Pollution atmosphérique : les 6 mois fixés par le Conseil d’Etat sont écoulés… Et maintenant ?

Il y a 6 mois, l’Etat se faisait condamner par la Haute Assemblée de manière tout à fait inédite, et ce à une somme considérable :

« Article 1er : Une astreinte est prononcée à l’encontre de l’Etat, s’il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification de la présente décision, exécuté la décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 des motifs de la présente décision, et jusqu’à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 10 millions d’euros par semestre, à compter de l’expiration du délai de six mois suivant la notification de la présente décision. »

Source : CE, 10 juillet 2020, n° 428409. Voir à ce sujet :

Bref, il fallait, pour l’Etat, agir et agir vite… dans un domaine complexe.

Pour avoir une idée de cette complexité, voir :

Sauf que depuis, en dépit des appels à en faire plus, y compris de la Cour des comptes, l’Etat a peu réformé ce régime :

Alors… l’Etat va-t-il devoir mettre sur la table les sommes de 10 millions d’euros par semestre ? là ? tout de suite ? 

Ce n’est pas si simple… 

1/ l’astreinte n’est pas d’un versement automatique. Il faut saisir de nouveau le juge d’autant que celui-ci n’a pas fixé les bénéficiaires de cette astreinte (qui ne sont pas nécessairement à 100 % les primo-requérants)

2/ en plus la formulation retenue par le Conseil d’Etat ne permet pas de savoir si la somme n’est due qu’au terme du second semestre ou (moins probable) si c’est un quantum par jour. Le juge a donc à ce stade une marge de manoeuvre. Si l’Etat est jugé comme ne s’étant pas exécuté dans plus de six mois, nul doute qu’il devra l’astreinte. Mais si cela est jugé par exemple dans trois mois, l’astreinte serait-elle alors au prorata des jours entre la fin de ces 6 mois et la date où le CE rendra sa décision ? sans doute… au choix du juge cela dit.

3/ le juge s’accorde de toute manière une marge de manœuvre à ce stade (pour un cas manifeste : CE, 4 juillet 2001, n° 225740).

4/ le point de connaître même les bénéficiaires de l’astreinte n’est pas chose aisée quand, comme en l’espèce, cela n’est pas fixé dès la première décision, le juge pouvant décider de ventiler cette somme par exemple entre les requérants et d’autres personnes morales indépendantes de lui en charge d’agir en ce domaine.

 

Voir aussi à ces sujets deux articles :

Se reporter, également, à cette vidéo pédagogique qui, en à peine plus de 13 mn, tente de faire le point sur qui fait quoi, dans le monde public, en matière de qualité de l’air, en matière de pollution atmosphérique :

 

NB : cette vidéo, mise en ligne le 2 octobre 2019, présentait déjà l’essentiel de ce qui est devenu depuis la loi énergie-climat (les points concernés n’ayant pas été modifiés). Cette vidéo anticipait déjà ce qui allait devenir l’arrêt C‑636/18, de la CJUE, en date du 24 octobre 2019, mais sans l’annoncer naturellement (faute de boule de cristal). Ce n’est donc que sur ce dernier point (plutôt de détail, en fait) que cette vidéo peut être considérée comme n’étant plus à jour dans les sources juridiques. De même les avancées de la loi d’orientation des mobilités (LOM) sont-elles trop limitées pour changer le contenu de ce qui a été présenté dans cette vidéo. Donc, à ce niveau de présentation rapide, le fond du droit, au sein de cette vidéo, est à jour.