Concilier le secret des affaires et le nécessaire droit d’information en matière environnementale

Le droit des affaires suppose discrétion et respect de ce que l’on nomme le « droit des affaires ». En parallèle en matière environnementale le législateur a eu à coeur d’ouvrir autant que de possible le droit à information dès lors qu’une décision ou même une donnée environnementale est disponible.

Ainsi l’article L.125-2 du code de l’environnement dispose que :

I.-Toute personne a un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels elle est soumise dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui la concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles. 

Dans ce cadre, ne peuvent être ni communiqués, ni mis à la disposition du public des éléments soumis à des règles de protection du secret de la défense nationale ou nécessaires à la sauvegarde des intérêts de la défense nationale ou de nature à faciliter des actes susceptibles de porter atteinte à la santé, la sécurité et la salubrité publiques ou dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à des secrets de fabrication ou au secret des affaires. 

[…]

III.-L’exploitant est tenu de participer à l’information générale du public sur les mesures prises aux abords des ouvrages ou installations faisant l’objet d’un plan particulier d’intervention.  […]

Les articles L.124-4 et suivants du code de l’environnement, L.311-5 et suivants du CRPA organisent pareillement ce droit à information. L’article L.125-10 du code de l’environnement organise de même ce droit à information concernant les installations nucléaires de base.

Comment concilier ce principe avec le secret des affaires ? Par une décision rendue le 15 mars 2023 (CE, 15 mars 2023, n°456871) , le Conseil d’État a apporté quelques éclairages. Le Conseil d’Etat considère ainsi que que des informations relatives aux émissions dans l’environnement ne sont pas protégées par ce secret des affaires. Toutefois des informations sur des émissions purement hypothétiques elles échappent à cette obligation.

Ainsi une association exigeait de la société EDF la communication d’un dossier d’options de sûreté sur un projet.

EDF avait transmis des documents comportant des suppressions/masques sur certaines parties, en invoquant que ces parties relevaient du secret des affaires. EDF avait notamment supprimé des parties purement théoriques ne relevant pas de l’activité normale mais finalement de situations en cas d’accident.

Le TA de Lyon avait rejeté la requête de l’association. Le Conseil d’État dans le cadre du pourvoi en cassation a rappelé que :

[…] la sécurité publique et le secret des affaires sont au nombre des motifs pour lesquels l’exploitant peut refuser, après une appréciation au cas par cas de son intérêt, la communication de telles informations. Par exception, le secret des affaires n’est pas opposable lorsque les informations demandées se rapportent à des émissions dans l’environnement effectives ou prévisibles dans des conditions normales ou réalistes de fonctionnement de l’installation, ce qui n’est pas le cas des émissions susceptibles de résulter d’un accident éventuel, lesquelles présentent un caractère purement hypothétique.

Surtout, si le juge affirme ce droit à information sur les valeurs identifiées sur le fonctionnement normal (non hypothétique donc), les moyens d’obtenir ces informations, descriptifs des moyens et outils de surveillance eux relèvent du secret professionnel car relèvent de la recherche et du développement de l’entreprise :

la teneur des outils de surveillance développés par EDF dans le cadre de son activité de recherche et développement et la température de l’eau de la piscine d’entreposage relèvent du secret des procédés. Par suite, l’association requérante n’est pas fondée à soutenir qu’en jugeant que le secret des affaires faisait obstacle à la divulgation des passages du document traitant de ces deux points, le tribunal, dont le jugement est suffisamment motivé à cet égard, aurait inexactement qualifié les faits de l’espèce.

Enfin l’association contestait l’occultation d’informations techniques sur l’emplacement des équipements décrivant les dispositifs de sécurité. Pour le juge là aussi la sécurité et le secret des affaires pourraient justifier le refus de transmission, notamment au regard des risques accrus d’actes de malveillance :

EDF fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la divulgation de l’emplacement exact de ces équipements, strictement nécessaires au bon fonctionnement de la piscine, serait de nature à générer un risque accru d’actes de malveillance. Eu égard au caractère névralgique de ces équipements pour la sûreté de l’installation et pour la protection du public, la divulgation de ces informations porterait atteinte à la sécurité publique. Si, ainsi qu’il a été dit au point 2, il convient d’apprécier aussi, comme l’exige l’article L. 124-4 du code de l’environnement, l’intérêt d’une communication, celui-ci n’est pas suffisant en l’espèce pour justifier qu’un tel risque puisse être pris. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société EDF, l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation du refus d’EDF de lui communiquer les passages en litige.