La France a valablement informé la Commission de la nécessité d’adopter des mesures visant notamment à protéger les abeilles [CJUE de ce jour]

La France a valablement informé la Commission de la nécessité d’adopter des mesures visant notamment à protéger les abeilles

La France avait interdit l’utilisation de substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisées par la Commission

Le règlement (CE) no 1107/2009 1 harmonise l’autorisation de substances actives et de produitsphytopharmaceutiques dans l’Union européenne (ci-après le « règlement harmonisation »). Les États membres peuvent néanmoins prendre unilatéralement des mesures conservatoires lorsqu’ils ont préalablement avisé la Commission des préoccupations suscitées par une substance active et que celle-ci n’adopte pas de mesures conservatoires.

La France a adressé à la Commission une notification dans les formes requises par la directive (UE) 2015/1535 2 (ci-après la « directive notification »), sans invoquer expressément la clause de sauvegarde du règlement harmonisation.

La Commission a répondu qu’elle partageait les préoccupations exprimées par la France, dans cette notification, concernant certaines substances de la famille des néonicotinoïdes et précisé que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait publié des conclusions concernant trois des substances visées par le projet de décret notifié, ce qui l’incitait à réfléchir à la nécessité de mettre en œuvre d’autres restrictions. Compte tenu des risques encourus par les abeilles, la Commission avait déjà restreint dans son règlement d’exécution (UE) no 485/2013 3 du 24 mai 2013 l’utilisation de la clothianidine, du thiaméthoxame et de l’imidaclopride à l’exception de certaines utilisations à l’extérieur

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Le 29 mai 2018, trois règlements d’exécution de la Commission ont interdit l’utilisation de l’imidaclopride, de la clothianidine et du thiaméthoxame à compter du 19 décembre 2018, à l’exception des traitements pour les cultures sous serre permanente des plantes effectuant l’intégralité de leur cycle de vie dans une serre.

Le Premier ministre (France) a adopté, le 30 juillet 2018, un décret qui interdit l’acétamipride, la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaclopride et le thiaméthoxame.

L’Union des industries de la protection des plantes a introduit auprès du Conseil d’État (France) une requête visant à obtenir l’annulation dudit décret, en tant qu’il serait incompatible avec le règlement harmonisation.

Le Conseil d’État considère que la légalité du décret dépend de la question de savoir si la France disposait, en vertu du règlement harmonisation, de la faculté d’adopter ce décret en tant que mesure d’urgence, après avoir procédé à une communication fondée sur la directive notification et alors que la Commission avait adopté une série de mesures relatives à l’utilisation de certains des néonicotinoïdes.

Il demande donc à la Cour de justice si la directive notification et le règlement harmonisation doivent être interprétés en ce sens que la communication d’une mesure nationale interdisant l’usage de certaines substances actives relevant de ce règlement peut être considérée comme constituant une information officielle de la nécessité de prendre des mesures d’urgence, au sens du règlement harmonisation.

Dans son arrêt de ce jour, la Cour rappelle que, s’il ressort de sa jurisprudence que l’usage, par un État membre, de la faculté prévue par un acte de l’Union d’adopter des mesures d’urgence suppose le respect à la fois des conditions de fond et de procédures énoncées par cet acte, la saisine de la Commission en application du règlement harmonisation nécessite seulement que l’État membre concerné « informe officiellement » cette institution, sans que cette information doive revêtir une forme particulière.

En outre, elle relève que la Commission doit respecter les principes de coopération loyale et de bonne administration.

Elle en déduit que la communication d’une mesure nationale interdisant l’usage de certaines substances actives relevant du règlement harmonisation doit être considérée comme constituant une information officielle de la nécessité de prendre des mesures d’urgence lorsque cette communication comporte une présentation claire des éléments attestant, d’une part, que ces substances actives sont susceptibles de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement et, d’autre part, que ce risque ne peut être maîtrisé sans l’adoption, en urgence, des mesures prises par l’État membre concerné, et que la Commission a omis de demander à cet État membre s’il y a lieu de considérer que ladite communication constitue une information officielle au titre du règlement.

La Cour souligne, néanmoins, que la circonstance que l’information officielle transmise par un État membre à la Commission comprenne déjà un projet de mesure n’est pas de nature à dispenser cet État membre de l’obligation d’informer immédiatement les autres États membres et la Commission de l’adoption finale de cette mesure, conformément au règlement harmonisation.

Sur la question de savoir si les règlements d’exécution peuvent être considérés comme des mesures arrêtées par la Commission en réponse à la communication opérée par la France, la Cour rappelle que le législateur de l’Union a ainsi institué une procédure d’urgence spécifique qui est étroitement liée aux procédures d’urgence établies dans le règlement harmonisation or, les règlements d’exécution ont été adoptés non pas sur le fondement de ces procédures d’urgence du règlement harmonisation, mais sur la base d’autres dispositions de ce règlement. Ainsi, la Cour estime que ces règlements d’exécution ne peuvent pas être considérés comme des mesures arrêtées par la Commission en réponse à la communication de la France.

CJUE, 8 octobre 2020, C-514/19 Union des industries de la protection des plantes/Premier ministre, Ministre de la Transition écologique et solidaire, Ministre des Solidarités et de la Santé, Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

http://curia.europa.eu/juris/documents.jsf?num=C-514/19