Le contrôle par le juge administratif des autorisations d’implantation de centrales photovoltaïques

Par plusieurs décisions successives, le juge administratif a précisé les conditions du contrôle qu’il opère sur les contentieux relatifs à l’implantation de centrales photovoltaïques. Panorama de quelques décisions intéressantes que nous avons pu relever.

La mixité ne dénature pas forcément !

Si on imagine aisément des parcelles avec pour seule vocation d’héberger contenant des centrales photovoltaïques, les techniques encouragent de plus en plus de cumuler sur les parcelles de multiples usages (agricoles + photovoltaïque par exemple). Les SRADDET eux-mêmes encouragent pour certains la superposition d’affectations sur des parcelles.

La CAA de Bordeaux, par une décision du 18 février 2020 (n°18BX00809, inédit) a eu ainsi à connaître d’un litige sur l’implantation de serres agricoles pour la culture du Kiwi sur 36074 m2. Ces serres allaient être équipées de panneaux photovoltaïques. S’est posée alors la question de savoir si la présence de ces panneaux allait dénaturer le bâtiment et lui retirer ainsi son affectation à usage agricole (et ainsi rendre la construction impossible en zone NC). Non selon le juge qui considère :

S’il est vrai que les serres doivent aussi être équipées de panneaux photovoltaïques, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers, du seul fait de leur présence, auraient pour conséquence d’ôter au bâtiment sa destination agricole. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dimensions du bâtiment autorisé, qui a vocation à permettre le développement de l’activité de M. E…, seraient excessives par rapport aux besoins de l’exploitation. Dans ces conditions, la construction projetée doit être regardée comme nécessaire à l’exploitation agricole de M. E… et le moyen tiré de la méconnaissance par le permis de construire en litige de l’article L. 124-2 du code de l’urbanisme doit être écarté.

Aspect important, le juge n’a pas exclu que si les données de l’espèce avaient été différentes la vocation première aurait pu changer. Mais si une parcelle reste a dominante agricole alors un ouvrage mixte comme en l’espèce semble donc possible.

Les besoins énergétiques ne justifient pas tout au regard des autres enjeux à préserver !

Par plusieurs décisions, le juge administratif a confirme — si c’était nécessaire — que les besoins énergétiques, l’enjeu des adaptations au changement climatique et du développement des énergies renouvelables (EnR) ne justifie pas tout.

Les décisions rien que sur la dernière année sont importantes en nombre allant de la confirmation d’un refus en raison des insuffisances du dossier (CAA de Nantes, 24/1/2020 n°18NT03462 par exemple) mais le juge est allé au final assez loin dans son analyse en considérant qu’un Préfet a pu à juste titre refuser d’autoriser l’implantation d’une vaste centrale photovoltaïque (sur 16 hectares) en se fondant sur les règles d’urbanisme alors en vigueur (art. R.111-21 du code de l’urbanisme applicable en 2013) du fait que le projet allait mal s’insérer dans le son environnement (CAA Bordeaux, 14 novembre 2019, 17BX00473, inédit) :

Si la société appelante fait valoir que l’implantation du projet a été établie pour sa plus grande partie au centre d’une dépression afin d’en limiter l’impact visuel, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la visite des lieux effectuée le 29 septembre 2016 par le tribunal qu’il est également prévu d’installer des panneaux au point culminant du terrain d’assiette de la centrale, situé à environ 590 m d’altitude, à partir duquel s’ouvre une vue lointaine panoramique sur des paysages naturels et qu’ainsi les secteurs les plus élevés des sites de Dalmayrac, La Vayssière et La Garenne, situés entre 1,5 et 3 kilomètres du projet, restent en situation de covisibilité partielle avec le site d’implantation des équipements de la centrale photovoltaïque. De même, […], il ressort cependant des pièces du dossier que les installations demeureront visibles depuis le chemin communal qui longe le terrain d’assiette et que le projet modifiera ainsi le paysage dans lequel il doit être implanté en introduisant des constructions sans rapport avec les paysages existants et qui seront visibles depuis les terrains situés à une altitude supérieure. Enfin, si la société se prévaut de l’avis favorable au projet du service départementale d’incendie et de secours de l’Aveyron ainsi que de plusieurs services de l’Etat et du fait que l’autorité environnementale, dans son avis rendu le 9 août 2012, a conclu à la bonne qualité de l’étude d’impact, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement avait émis le 8 juin 2012 un avis réservé et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de l’Aveyron a émis le 27 mars 2013 un avis défavorable au projet d’implantation de la centrale photovoltaïque litigieuse sur le territoire de la commune de Rodelle, comme la chambre d’agriculture et la commission départementale de consommation des espaces agricoles.

Dans cette décision comme dans la première décision précitée de la CAA de Bordeaux, dans les deux cas le juge n’hésite pas pour apprécier la légalité d’un refus ou d’une autorisation a se pencher sur la réalité matérielle du projet et l’apprécier, tout faisant entrer aussi en balance le sens des avis délivrés.

Le juge rappelle enfin que l’intérêt public sur les EnR ne saurait être supérieur aux autres intérêts qu’il convient de préserver :

Enfin, les circonstances que le projet permettrait de prendre en compte l’intérêt public lié au développement des énergies renouvelables ou que ce projet serait bénéfique pour l’économie locale et l’emploi sont sans influence sur l’appréciation portée par l’autorité administrative en ce qui concerne l’atteinte aux lieux avoisinants.

Photovoltaïque et extensions de l’urbanisation

C’est sans doutes ce qu’a du penser la société centrale photovoltaïque sur Fouesnant (Finistère) qui avait proposé en proposant de déployer une centrale photovoltaïque. Le Tribunal administratif a eu à trancher sur comment concilier le développement du photovoltaïque et le principe de limitation des constructions nouvelles en continuité de l’urbanisation existante (TA Rennes, 9 septembre 2019, n°1904228). Pour le juge la règle s’appliquait alors au photovoltaïque :

Aux termes de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. ». Il résulte de ces dispositions du code de l’urbanisme que le législateur a entendu interdire toute construction isolée dans les communes littorales et a limitativement énuméré les dérogations à cette règle. Ainsi, l’implantation de panneaux photovoltaïques, qui doit être regardée comme une extension de l’urbanisation, ne peut être autorisée que si elle est située en continuité avec une agglomération ou un village existant.

Plus dur encore, si le juge a constaté que le projet s’inscrivait en continuité du pôle de valorisation des déchets (unité de traitement de déchets ménagers), les constructions y étaient trop diffuses pour pouvoir constituer une zone urbanisée au sens du code de l’urbanisme alors applicable :

Fouesnantais ». Si la centrale photovoltaïqueenvisagée, d’une superficie totale de 4,6 ha, doit être implantée dans l’emprise de ce pôle de valorisation des déchets, les seuls bâtiments de ce pôle et les quelques maisons d’habitation situées à proximité ne présentent pas un nombre et une densité suffisamment significatifs de constructions pour que la zone puisse être, à elle-seule, regardée comme une zone urbanisée et pour considérer que le projet litigieux s’inscrit en continuité d’une agglomération ou d’un village existant.

Cette décision du TA de rennes s’inscrit en réalité dans la continuité de décisions antérieures (on retrouvera par exemple là encore la CAA de Bordeaux, 17 octobre 2017, 15BX0693).

Ce qui s’applique également a priori en zone de montagne,la doctrine gouvernementale rappelant que selon l’article L.122-5 du code de l’urbanisme la règle s’applique à quelques exceptions.

Ainsi, dans tous les cas, si l’implantation d’éoliennes reste possible en discontinuité, les parcs solaires photovoltaïques ne bénéficieront que rarement pour ne pas dire jamais des dérogations légales.