Volkswagen / dieselgate : selon l’avocat général de la CJUE, les consommateurs devraient pouvoir demander la résolution de leurs contrats d’achats de véhicules

NB ce qui suit reprend en grande partie le communiqué de la CJUE, puisque nous n’avons pas vu matière à ajout ou à retranchement.

Selon l’avocat général Rantos, l’installation d’un logiciel intégré modifiant, en fonction de la température extérieure et de l’altitude, le niveau des émissions des gaz polluants des véhicules est contraire au droit de l’Union et un tel véhicule n’est pas conforme au contrat de vente, au sens de la directive 1999/44

Un tel dispositif ne peut être justifié par la protection du moteur contre des dégâts ou un accident et par le fonctionnement en toute sécurité du véhicule s’il sert principalement à ménager des pièces telles que la vanne EGR, l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel

La conscience accrue de l’importance de la protection de l’environnement au sein de l’Union européenne se manifeste, notamment, par la volonté de limiter les émissions de polluants. En ce sens, les véhicules à moteur ont fait l’objet d’une réglementation de plus en plus contraignante, notamment avec l’adoption du règlement (CE) no 715/2007 (du Parlement européen et du Conseil, en date du 20 juin 2007), relatif à la réception des véhicules à moteur.

Les trois présentes affaires portent sur l’achat de véhicules automobiles équipés d’un logiciel qui, au regard de certaines conditions de température et d’altitude de circulation, limite la réduction des émissions d’oxyde d’azote (NOx). (4)

Ainsi, dans le cas du véhicule visé dans la première affaire (C-128/20), à la suite de la mise à jour du logiciel intégré dans le calculateur de contrôle moteur, la purification des gaz d’échappement est désactivée à une température extérieure inférieure à 15 °C et à une température extérieure supérieure à 33° C ainsi qu’à une altitude de circulation supérieure à 1 000 mètres (ci-après la « fenêtre de températures »). En dehors de cette fenêtre, dans une marge de 10° C, et au-dessus de 1 000 mètres d’altitude, dans un intervalle de 250 mètres, ce taux est réduit linéairement à 0, ce qui entraîne une augmentation des émissions de NOx au-dessus des valeurs limites fixées par le règlement no 715/2007.

Les véhicules visés dans les deuxième (C-134/20) et troisième (C-145/20) affaires contiennent également un logiciel qui faisait fonctionner le système de recyclage des gaz d’échappement selon la fenêtre de températures.

C’est dans ce contexte que le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt, Autriche), le Landesgericht Eisenstadt (tribunal régional d’Eisenstadt, Autriche) et l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) ont décidé de demander à la Cour de justice, en substance, si un logiciel de ce type constitue un « dispositif d’invalidation », au sens du règlement no 715/2007. En cas de réponse affirmative, ces juridictions demandent si ce logiciel peut être autorisé sur le fondement des exceptions à l’interdiction de tels dispositifs, telles que prévues par ce règlement.

Dans ses conclusions présentées ce jour, l’avocat général Athanasios Rantos rappelle, tout d’abord, que, par son arrêt du 17 décembre 2020 (Arrêt de la Cour du 17 décembre 2020, CLCV e.a., C-693/18 ; voir aussi CP no 170/20), la Cour s’est prononcée pour la première fois sur l’interprétation de la disposition en cause. L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt portait sur des

véhicules à moteur dotés d’un logiciel ayant pour objet de fausser les résultats des contrôles d’émission de gaz polluants, notamment de NOx. Dans ledit arrêt, la Cour a jugé que constitue un « dispositif d’invalidation » un dispositif qui détecte tout paramètre lié au déroulement des procédures d’homologation prévues par ce règlement, aux fins d’améliorer la performance, lors de ces procédures, du système de contrôle des émissions, et ainsi d’obtenir l’homologation du véhicule, même si une telle amélioration peut également être observée, de manière ponctuelle,dans des conditions d’utilisation normales du véhicule.

Afin de déterminer si le logiciel en cause constitue un « dispositif d’invalidation », au sens du règlement no 715/2007, l’avocat général procède à l’examen de son fonctionnement lors de l’« utilisation normale » des véhicules concernés qui, selon lui, renvoie non pas aux conditions prévues par le nouveau cycle européen de conduite (NEDC), mais aux conditions de conduite réelles.

À cet égard, il constate que la fenêtre de températures n’est pas représentative des conditions de conduite réelles, dès lors que des statistiques officielles relèvent que, en Autriche et en Allemagne, ainsi que dans d’autres États membres, les températures moyennes pour les années 2017-2019 ont été nettement inférieures à 15° C. En outre, compte tenu du relief de l’Autriche et de l’Allemagne, les véhicules à moteur y circulent très souvent au-dessus de 1 000 mètres d’altitude.

Il en conclut que le logiciel en cause réduit l’efficacité du système de contrôle des émissions lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux des véhicules, avec la conséquence qu’il constitue un « dispositif d’invalidation », au sens du règlement n715/2007.

L’avocat général rappelle ensuite que ce règlement prévoit des exceptions à l’interdiction d’un dispositif d’invalidation, notamment lorsque le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur contre des dégâts ou un accident et pour le fonctionnement en toute sécurité du véhicule.

À cet égard, il souligne que le législateur de l’Union a fait clairement la distinction entre, d’une part, le moteur, visé par cette exception, et, d’autre part, le système de maîtrise de la pollution, qui comprend le recyclage des gaz d’échappement (EGR). Ainsi, selon l’avocat général, un dispositif d’invalidation qui sert principalement à ménager des pièces telles que la vanne EGR, l’échangeur EGR et le filtre à particules diesel ne relève pas de l’exception à l’interdiction, dès lors que le fonctionnement de ces éléments n’affecte pas la protection du moteur.

Par ailleurs, la licéité d’un tel dispositif ne dépend pas de la question de savoir s’il équipait le véhicule concerné dès la fabrication de celui-ci ou s’il a été installé postérieurement.

En outre, dans le cadre d’une réception CE par type, les véhicules doivent respecter les exigences visées par le droit de l’Union, notamment celles relatives aux dispositifs d’invalidation. Si ce n’est pas le cas, ces véhicules ne disposent pas d’un certificat de conformité exact délivré par le constructeur et la vente ou l’immatriculation ne sont pas autorisées.

Ainsi, selon l’avocat général, dès lors qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, peut s’attendre à ce que les exigences réglementaires soient respectées, le véhicule concerné n’est pas conforme au contrat de vente, au sens de la directive 1999/44 (Directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999) même en l’absence de clauses contractuelles spécifiques. En effet, en l’absence d’un certificat de conformité exact, le véhicule concerné ne correspond pas « à la description donnée par le vendeur », il n’est pas « propre à tout usage spécial recherché par le consommateur » et n’est pas « propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type », au sens de la directive 1999/44, même si ledit véhicule est couvert par une réception CE par type en cours de validité.

Enfin, un défaut de conformité consistant en la présence, dans le véhicule concerné, d’un dispositif d’invalidation illicite ne peut être considéré comme étant « mineur », même dans e cas où, à supposer que le consommateur eût connaissance de l’existence et du fonctionnement de ce dispositif, il aurait néanmoins acheté ce véhicule. Dans ces conditions, le consommateur n’est pas privé du droit de demander la résolution du contrat au titre de la directive 1999/44.

VOIR LES DOSSIERS (affaires C-128/20, C-134/20 et C-145/20) :

http://curia.europa.eu/juris/documents.jsf?num=C-128/20

http://curia.europa.eu/juris/documents.jsf?num=C-134/20

http://curia.europa.eu/juris/documents.jsf?num=C-145/20