Eoliennes (terrestres comme maritimes) : c’est un vrai bloc de compétences, pouvoirs de police inclus, qui est dévolu aux CAA en premier et en dernier ressort

Les éoliennes en mer ont vu leur contentieux relever directement de la Cour administrative d’appel de Nantes. Voir :

 

Ce régime (celui d’une compétence directe de la CAA)  a été, ensuite, étendu aux éoliennes terrestres par le décret no 2018-1054 du 29 novembre 2018, sauf que ce n’est plus, pour l’éolien terrestre, seulement, la CAA de Nantes qui est compétente, mais toutes les CAA. Voir :

Peu de temps après, était adoptée l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la  production d’électricité à partir d’énergies renouvelables (voir ici).

 

Mais jusqu’où s’étend la compétence des CAA, en premier et dernier ressort, au titre de ces « contentieux des décisions exigées par l’installation des éoliennes »  (art. R. 311-5 du CJA) ?

Le Conseil d’Etat vient de répondre que cette compétence des CAA s’étend aux mesures de police qui sont la conséquence directe de ces décisions, notamment à une mise en demeure de présenter une nouvelle demande d’autorisation en raison de la modification substantielle des éoliennes.

Le Conseil d’Etat fait donc un vrai bloc de compétence au profit des CAA et il s’en explique en raison de l’imbrication juridique des procédures en ce domaine, mais aussi des buts du législateur (loi ESSOC précitée)

L’article R. 311-5 du code de justice administrative (CJA) a pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres en confiant aux cours administratives d’appel (CAA) le jugement en premier et dernier ressort de l’ensemble du contentieux des décisions qu’exigent l’installation de ces éoliennes.

Ces dispositions impliquent, selon le CE, que les CAA connaissent également de celles des mesures de police, prises sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du code de l’environnement, qui sont la conséquence directe d’une des autorisations mentionnées à l’article R. 311-5, de la modification d’une ces autorisations ou du refus de prendre l’une de ces décisions.

 

NB voir aussi :

 

 

Voici cet arrêt :

 

 

Conseil d’État

N° 432722
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:432722.20191009
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
BALAT, avocats

Lecture du mercredi 9 octobre 2019

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu 1°, sous le n° 432722, la procédure suivante :

La société FE Sainte-Anne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler l’arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Marne l’a mise en demeure de déposer une nouvelle demande d’autorisation environnementale concernant trois éoliennes de son parc éolien de Châteauvillain, de suspendre les travaux entrepris et de remettre le site en état dans un délai d’un mois.

Par une ordonnance n° 1901011 du 23 mai 2019, le président du tribunal de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, a transmis la requête à la cour administrative d’appel de Nancy.

Par une ordonnance n° 19NC01646 du 12 juillet 2019, enregistrée le 12 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le président de la cour administrative d’appel de Nancy a transmis au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête de la société FE Sainte-Anne.

Vu 2°, sous le n° 432920, la procédure suivante :

Par une requête n° 1901693, la société FE Sainte-Anne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler l’arrêté du 3 juillet 2019 par lequel le préfet de la Haute-Marne l’a mise en demeure de déposer une nouvelle demande d’autorisation environnementale concernant trois éoliennes de son parc éolien de Châteauvillain, de suspendre les travaux entrepris et de remettre le site en état dans un délai d’un mois.

Par une requête n° 1901694, la société FE Sainte-Anne a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 3 juillet 2019 du préfet de la Haute-Marne.

Par une ordonnance nos 1901693, 1901694 du 19 juillet 2019, enregistrée le 24 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a transmis au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, les requêtes de la société FE Sainte-Anne.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Balat, avocat de la société FE Sainte-Anne ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes l’article R. 351-3 du code de justice administrative :  » Lorsqu’une cour administrative d’appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu’il estime relever de la compétence d’une juridiction administrative autre que le Conseil d’Etat, son président, ou le magistrat qu’il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu’il estime compétente. / Toutefois, en cas de difficultés particulières, il peut transmettre sans délai le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l’affaire à la juridiction qu’il déclare compétente. (…) « .

2. Il ressort des pièces des dossiers transmis au Conseil d’Etat que la société FE Sainte-Anne, autorisée à exploiter un parc de trois éoliennes, a porté à la connaissance de l’administration une modification tenant à la structure des mâts des éoliennes. Par une décision du 26 février 2019, le préfet de la Haute-Marne, estimant qu’une telle modification présentait un caractère substantiel justifiant une nouvelle demande d’autorisation environnementale, a refusé de modifier l’autorisation d’exploitation dont dispose la société FE Sainte-Anne. Puis, par deux décisions des 13 mai et 3 juillet 2019, le préfet a, sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du code de l’environnement, mis en demeure la société FE Sainte-Anne de présenter une nouvelle demande d’autorisation environnementale, de suspendre les travaux entrepris et de remettre le site en état dans un délai d’un mois. Par deux ordonnances des 12 et 19 juillet 2019, prises sur le fondement du second alinéa de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, le président de la cour administrative d’appel de Nancy et le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ont respectivement transmis au président de la section du contentieux la requête de la société FE Sainte-Anne tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral du 13 mai 2019 et les requêtes de la même société tendant à l’annulation et à la suspension, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de l’arrêté préfectoral du 3 juillet 2019. Ces deux ordonnances soulèvent des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.

3. D’une part, l’article R. 311-5 du code de justice administrative dispose que  » Les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : / 1° L’autorisation environnementale prévue par l’article L. 181-1 du code de l’environnement ; / 2° La décision prise sur le fondement de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement ; / 3° L’autorisation prise sur le fondement du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale ; / (…) / 8° L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité prévue par l’article L. 311-1 du code de l’énergie ; / (…) / 20° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article. / La cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège l’autorité administrative qui a pris la décision « .

4. D’autre part, aux termes de l’article L. 181-14 du code de l’environnement :  » Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l’autorisation environnementale est soumise à la délivrance d’une nouvelle autorisation, qu’elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en oeuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l’article L. 181-31. / L’autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l’occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s’il apparaît que le respect de ces dispositions n’est pas assuré par l’exécution des prescriptions préalablement édictées « . Le I de l’article L. 181-16 du même code prévoit que :  » Pour l’application du présent chapitre, les contrôles administratifs sont exercés et les mesures de police administratives sont prises dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre VII du présent livre et par les législations auxquelles ces contrôles et ces mesures se rapportent « . Au sein du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code de l’environnement, l’article L. 171-7, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées, dispose que  » Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l’objet de l’autorisation, de l’enregistrement, de l’agrément, de l’homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d’une opposition à déclaration, l’autorité administrative compétente met l’intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d’un an. / Elle peut suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux, opérations ou activités jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d’autorisation, d’enregistrement, d’agrément, d’homologation ou de certification, à moins que des motifs d’intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s’y opposent. / L’autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. / S’il n’a pas été déféré à la mise en demeure à l’expiration du délai imparti, ou si la demande d’autorisation, d’enregistrement, d’agrément, d’homologation ou de certification est rejetée, ou s’il est fait opposition à la déclaration, l’autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l’article L. 171-8, notamment aux fins d’obtenir l’exécution de cette décision « .

5. Les dispositions de l’article R. 311-5 du code de justice administrative ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation de projets d’éoliennes terrestres en confiant aux cours administratives d’appel le jugement en premier et dernier ressort de l’ensemble du contentieux des décisions qu’exige l’installation de ces éoliennes. Ces dispositions impliquent que les cours administratives d’appel connaissent également de celles des mesures de police, prises sur le fondement des articles L. 171-7 et L. 181-16 du code de l’environnement, qui sont la conséquence directe d’une des autorisations mentionnées à l’article R. 311-5, de la modification d’une de ces autorisations ou du refus de prendre l’une de ces décisions.

6. Il résulte de ce qui précède que le contentieux des mesures de police litigieuses, qui sont la conséquence directe du refus de modifier l’autorisation dont bénéficie la société requérante pour l’installation de trois éoliennes, relève de la compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel. Le jugement des requêtes de la société FE Sainte-Anne doit dès lors être attribué à la cour administrative d’appel de Nancy.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le jugement des requêtes de la société FE Sainte-Anne est attribué à la cour administrative d’appel de Nancy.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société FE Sainte-Anne, à la ministre de la transition écologique et solidaire, à la présidente de la cour administrative d’appel de Nancy et au président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.