Services des eaux : l’Etat accepte de mettre fin à une rupture d’égalité entre les acteurs privés et les régies personnalisées ayant du personnel de droit privé

En 2020, le député A. Milon posait aux services de l’Etat une question sur une rupture d’égalité dans le recouvrement des cotisations URSSAF entre les acteurs privés, d’une part, et les régies publiques des eaux (eau potable et assainissement collectif) ayant des salariés de droit privé, d’autre part. 

Citons une partie de la question ainsi posée :

« °[…] Les régies de coopération intercommunale qui exploitent directement un service public d’eau et d’assainissement sont éligibles à la réduction générale des cotisations patronales (ex « réduction Fillon ») communément appelée « zéro cotisation URSSAF ». Cette réduction consiste à baisser les charges patronales de l’employeur pour les salaires n’excédant pas 2 433,95 €. Or, certaines URSSAF leur refusent ce bénéfice au motif qu’elles ne seraient pas éligibles, n’étant pas qualifiées d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) par l’institut national des statistiques et des études économiques (INSEE). La loi est pourtant venue les définir comme tels (article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales). 
La jurisprudence, quant à elle, a clairement, et depuis longtemps, établi que la nature industrielle et commerciale d’un service public entraîne l’application d’un régime juridique différent d’un service public administratif (SPA) en arrêtant trois critères jurisprudentiels définissant les EPIC (l’objet du service, les modalités de fonctionnement et l’origine des ressources financières).
Pour motiver leur refus, les URSSAF s’appuient sur la circulaire DSS/SD5B/2015/99 du 1er janvier 2015  relative à la mise en œuvre de la réduction dite Fillon, au motif de la rédaction imprécise suivante : « salariés relevant des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales ». 
Ce refus de certaines URSSAF entraîne une distorsion de concurrence entre les régies ne pouvant bénéficier de cette réduction et les sociétés privées exerçant pourtant les mêmes missions (eau et assainissement), et bénéficiant de cette réduction. […] »

Victoire, ou plutôt semi-victoire : les services de l’Etat acceptent que les régies dotées de la personnalité morale aient le même traitement que les acteurs privés de ce secteur… ce qui est bien le moins.

Il en va de même pour les SEML et, suppose-t-on, les SPL et les SEMOP… mais pour ces sociétés, les questions se posaient peu à notre connaissance.

Ils refusent de l’accepter pour les régies à simple autonomie financière, ce qui est contestable et pourrait en droit être contesté… 

Bravo à M. MARC LAIME qui a, avant nous, trouvé cette pépite; voir ici Distorsions de recouvrement des cotisations sociales patronales entre régies et opérateurs privés) :

Et, surtout, voici la réponse ainsi faite par les services de l’Etat, et qui pourra être brandie aux URSSAF :

« L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale prévoit que sont éligibles à la réduction générale de cotisations sociales sur les bas salaires les « salariés au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation édictée par l’article L. 5422-13 du code du travail » – soit ceux au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation d’adhésion à l’assurance-chômage – ainsi que des « salariés mentionnés au 3° de l’article 5424-1 du même code » – soit les salariés des entreprises inscrites au répertoire des entreprises contrôlées majoritairement par l’État, des établissements publics industriel et commerciaux ou des sociétés d’économie mixte des collectivités territoriales. De manière générale, les allègements généraux de cotisations sociales ont vocation à soutenir l’emploi dans le secteur des employeurs privés qui exercent leur activité dans le champ concurrentiel, des exceptions étant prévues pour les entités publiques qui du fait de leur objet, de l’origine de leurs ressources ou de leurs modalités de fonctionnement sont placées dans une situation suffisamment comparable, ce qui est le cas des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et des sociétés d’économie mixte (SEM) des collectivités territoriales. Les allègements généraux de cotisations patronales n’ont en revanche pas vocation à bénéficier aux autres types d’établissements publics, ni a fortiori aux administrations publiques, ce qui reviendrait à conférer aux allègements généraux de cotisations sociales un rôle qui n’est pas le leur et à introduire un effet de circularité peu opportun puisque d’autres ressources publiques devraient alors être mobilisées pour financer ces moindres recettes. Il convient aussi de souligner que de nombreux autres établissements publics œuvrant dans des secteurs concurrentiels sont placés dans la même situation. Il convient donc de déterminer au cas par cas si ces services d’eau et d’assainissement constituent des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ou des sociétés d’économie mixte (SEM) de collectivités territoriales, l’article L. 2244-11 du code général des collectivités territoriales selon lequel « les services publics d’eau et d’assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial »ne suffisant pas à emporter une telle qualification. En l’absence de personnalité juridique distincte de celle de la ou des collectivités territoriales pour le compte desquelles elles opèrent, ces régies ne peuvent pas bénéficier des allègements généraux de cotisations patronales. Si elles possèdent cette personnalité juridique distincte et satisfont aux autres critères permettant la qualification d’établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ou de sociétés d’économie mixte (SEM), elles sont éligibles à ce dispositif.»

Question écrite n° 14505 de M. Alain Milon (Vaucluse – Les Républicains)
publiée dans le JO Sénat du 27/02/2020 – page 949 ; Réponse du Ministère auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance – Comptes publics publiée dans le JO Sénat du 09/09/2021 – page 5260 :