Covid-19 : comment concilier l’état d’urgence et les enquêtes publiques ?

L’article 12 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020avait introduit, en ces circonstances toutes particulières de crise sanitaire, des règles pour les enquêtes publiques en cours ou devant être organisées pendant une date qui serait précisée ultérieurement.

L’article disposait ainsi que lorsque le retard résultant d’une interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir entrainerait des conséquences « difficilement réparables » dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique pouvait adapter les modalités de l’enquête en prévoyant la poursuite de l’enquête ou l’introduction de l’enquête de manière dématérialisée avec des adaptations temporelles au besoin.

Le 5° de l’article 1 de l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 fixe une date de « sortie du confinement » possible pour ainsi dire des enquêtes publiques au 30 mai 2020.

Il convient ainsi de dissocier différentes situations :

  • Certaines enquêtes auront été initiées avant ou depuis le 12 mars et se seront au plus tard le 30 mai : si un report n’était pas envisageable en raison des conséquences difficilement réparables, elles se seront poursuivies et achevées de manière dématérialisée. Certaines auront connu un régime « normal » (pendant la période précédent le 12 mars 2020) et d’autres n’auront connu que la dématérialisation (celles initiées après cette date) ;
  • D’autres auront été initiées en mai (ou avril en cas de prolongation) et auront connu un début dématérialisée mais iront au delà de cette date. Le texte dispose dans cette éventualité que :

Lorsque la durée de l’enquête court au-delà du 30 mai 2020, l’autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l’enquête restant à courir, aux modalités d’organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d’enquêtes dont elle relève.

Autrement dit ces enquêtes publiques, à l’instar de celles qui auront débuté avant le 12 mars et connu un régime « normal » et un régime « dématérialisée », pourront connaître un régime mixte.

C’est laissé à la discrétion de l’autorité compétente (Préfet ou exécutif selon les cas), ce dernier selon les circonstances apprécie s’il entend maintenir toute l’enquête de manière dématérialisée ou la basculer sur le régime normal en juin.

Il conviendra donc, pour ceux voulant sortir du confinement l’enquête publique, de s’assurer de l’information du public, de la disponibilité des salles et de les adapter aux conditions sanitaires adaptées. Reste néanmoins à déterminer aussi les disponibilités des commissaires enquêteurs qui risquent d’être limitées car à la fois probablement très sollicités et pas nécessairement disponibles dans un contexte sanitaire qui sera peut-être encore fragile.

Dans l’absolu, le rapport au Président (en tablant sur le fait  que les enquêtes publique sont d’une durée en général de 30 jours, mais c’est en réalité réducteur) fait état qu’au 30 juin le régime normal sera donc applicable pleinement (mais cela va en réalité au-delà de la formulation de cet article 12).

L’ordonnance est muette sur les enquêtes reportées ou débutant après le 30 mai. Dans le silence des textes on devrait en déduire que ces dernières s’inscrivent normalement en régime de droit commun, néanmoins en pratique il semble peu probable vu les délais entre la saisine du juge administratif, les publicités qu’une enquête soit initiée avant fin juin au mieux … ce qui n’est pas recommandé puisqu’une enquête s’étalant sur la période estivale est déjà en temps normal hasardeuse.

L’article 12 est ainsi rédigé désormais :

Le présent article s’applique à toute enquête publique déjà en cours à la date du 12 mars 2020 ou devant être organisée entre cette date et le 30 mai 2020 inclus.
Lorsque le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent, l’autorité compétente pour organiser l’enquête publique peut en adapter les modalités :
1° En prévoyant que l’enquête publique en cours se poursuit en recourant uniquement à des moyens électroniques dématérialisés. La durée totale de l’enquête peut être adaptée pour tenir compte, le cas échéant, de l’interruption due à l’état d’urgence sanitaire. Les observations recueillies précédemment sont dûment prises en compte par le commissaire enquêteur ;
2° En organisant une enquête publique d’emblée conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.
Lorsque la durée de l’enquête court au-delà du 30 mai 2020, l’autorité compétente dispose de la faculté de revenir, une fois achevée cette période et pour la durée de l’enquête restant à courir, aux modalités d’organisation de droit commun énoncées par les dispositions qui régissent la catégorie d’enquêtes dont elle relève.
Dans tous les cas, le public est informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise en application du présent article.