Anciennes autorisations « loi sur l’eau » et espèces protégées…

Une autorisation est délivrée au titre de la police de l’eau avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017, devenue autorisation environnementale. En cas de litige, et si le juge statue après cette entrée en vigueur, le moyen tiré de ce que l’autorisation n’incorpore pas la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées requise… est-il recevable ?

OUI pose le Conseil d’Etat.

Il résulte en effet de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 que les autorisations délivrées au titre de la police de l’eau en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, antérieurement au 1er mars 2017, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017, sont considérées, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales.

Dès lors que l’autorisation environnementale créée par cette ordonnance tient lieu des diverses autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés au I de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, dont la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, l’autorisation environnementale issue de l’autorisation délivrée au titre de la police de l’eau sous l’empire du droit antérieur peut être, selon la Haute Assemblée, utilement contestée au motif qu’elle n’incorporait pas, à la date à laquelle le juge statue, la dérogation dont il était soutenu qu’elle était requise pour le projet de travaux en cause.

Un tel motif ne vicie cependant l’autorisation environnementale en litige qu’en tant qu’elle n’incorpore pas cette dérogation, ce qui est divisible du reste de l’autorisation et ne justifie donc pas son annulation dans son ensemble.

Voir aussi par ailleurs :

 

VOICI CETTE DECISION :

Conseil d’État

N° 429610
ECLI:FR:CECHR:2020:429610.20200722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Catherine Moreau, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public
SCP L. POULET-ODENT, avocats

Lecture du mercredi 22 juillet 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler l’arrêté du 17 octobre 2011 par lequel le préfet de l’Aude a délivré à la communauté d’agglomération du Carcassonnais l’autorisation prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement pour réaliser des travaux de reprofilage du ruisseau du Régal relevant de la rubrique 3.1.2.0 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l’environnement.

Par un jugement n° 1205035 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 15MA00417 du 6 octobre 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel du ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer dirigé contre ce jugement.

Par une décision n° 405785 du 30 mai 2018, le Conseil d’Etat a, sur pourvoi formé par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Par un nouvel arrêt n° 18MA02603 du 8 février 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel du ministre contre le jugement du 18 novembre 2014 du tribunal administratif de Montpellier.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 avril et le 10 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de la transition écologique et solidaire demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’environnement ;
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
– l’arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Catherine Moreau, conseiller d’Etat en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. B… ;

Considérant ce qui suit :

Sur le pourvoi contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 17 octobre 2011, le préfet de l’Aude a délivré à la communauté d’agglomération du Carcassonnais l’autorisation au titre de la police de l’eau prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement pour le projet de travaux de reprofilage du ruisseau du Régal. Saisi par M. B…, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté par un jugement du 18 novembre 2014. L’appel formé par le ministre chargé de l’environnement contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 6 octobre 2016, qui a été annulé, sur pourvoi du ministre, par une décision du 30 mai 2018 du Conseil d’Etat, statuant au contentieux.

2. Par un nouvel arrêt du 8 février 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel du ministre contre le jugement du 18 novembre 2014. Pour confirmer ainsi l’annulation totale de l’arrêté du 17 octobre 2011 prononcée par le tribunal administratif de Montpellier, la cour a retenu que l’autorisation accordée à la communauté d’agglomération du Carcassonnais méconnaissait les interdictions posées à l’article L. 411-1 du code de l’environnement, en jugeant que le milieu naturel concerné par les travaux était habité par des espèces protégées au titre de l’arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et reptiles protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection, à savoir deux espèces d’amphibiens, le crapaud calamite et la rainette méridionale, et une espèce de reptile, le lézard vert, et que les travaux autorisés par l’arrêté en litige, de par leur nature et leur importance, étaient susceptibles d’entraîner, notamment pendant la phase du chantier, la destruction ou la mutilation de ces spécimens, ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de leurs sites de reproduction et aires de repos.

3. D’une part, le premier alinéa du I de l’article L. 214-3 du code de l’environnement soumet à autorisation  » les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles « . Aux termes du deuxième alinéa du I du même article, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle l’arrêté attaqué a été pris :  » Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d’intervention en cas d’incident ou d’accident sont fixés par l’arrêté d’autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement « . Aux termes du même second alinéa du I du même article, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la cour a statué par l’arrêt attaqué :  » Cette autorisation est l’autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l’application des dispositions du présent titre « .

4. D’autre part, l’article L. 411-2 du code de l’environnement permet d’accorder des dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 du même code, lesquelles portent, notamment, sur la destruction et la perturbation intentionnelle des espèces animales protégées, la destruction de végétaux protégés ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de leurs habitats naturels ou d’espèces, aux conditions qu’il précise.

5. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 181-1 du code de l’environnement, créé par l’ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus :  » L’autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu’ils ne présentent pas un caractère temporaire : / 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l’article L. 214-3, y compris les prélèvements d’eau pour l’irrigation en faveur d’un organisme unique en application du 6° du II de l’article L. 211-3 (…) « . En vertu du I de l’article L. 181-2 du même code, créé par la même ordonnance,  » L’autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l’application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d’activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l’article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (…) 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l’article L. 411-2 (…) « . L’article L. 181-18 du code de l’environnement, créé par la même ordonnance, précise le régime contentieux de l’autorisation environnementale. Ses dispositions mentionnent la faculté pour le juge de prononcer des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations désormais regroupées dans l’autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu’ils en soient divisibles et prévoient que le juge, en cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de celle-ci.

6. Enfin, en vertu des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 :  » Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II (…), avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (…) « .

7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les autorisations délivrées au titre de la police de l’eau en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, antérieurement au 1er mars 2017, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017, sont considérées, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales. Dès lors que l’autorisation environnementale créée par cette ordonnance tient lieu des diverses autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés au I de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, dont la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, c’est sans erreur de droit que la cour a jugé que l’autorisation environnementale issue de l’autorisation délivrée par le préfet le 17 octobre 2011 au titre de la police de l’eau pouvait être utilement contestée devant elle au motif qu’elle n’incorporait pas, à la date à laquelle elle a statué, la dérogation dont il était soutenu qu’elle était requise pour le projet de travaux en cause. Cependant, après avoir estimé que les travaux autorisés par l’arrêté attaqué étaient susceptibles d’entraîner la destruction ou la mutilation de spécimens d’espèces protégées ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de leurs sites de reproduction et aires de repos, la cour a commis une erreur de droit en annulant l’autorisation attaquée dans son ensemble au seul motif que cette décision ne comporte pas la dérogation requise en vertu des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement, alors que ce motif ne vicie l’autorisation environnementale en litige qu’en tant qu’elle n’incorpore pas cette dérogation, divisible du reste de l’autorisation.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la ministre de la transition écologique et solidaire n’est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque qu’en tant qu’il rejette ses conclusions tendant à l’annulation du jugement attaqué ayant annulé l’autorisation du 17 octobre 2011, devenue autorisation environnementale, en ce qu’elle vaut autorisation au titre de la police de l’eau. Le surplus des conclusions de son pourvoi, dirigées contre une partie de l’arrêt qui ne fait pas l’objet de moyens de cassation, doit en revanche être rejeté.

9. Aux termes du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative :  » Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire « . Le Conseil d’Etat étant saisi, en l’espèce, d’un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l’affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur l’appel contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par M. B… :

10. Il résulte de l’instruction que le ministre chargé de l’environnement a produit, le 25 mai 2016, le mémoire complémentaire annoncé dans sa requête. Dès lors, M. B… n’est pas fondé à soutenir qu’il serait réputé s’être désisté d’office de son appel en application des dispositions de l’article R. 612-5 du code de justice administrative.

En ce qui concerne l’autorisation attaquée, en tant qu’elle vaut autorisation au titre de la police de l’eau sur le fondement de l’article L. 214-3 du code de l’environnement :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le vice de légalité qui affecte une partie divisible de l’autorisation attaquée du 17 octobre 2011 n’est pas de nature à justifier l’annulation de l’arrêté attaqué en tant qu’il vaut autorisation au titre de la police de l’eau. Sur ce point, il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. B… à l’encontre de cette autorisation en tant qu’elle vaut autorisation au titre de la police de l’eau.

S’agissant de la compétence de la communauté d’agglomération du Carcassonnais :

12. Il résulte des statuts de la communauté d’agglomération du Carcassonnais, dans leur version modifiée par l’arrêté préfectoral du 5 août 2010 en vigueur à la date de l’arrêté litigieux, que cette dernière est compétente pour mener des opérations d’aménagement, d’entretien et de gestion des cours d’eau et des milieux aquatiques associés afin de faciliter la prévention des inondations des lieux habités et de contribuer à une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Le moyen tiré de ce qu’elle n’était pas compétente pour demander l’autorisation de réaliser des travaux de reprofilage du ruisseau du Régal doit, dès lors, être écarté. La circonstance que les travaux ne présenteraient pas un caractère d’intérêt général ou d’urgence comme cela est requis par l’article L. 211-7 du code de l’environnement est sans influence sur la compétence de la communauté d’agglomération du Carcassonnais pour mener ce type d’opération.

S’agissant de la régularité du dossier de demande :

13. En premier lieu, aux termes de l’article R. 122-8 du code de l’environnement :  » I.- Ne sont pas soumis à la procédure de l’étude d’impact, sous réserve des dispositions de l’article R. 122-9, les aménagements, ouvrages et travaux dont le coût total est inférieur à 1 900 000 euros. En cas de réalisation fractionnée, le montant à retenir est celui du programme général de travaux. (…) « . S’il résulte de l’instruction que le projet dit de  » la coulée verte « , objet de l’arrêté litigieux, présente un lien avec le projet dit  » Lannolier II « , autorisé par le préfet de l’Aude par un autre arrêté du 17 octobre 2011, prévoyant le rejet d’eaux fluviales dans le Régal, un franchissement du ruisseau pour faire obstacle à l’écoulement des crues et la réalisation d’un remblai, il n’est, en tout état de cause, pas établi que le coût total des deux projets excéderait le seuil prévu par les dispositions précitées. Dès lors, le moyen tiré de l’absence d’étude d’impact doit être écarté.

14. En second lieu, aux termes des I et II de l’article R. 214-6 du même code dans sa version applicable à l’arrêté litigieux :  » I.- Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II.- Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : / (…) / 4° Un document : / a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l’écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d’exécution des travaux ou de l’activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l’origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; / b) Comportant l’évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Le contenu de l’évaluation d’incidence Natura 2000 est défini à l’article R. 414-23 et peut se limiter à la présentation et à l’exposé définis au I de l’article R. 414-23, dès lors que cette première analyse conclut à l’absence d’incidence significative sur tout site Natura 2000 ; / c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d’aménagement et de gestion des eaux et avec les dispositions du plan de gestion des risques d’inondation mentionné à l’article L. 566-7 et de sa contribution à la réalisation des objectifs visés à l’article L. 211-1 ainsi que des objectifs de qualité des eaux prévus par l’article D. 211-10 ; / d) Précisant s’il y a lieu les mesures correctives ou compensatoires envisagées. / (…) / 5° Les moyens de surveillance prévus et, si l’opération présente un danger, les moyens d’intervention en cas d’incident ou d’accident ; / 6° Les éléments graphiques, plans ou cartes utiles à la compréhension des pièces du dossier, notamment de celles mentionnées aux 3° et 4°.  »

15. D’une part, il résulte de l’instruction que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, le dossier de demande présente les éléments relatifs aux incidences directes et indirectes du projet, s’agissant notamment de son impact sur la ressource en eau et le milieu naturel, et précise les mesures d’entretien du ruisseau et de ses abords. D’autre part, si le dossier de demande justifie de la comptabilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône Méditerranée alors en vigueur pour la période 2010-2015, notamment en matière de gestion des inondations et des pollutions des eaux, il n’avait pas à comporter de justification de cette nature à l’égard du schéma d’aménagement et de gestion des eaux du Fresquel, dès lors que ce dernier n’était pas approuvé à cette date. Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que le dossier de demande aurait été irrégulièrement composé doit être écarté.

S’agissant de la régularité de l’enquête publique :

16. Aux termes de l’article L. 214-4 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté litigieux :  » L’autorisation est accordée après enquête publique et, le cas échéant, pour une durée déterminée.  » S’agissant d’un projet pour lequel l’arrêté d’ouverture et d’organisation de l’enquête publique est antérieur au 1er juin 2012, l’article R. 214-8 du code de l’environnement alors applicable dispose que :  » (…) / L’enquête publique est réalisée dans les conditions prévues, selon les cas, par les articles R. 11-4 à R. 11-14 ou par les articles R. 11-14-1 à R. 11-14-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique  » et l’article R. 11-4 précité alors applicable prévoit que le préfet précise par arrêté :  » (…) / L’objet de l’enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours « .

17. Il résulte de l’instruction que l’enquête publique, qui s’est déroulée du 18 avril au 3 mai 2011, n’a pas méconnu ces dispositions.

S’agissant de la légalité interne de l’arrêté :

18. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le projet compromettrait la réalisation de l’orientation principale du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône Méditerranée pour la période 2016-2021 approuvé le 3 décembre 2015 n’est pas assorti des précisions nécessaires pour permettre d’en apprécier le bien-fondé.

19. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction, notamment de l’avis émis le 15 septembre 2011 par le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, que l’aménagement de la zone d’expansion de crue, objet de l’arrêté litigieux, permet de diminuer significativement les niveaux d’eau en crue, notamment s’agissant de la crue décennale. Par suite, c’est sans erreur manifeste d’appréciation que le préfet a autorisé, par l’arrêté litigieux, les travaux d’aménagement afin d’améliorer le fonctionnement hydraulique du secteur et de limiter les niveaux d’eau en crue.

20. En troisième lieu, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la seule mention de l’aggravation des risques que ferait peser le projet sur sa propriété, alors que ce projet permet globalement de réduire les risques d’atteintes aux biens, ne permet pas, en tout état de cause, d’établir que l’objectif énoncé par le plan de protection des risques d’inondation de la commune de Carcassonne tendant à la réduction du coût des dommages sur les biens implantés en zone inondable serait méconnu.

21. Enfin, le détournement de procédure allégué n’est pas établi.

22. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de M. B…, le ministre chargé de l’environnement est fondé à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier en ce qu’il a annulé l’autorisation attaquée en tant qu’elle vaut autorisation au titre de la police de l’eau.

En ce qui concerne la mise en oeuvre des dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement :

23. En vertu du II de l’article L. 181-18 du code de l’environnement :  » II.- En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées « .

24. La demande adressée le 12 juin 2020 par le Conseil d’Etat à la communauté d’agglomération du Carcassonnais et à la ministre de la transition écologique et solidaire, tendant à recueillir des informations sur l’état d’avancement des travaux autorisés par l’arrêté du 17 octobre 2011, n’ayant pas reçu de réponse, il y a lieu, en l’état des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction, de mettre en oeuvre les pouvoirs résultant des dispositions précitées et de suspendre l’exécution de l’arrêté du préfet de l’Aude du 17 octobre 2011, devenu autorisation environnementale, en tant qu’il autorise les travaux au titre de la police de l’eau, jusqu’à la délivrance de la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B…, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Les autres conclusions présentées au même titre devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel sont rejetées.

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 8 février 2019 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions du ministre chargé de l’environnement tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif ayant annulé l’autorisation du 17 octobre 2011, devenue autorisation environnementale, en ce qu’elle vaut autorisation au titre de la police de l’eau.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 novembre 2014 est annulé en tant qu’il a prononcé l’annulation de l’arrêté du préfet de l’Aude du 17 octobre 2011, devenu autorisation environnementale, en ce qu’il autorise le projet au titre de la police de l’eau.
Article 3 : L’exécution de l’arrêté du préfet de l’Aude du 17 octobre 2011, devenu autorisation environnementale, en ce qu’il autorise le projet au titre de la police de l’eau, est suspendue jusqu’à la délivrance de la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Article 4 : L’Etat versera à M. B… la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B… devant le tribunal administratif de Montpellier, ainsi que les autres conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique et à M. A… B….
Copie en sera adressée à la communauté d’agglomération du Carcassonnais.