquant le contentieux qui fait rage sur le territoire Fouesnantais (29, Finistère).

Pour mémoire, la société centrale photovoltaïque sur Fouesnant avait proposé de déployer une centrale photovoltaïque en continuité d’un site de valorisation des déchets.

Rappel de la précédente ordonnance rendue par le juge des référés de septembre 2019

Le Tribunal administratif avait eu à trancher sur comment concilier le développement du photovoltaïque et ce principe de limitation des constructions nouvelles en continuité de l’urbanisation existante (TA Rennes, 9 septembre 2019, n°1904228) . Pour le juge la règle s’appliquait alors au photovoltaïque :

Aux termes de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. ». Il résulte de ces dispositions du code de l’urbanisme que le législateur a entendu interdire toute construction isolée dans les communes littorales et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle. Ainsi, l’implantation de panneaux photovoltaïques, qui doit être regardée comme une extension de l’urbanisation, ne peut être autorisée que si elle est située en continuité avec une agglomération ou un village existant.

Plus dur encore, si le juge a constaté que le projet s’inscrivait en continuité du pôle de valorisation des déchets (unité de traitement de déchets ménagers), les constructions y étaient trop diffuses pour pouvoir constituer une zone urbanisée au sens du code de l’urbanisme alors applicable :

Fouesnantais ». Si la centrale photovoltaïqueenvisagée, d’une superficie totale de 4,6 ha, doit être implantée dans l’emprise de ce pôle de valorisation des déchets, les seuls bâtiments de ce pôle et les quelques maisons d’habitation situées à proximité ne présentent pas un nombre et une densité suffisamment significatifs de constructions pour que la zone puisse être, à elle-seule, regardée comme une zone urbanisée et pour considérer que le projet litigieux s’inscrit en continuité d’une agglomération ou d’un village existant.

Nous rappelions dans notre billet que cette décision du TA de rennes s’inscrivait en réalité dans la continuité de décisions antérieures (on retrouvera par exemple là encore la CAA de Bordeaux, 17 octobre 2017, 15BX0693). Nous relevions aussi que la règle connaissait une application similaire en montage, la doctrine gouvernementale rappelant que selon l’article L.122-5 du code de l’urbanisme la règle s’applique à quelques exceptions.

Une décision rendue dans la même affaire, confirmant une lecture très stricte des textes

La précédente décision avait été rendue par le juge des référés pour suspendre la décision du Préfet accordant à la société un permis de construire.

Le juge a sur le fond confirmé la décision (TA 3 juillet 2020, Association pour la sauvegarde du pays fouesnantais, n°1902510) rendue en référé en considérant que si le lieu-dit d’implantation comportait certes quelques maisons individuelles et le pôle de valorisation des déchets de la communauté de communes, la surface artificialisée du pôle elle ne dépassait pas 7 hectares sur les 25,7 hectares du pôle, lequel :

« n’accueille qu’un nombre limité de bâtiments dont deux, l’usine de compostage des boues issues des stations d’épuration et l’usine de compostage des algues vertes, sont situés au sud du site à l’écart des autres bâtiments, au-delà d’une zone non urbanisée destinée au compostage des déchets verts. Par ailleurs, les quelques rares habitations situées à l’est du pôle de valorisation des déchets sont également séparées de ce site de plusieurs dizaines de mètres par les parcelles cadastrées A 9 et 1154.

[…] Dès lors, si la centrale photovoltaïque projetée, d’une superficie totale de 4,6 hectares, sera implantée en continuité directe des bâtiments de ce pôle de valorisation des déchets, les seuls bâtiments de ce pôle et les quelques maisons d’habitation situées à proximité ne présentent pas un nombre et une densité suffisamment significatifs, y compris compte tenu de leur emprise foncière, pour que la zone puisse être, à elle-seule, regardée comme une agglomération ou un village existant au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Cette zone étant par ailleurs isolée de toute autre forme d’urbanisation par des secteurs à caractère agricole, elle n’est pas elle-même située en continuité d’une agglomération ou d’un village existant. […] »

Autrement dit, le fait même qu’on soit pour le juge sur un site qui a déjà une vocation technique « industrielle » dirons nous n’est pas suffisant à caractériser le site comme étant une urbanisation. Le juge est allé assez loin du reste dans son contrôle en étudiant la densité du site (et constater que comme de nombreux sites de valorisation de déchets, les bâtiments sont diffus), la discontinuité du site avec l’urbanisation extérieure, etc.

Du reste le juge, tout en relevant qu’il ne lui appartenait pas de définir — même si le projet est cohérent — les dérogations à l’article L.121-8 du code de l’urbanisme et a porté une analyse pour étudier si l’évolution législative depuis les faits était plus permissive. La réponse est assez tranché : pour le juge la nouvelle rédaction de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme ne permettrait pas un tel projet dès lors que le texte impose une densification de secteurs déjà urbanisés, ce que n’est pas selon le juge la zone concernée :

Si l’emplacement du projet de la société Centrale Photovoltaïque de Fouesnant peut paraître adapté et de nature à valoriser une ancienne décharge ainsi qu’une zone tampon et de stockage, il n’appartient cependant pas au juge administratif de définir les dérogations permises pour l’application des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme comme a pu le faire le législateur en adoptant la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. À cet égard, les nouvelles dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme issues de cette loi, qui ne permettent que la densification de secteurs déjà urbanisés, ne peuvent permettre la réalisation de l’extension de l’urbanisation envisagée par la société Centrale Photovoltaïque de Fouesnant. Ainsi, il n’y a pas lieu, dans ces circonstances, de faire application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Il en résulte que les porteurs de projets devront de manière très précise dans leurs études de faisabilité et demande justifier de cette compatibilité et faire un travail très méticuleux de démonstration de l’urbanisation existante et de l’inscription en continuité de son projet avec l’urbanisation à mois d’être dans une situation dérogatoire prévue par les textes.