Les deux décrets d’application de l’ordonnance de transposition de la directive eau potable ont été raccordés

Après l’ordonnance du 22 décembre 2022 (ordonnance n°2022-1611, dont nous évoquions l’adoption dans ce billet), c’est au tour des deux décrets annoncés d’être publiés au JO.

Le premier décret porte sur la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. il transpose la directive et modifie, le chapitre Ier relatif aux eaux potables et le chapitre II relatif aux eaux minérales naturelles du titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique ainsi que la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales.

Notamment, le décret apporte des définitions sur les usages liés à la consommation humaine et leurs usagers domestiques avec leurs définition : usages alimentaires, hygiène corporelle, hygiène générale et autres usages domestiques. On ne se lasse pas de la nécessité de notre époque de tout devoir définir mais c’est sans doute mieux ainsi. Cette distinction risque de devenir de plus en plus importante compte tenu de la pression sur la ressource et l’augmentation des situations de restrictions d’usages et l’usage de catégories et sous-catégories à l’évidence pourra faciliter les restrictions et hiérarchisations.

Surtout, le texte organise une refonte des suivis de la qualité avec le « programme d’analyse des échantillons d’eau prélevés dans les installations de production et de distribution » et dans les zones de captage le « plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau » dont on attend maintenant les arrêtés d’application devant préciser leur élaboration et mise en œuvre.

En son article 2 le décret précise la procédure de décision volontaire de contribuer à la gestion et à la préservation de la ressource.

Le deuxième décret quant à lui est relatif à l’amélioration des conditions d’accès de tous à l’eau destinée à la consommation humaine. Il fixe les modalités d’identification des personnes ayant un accès inexistant ou insuffisant à l’eau destinée à la consommation humaine sur le territoire national modalités de mise en œuvre des solutions d’amélioration de l’accès à l’eau.
Il est ainsi pris en application des articles L. 1321-1-A du code de la santé publique et L. 2224-7-2 du code général des collectivités territoriales.

Il vise d’une part, à définir les conditions minimales à satisfaire pour garantir aux personnes un accès suffisant à l’eau destinée à la consommation humaine. Il précise d’autre part, les modalités d’identification, par les communes et leurs établissements publics de coopération, des personnes ne bénéficiant pas de ces conditions minimales d’accès à l’eau ainsi que les solutions pouvant être déployées pour améliorer ces conditions.

Le décret précise ainsi que  » la quantité suffisante d’eau destinée à la consommation humaine […]est comprise, selon la situation des personnes, entre cinquante et cent litres d’eau par personne et par jour disponible au domicile ou dans le lieu de vie des personnes ou, à défaut, en un point d’accès le plus proche possible, compte tenu des contraintes techniques, géographiques et topographiques et des servitudes auxquelles sont assujettis les territoires concernés. » Dès lors toute personne n’ayant pas un tel accès sera considérée comme n’ayant pas un accès suffisant et devra être identifiée comme telle dans le diagnostic.

Relevons que ce diagnostic ne peut exclure un site du fait du caractère illégal de son occupation ou de sa construction. Dès lors même les « squats » devront être identifiés ce qui peut être une source de tensions probablement.

Le diagnostic doit comporter certaines informations a minima au sens du nouvel article R.2224-5-4 du CGCT :

1° Dénombrer et de localiser, à partir des données d’observation du territoire disponibles et de l’expertise des acteurs locaux, les personnes présentes sur le territoire n’ayant pas un accès suffisant à l’eau destinée à la consommation humaine ;
« 2° Etablir un état des lieux des modalités d’accès à l’eau, des usages et des pratiques, le cas échéant après une enquête de terrain, et d’analyser les causes et les conséquences des insuffisances d’accès à l’eau constatées. L’état des lieux permet, le cas échéant, de répertorier les actions déjà mises en œuvre pour favoriser l’accès à l’eau, de localiser les fontaines et autres équipements de distribution d’eau, les ressources en eau et les sources d’énergie existants et de présenter un bilan de leur état de fonctionnement ;
« 3° Formuler des recommandations d’actions ou de solutions destinées à améliorer les conditions d’accès à l’eau ;
« 4° Proposer, le cas échéant, des mesures d’accompagnement des acteurs intervenant pour améliorer les conditions d’accès à l’eau ;
« 5° Préconiser les modalités adaptées d’information des populations sur les solutions retenues pour améliorer les conditions d’accès à l’eau ainsi que les conditions requises pour la mise en œuvre de ces solutions.

Par ailleurs conformément à l’article R.2224-5-5 du CGCT, le diagnostic doit conduire à la mise en œuvre de solutions adaptées selon la nature des insuffisances en :

« 1° Un raccordement de la zone sans accès à l’eau à un réseau d’eau destinée à la consommation humaine ;
« 2° La mise à disposition d’équipements tels que des fontaines publiques d’eau potable, des rampes d’eau ou encore des bornes fontaines ;
« 3° La mise en œuvre d’actions correctives sur les fontaines et autres équipements de distribution d’eau potable, lorsque les dysfonctionnements de ces derniers sont à l’origine des situations d’accès insuffisant à l’eau destinée à la consommation humaine ;
« 4° La mobilisation des dispositifs de la politique sociale de l’eau, tels que la tarification sociale de l’eau ou les aides forfaitaires prévues à l’article L. 2224-12-1-1, lorsque les insuffisances d’accès à l’eau sont liées à des difficultés de paiement des factures d’eau ;
« 5° Un accompagnement des personnes disposant d’un accès insuffisant à l’eau vers l’utilisation de ressources alternatives telles que des eaux de puits ou de forage, lorsque le domicile ou le lieu de vie de ces personnes est éloigné du réseau public de distribution d’eau destinée à la consommation humaine. Cet accompagnement consiste, au minimum, en une information adaptée. A défaut de ressources alternatives, des dispositifs d’approvisionnement mobiles en eau peuvent être mis en œuvre.

Si l’on peut bien entendu comprendre la démarche, le fait que nombre d’auto-alimentations risquent dans les prochaines décennies d’être insuffisantes, et le fait que l’eau est un produit vital, le texte n’est pas sans soulever nombre de questions sur les incidences pour les services et les moyens que ces derniers pourront allouer. Certes la loi annonce l’existence de moyens financiers, mais sans plus de précision.

Sources :

  • Décret n° 2022-1720 du 29 décembre 2022 relatif à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine (lien)
  • Décret n° 2022-1721 du 29 décembre 2022 relatif à l’amélioration des conditions d’accès de tous à l’eau destinée à la consommation humaine (Lien)

 


 

A été publié un correctif au JO du 14/1/2023 : 

Décret n° 2022-1721 du 29 décembre 2022 relatif à l’amélioration des conditions d’accès de tous à l’eau destinée à la consommation humaine (rectificatif)
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046984441