Distribution d’eau potable : hors schéma, point de salut ?
En matière de schéma de distribution d’eau potable, le mode d’emploi qui vient d’être donné par le Conseil d’Etat s’avère nuancé, validant des cas, limités, de raccordement en dehors des zones du schémas et — surtout — autorisant l’absence de raccordement dans certains cas même pour ceux qui ont négligé d’adopter leur schéma.
Depuis la fameuse LEMA (loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006), les communes ou leurs groupements compétents doivent faire un schéma de distribution d’eau potable, fixant les zones desservies par le réseau de distribution (art. L. 2224-7-1 du CGCT).
Il est rare que les collectivités omettent de faire le schéma ad hoc en matière d’assainissement collectif, et pour cause (sinon les difficultés, de raccordement, de tarif, de SPANC, s’accumulent). En revanche, nombre de services des eaux omettent de réaliser leur schéma en matière d’AEP (alimentation en eau potable)… ce qui parfois peut être redoutable (cela a pu pour certaines juridictions de premier degré entraîner l’illégalité du refus de raccorder des habitations très difficile à raccorder, par exemple, ce qui notamment en zone de montagne peut être catastrophique).
Or, le Conseil d’Etat vient de rendre une décision très importante en ce domaine.
La Haute Assemblée commence par rappeler qu’il résulte du deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’environnement et de l’article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), éclairés par les travaux préparatoires de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 de laquelle ils sont issus, qu’il appartient aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents de délimiter, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, les zones desservies par le réseau de distribution. Sur ce point, la nouveauté n’est pas frappante.
Le Conseil d’Etat poursuit en estimant que les collectivités ou les intercommunalités compétences sont tenus, tant qu’ils n’en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable, pour toutes les propriétés qui ont fait l’objet des autorisations et agréments visés à l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme.
Ce délai raisonnable doit s’apprécier au regard, notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux (ce qui est moins déraisonnable que certaines positions de juridictions en première instance…).
En dehors des zones de desserte ou en l’absence de délimitation par le schéma de telles zones, la collectivité apprécie la suite à donner aux demandes d’exécution de travaux de raccordement, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, selon des critères fixés par le juge puisqu’il impose que ce soit « en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable.
Le juge de l’excès de pouvoir exerce alors, en cas de refus, un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation.
Bref, pour certaines juridictions, avant cet arrêt, c’était « hors schéma point de salut ». Autrement dit, pas de raccordement en dehors des zones définies par le schéma. Et raccordement faute de schéma. Le mode d’emploi qui vient d’être donné par le Conseil d’Etat est plus subtil, validant des cas, limités, de raccordement en dehors des zones du schémas et validant l’absence de raccordement dans certains cas même pour ceux qui ont négligé d’adopter leur schéma.
NB : voir aussi CE, 17 octobre 2014, Association cadre de vie et environnement de Lamorlaye et autres, n° 364720, rec. T. pp. 669-757 ; CE, 24 novembre 2017, M. , n° 396046, rec. T. pp. 483-618-694
Source : CE, 26 janvier 2021, n° 431494,à publier en intégral au recueil Lebon
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-01-26/431494

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