Pesticides : les distances de 5, 10 ou 20 m ont été retenues, un peu au delà des prescriptions de l’ANSES, mais bien en deçà des demandes de nombreux maires ; avec un régime novateur de « chartes locales »

Le Conseil d’État, dans une décision du 26 juin 2019, avait annulé l’arrêté du 4 mai 2017 qui réglemente les épandages de pesticides et autres produits phytopharmaceutiques (phytosanitaires) et il avait enjoint à l’Etat de prendre des mesures de protection des riverains supplémentaires d’ici la fin de l’année (CE, 26 juin 2019, n° 415426, 415431).

 

Voir :

 

C’est chose faite avec :

  • l’arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime
    NOR : AGRG1937165A, que voici :

  • le décret no 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation
    NOR : AGRG1937168D, que voici :

 

Dès sa mise en consultation, ce texte avait fait l’objet de moult polémiques :

 

Dans ce cadre le Gouvernement avait demandé en janvier dernier à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) un appui scientifique et technique sur ces mesures de protection. Son avis, rendu le 14 juin dernier, recommande la mise en place de distances minimales entre les habitations et les zones de traitement des cultures par des produits phytosanitaires, en fonction des cultures, des matériels de pulvérisation utilisés. Mais cet avis, avec des distances selon les cas de 3 à 10 m, fait hurler nombre d’acteurs de ce dossier :

 

Les distances reconnues sont donc de 20, 10 ou 5 m, soit un peu plus que ce qui avait été mis en consultation sur la base des études de l’ANSES. 

Mais avec une adaptation plus stricte aux zones urbaines, aux fortes pluies, aux proximités d’habitations pour des personnes sensibles… et cette fameuse distance incompressible de 20m pour les substances les plus dangereuses (ce qui fait hurler la FNSEA). Et surtout un régime de « chartes locales » permettant après concertation préfectorale d’aménager ces distances (projet par une organisation représentative  puis concertation publique puis arrêté préfectoral). 

Cela dit, les dangers en ce domaine ne sont pas à sous estimer et nombre d’acteurs estiment que ce texte, certes moins inquiétant qu’envisagé de prime abord, reste en deçà du strict nécessaire.

 

Sources sur cette dangerosité : depuis 2015, le glyphosate est classé comme « cancérigène probable » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), agence spécialisée relevant de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le rapport n°42 (2012 – 2013) de la mission parlementaire commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé du 10 octobre 2012 relève les dangers et risques résultant du recours aux pesticides. L’INSERM a produit une étude inquiétante sur les pesticides, la grossesse et la petite enfance, puis une autre sur l’exposition aux pesticides et au chlorécone et le risque de survenue d’un cancer de la prostate  (2018 et 2019). etc. 

En toile de fond, il y a certes une évolution de l’opinion, une préparation à la sortie du glyphosate, un contraste entre les pratiques agricoles et le « zéro-phyto » qui s’impose aux collectivités… mais il y a aussi la prise de conscience que le juge européen impose désormais la prise en compte des effets cocktails par le juge européen dans l’analyse des effets des pesticides. Plus précisément, s’impose la prise en compte des effets cumulés des composants des produits phytopharmaceutiques (Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt de grande chambre rendu le 1er octobre 2019 ; affaire n° C-616/17).

Et de fait, le vent tourne :

  • un petit peu, mais un tout petit peu seulement, en jurisprudence :
  • le TA de Nice a interdit la commercialisation de deux produits pesticides. Saisi par deux associations de protection et de défense de l’environnement et par l’union nationale de l’apiculture française, le tribunal administratif de Nice annule deux décisions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) autorisant la mise sur le marché français  de deux pesticides produits par la société Dow Agrosciences. Le tribunal a estimé que le sulfoxaflor, qui entre dans la composition de ces pesticides et qui a pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes,  était susceptible, en l’état des connaissances scientifiques,  de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs. Par suite, eu égard à la dangerosité potentielle de ces pesticides relevant de la catégorie des  sulfoximines sur les  insectes pollinisateurs,  le principe de précaution consacré notamment par l’article 5 de la Charte de l’environnement justifie leur interdiction de commercialisation. Voir : TA Nice, n°1704687, 1704689, 1705145, 1705146 du 29 novembre 2019

 

D’autres actions ont été engagées ces temps-ci, mais encore faut-il ne pas les planter :

 

Donc, oui, le vent tourne… Doucement. Cela dit, il faut aussi que la profession agricole ait un peu de temps  pour s’adapter…