Projets éoliens : sous-estimer les besoins de dérogations espèces protégées, c’est mal se protéger soi-même… (nouvelle confirmation)

Nos blogs ont souvent eu l’occasion de traiter des dérogations permettant de porter atteinte à des espèces protégées. Voir notamment  :

Un des duels juridiques les plus délicats (voire cornéliens) se fait, au cas par cas, entre ce régime et les décisions en matière d’énergie renouvelable (ENR) : photovoltaïque, énergie hydroélectrique (avec d’autres problématiques croisées alors assez complexes) et, surtout, éolien.

Nous avons souvent traité de ce sujet dans nos blogs, la dernière fois en avril 2020 :

Me Eric Landot a voulu revenir, au fil d’une vidéo de 8 mn 12, sur ce sujet donnant lieu à des jurisprudences subtiles et parfois incertaines :

Sources : art. L.411-1 du code de l’environnement puis art. L. 411-2 de ce même code ; CE, 25 mai 2018, 413267 ; CE, 3 juin 2020, n° 425395 ; CE, 3 juillet 2020, n° 430585 ; CAA Nantes, 13 mars 2020, 19NT01511 ; CAA Bordeaux, 14 mai 2019, 17BX01845 ; CAA Marseille, 4 octobre 2019, 18MA01980 – 18MA02314 ; CAA Nantes, 5 mars 2019, 17NT02791- 17NT02794 ; CAA bordeaux, 30 avril 2019, FNE Midi-Pyrénées, n° 17BX01426 ; CAA de NANTES, 5ème chambre, 24/01/2020, 19NT00916 ; CAA Nantes, 6 décembre 2019, 18NT04618 ; CAA Nantes, 28 novembre 2019, 18NT01696 ; CAA Nancy, 8 avril 2020, n° 18NC02309.

Or, une nouvelle décision, de la CAA de Bordeaux, en l’espèce, est venue apporter ne nouvelle pierre à cet édifice ô combien instable, pour lequel les dossiers sont difficiles à sécuriser en amont. 

Par arrêtés, un préfet a délivré à une grande société d’énergie un permis de construire un parc éolien comprenant sept aérogénérateurs d’une hauteur de 180 mètres en bout de pale, deux postes de livraison et un pylône de supervision, d’une part, et une autorisation de défricher, d’autre part.

L’association requérante soutient que le parc éolien risque de porter atteinte à l’avifaune et aux chiroptères présents dans un bois sur le site et que le préfet aurait dès lors dû demander au pétitionnaire de déposer un dossier de demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.

Et en l’espèce la CAA estime que le pétitionnaire aurait du présenter une telle demande de dérogation : 

« 6. Il résulte de l’instruction que le bois, site d’implantation du projet, constitue une réserve importante de biodiversité, riche en espèces protégées dès lors qu’il compte 23 espèces d’oiseaux protégées et 19 espèces de chauves-souris dont 11 ont un statut particulier de protection et 3 sont menacées, ainsi que des salamandres tachetées. Concernant l’avifaune et les chiroptères, l’étude d’impact prévoit pour la période des travaux, la mise en place d’un calendrier de travaux afin d’éviter les périodes de reproduction de ces espèces ainsi que la présence d’un écologue pour éviter la destruction d’animaux ou de nids. Cependant, ainsi que l’indique la mission régionale de l’autorité environnementale dans son avis, ces mesures, qui ne permettent pas d’éviter tout risque de destruction d’individus ou d’habitats, constituent des mesures de réduction et non d’évitement, comme le mentionne l’étude d’impact. En ce qui concerne la phase d’exploitation, l’étude mentionne qu’un risque de collision est modéré ou fort pour certaines espèces de chiroptères et le tableau des risques après mesures d’évitement ou de réduction présenté en page 306 de l’étude fait apparaître un risque faible, donc persistant, pour  » la mortalité des oiseaux « . Les seules mesures prévues en cours d’exploitation sont des mesures de réduction, telles que le bridage des machines, ou des mesures de compensation qui ne sont pas de nature à éviter tout risque pour ces espèces. D’ailleurs le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) a émis un avis défavorable et la mission régionale de l’autorité environnementale a émis plusieurs réserves concernant la préservation de la biodiversité. Dans ces conditions, le projet doit être regardé comme étant susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales protégées et de leurs habitats. Par suite, le pétitionnaire était tenu de présenter, pour la réalisation de son projet de parc éolien, un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d’espèces protégées prévues à l’article L. 411-1 du code de l’environnement. »

CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 09/03/2021, 19BX03522, Inédit au recueil Lebon