Pouvoirs de police du maire et « tours d’eau »

Issu de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de décembre 2006, l’article L. 210-1 du Code de l’environnement rappelle de justes et beaux principes :

« L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général.

« Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

« Les coûts liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. »

L’usage de l’eau donne donc lieu à toute une réglementation prévue notamment par le Code civil et par le Code de l’environnement (art. L. 214-1 et suivants puis R. 214-5 et suivants de ce code).

 

Pour les cas où l’usage (domestique) de l’eau ne donne lieu ni à autorisation ni à déclaration au sens de ce code, le maire dispose de son pouvoir de police générale (voir par exemple CE, 23 septembre 1991, Ville Narbonne, rec. 313 ; CE, 10 juillet 1987, Gaz. Pal. 1988, 1, somm. p. 233) avec, schématiquement, une coordination complexe avec les pouvoirs de police spéciale. il dispose aussi de certains pouvoirs de police spéciale (art. L. 2213-29 et suiv. des CGCT ; voir par exemple CE, 4 janvier 1951, rec., p. 2).

 

Une affaire vient de confirmer le pouvoir de police générale du maire en ce domaine pour les usages domestiques ne relevant pas des pouvoirs des police spéciale du préfet, via un jugement par lequel un TA impose la motivation d’actes en ce domaine au moins lorsqu’ils réduisent (abrogent) pour l’avenir les tours d’eau conférés à tel ou tél habitant (lequel n’est donc pas, alors, un usager). 

 

Un maire à ce titre a organisé des « tours d’eau » par arrêté de police.

Mme H. bénéficiait à ce titre de « tours d’eau » d’une source. Une nouvelle répartition de ces « tours d’eau » a été retenue à l’issue d’une réunion, limitant les « tours d’eau » de Mme H. à un jour par semaine, le dimanche de 20H00 à 8H00. Ce « tour d’eau » de 12 heures dont Mme H. bénéficiait à ce titre lui donnait la possibilité de puiser en moyenne 9 000 litres d’eau par semaine, soit un volume de 468 m3 par an.

Mais se posait la question de savoir si cet usage n’avait pas glissé vers l’agricole… auquel cas on serait passé d’un pouvoir de police générale du maire… au pouvoir de police spéciale du préfet.

Cela dit, faute de preuve en ce sens, les prélèvements que peut réaliser Mme H. sont assimilés par défaut à un usage domestique, aucun élément versé au dossier n’étant de nature à démontrer qu’une partie des prélèvements, au moins, aurait pour objet d’irriguer le potager et le verger de la requérante à des fins professionnelles.

Par suite, faute d’usage professionnel, le maire disposait bien de ces pouvoirs de police générale.

Après, sur le fond, l’arrêté du maire pris à ce titre est censuré par le TA (pour défaut de motivation).

 

Source (c’est le cas de le dire…) : TA Nice, 6ème chambre, 20 février 2020, n° 1702764

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NICE

N° 1703453 ___________

Mme H. ___________

Mme Gazeau Rapporteur ___________

Mme Belguèche Rapporteur public ___________

Audience du 5 février 2020 Lecture du 20 février 2020

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27-03-01 C+

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Nice (6ème chambre)

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Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 août 2017, deux mémoires complémentaires enregistrés les 10 décembre 2018 et le 20 mars 2019, et un mémoire récapitulatif produit à la demande du tribunal en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 29 avril 2019, Mme H., représentée par Me Zago, doit être regardée comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision par laquelle la maire de la commune de Saorge a rejeté sa demande de modification de la réattribution des tours d’eau de la source du Jean Grande, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saorge une somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
– sa requête est recevable ;
– les décisions en litige sont insuffisamment motivées dès lors qu’elles ne comportent aucun

élément propre à connaître les fondements juridiques sur lesquels elles s’appuient ni le lien nécessaire entre les faits et les textes qui les fondent ;

– elles ont été prises par une autorité incompétente en ce qu’il n’appartient pas au maire d’assurer la gestion d’un cours d’eau dont les prélèvements n’ont pas été autorisés par le préfet, nonobstant l’exercice de ses pouvoirs de police ;

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– elles sont entachées d’un défaut de base légale dès lors que le maire ne justifie pas en quoi ces mesures pouvaient être prises sur le fondement de son pouvoir de police générale ;

– elles sont entachées d’une erreur de fait dès lors qu’elle exerce bien l’activité d’agricultrice ;

– à supposer que le maire pouvait faire usage de son pouvoir de police générale pour prendre les mesures contestées, lesdites mesures sont disproportionnées par rapport au but poursuivi et entachées d’erreur manifeste d’appréciation ;

– ces décisions ont été prises en méconnaissance du principe d’égalité au regard des critères fixés par la mairie pour répartir les tours d’eau entre les bénéficiaires.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet 2018 et 24 janvier 2019, la commune de Saorge, représentée par Me Ferry, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme H. au titre des frais de procédure.

La commune fait valoir que :

– la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté : le courrier électronique de Mme H. du 24 avril 2017 ne constitue pas un recours administratif, n’étant pas suffisamment motivé, et le recours formé le 15 juin 2017 n’a pas eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux dès lors qu’il s’agit d’un second recours gracieux, insuffisamment motivé également, lequel ne peut donc rouvrir le délai de recours qui a ainsi expiré le 3 juillet 2017 ;

– le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’acte en litige est inopérant ; – les autres moyens soulevés par Mme H. ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juin 2019, la clôture d’instruction a été fixée au 17 juin 2019.

Vu :
– les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code des relations entre le public et l’administration ; – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 5 février 2020 :
– le rapport de Mme Gazeau ;
– les conclusions de Mme Belguèche, rapporteur public ;
– et les observations de Me Larbre, substituant Me Zago, représentant Mme H., et de Me Ferry,

représentant la commune de Saorge.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H. bénéficiait de « tours d’eau » de la source Jean Grande, à Saorge, les lundis et jeudis de 20H00 à 8H00. A la demande d’une partie des bénéficiaires des « tours d’eau » de cette source et aux fins de prise en compte de l’actualisation de leurs besoins, la maire de la commune de Saorge a organisé une réunion de concertation le 11 avril 2017 à laquelle Mme H. n’était pas présente. Une nouvelle répartition de « tours d’eau » a été retenue à l’issue de cette réunion, limitant les « tours d’eau » de Mme H. à un jour par semaine, le dimanche de 20H00 à 8H00. Par courrier électronique du 24 avril 2017, Mme H. a, d’une part, indiqué au maire ne pas avoir été destinataire d’une convocation

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à la réunion du 11 avril 2017, d’autre part, demandé de lui remettre a minima un tour d’eau de 8H00 en continu. Par courrier électronique du 2 mai 2017, la maire de la commune de Saorge a répondu par la négative à sa demande. Par lettre du 15 juin 2017, Mme H. a de nouveau demandé au maire de revenir sur la nouvelle répartition des tours d’eau. Par courrier du 28 juin 2017, Mme la maire de la commune de Saorge a rejeté cette demande.

Sur l’étendue du litige :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. En l’espèce, la requérante demande l’annulation de la décision par laquelle la maire de la commune de Saorge a rejeté son recours gracieux. Toutefois, et ainsi qu’il a été dit au point 2, les moyens tirés des vices propres dont serait affectée la décision rejetant un recours gracieux dirigé contre un acte administratif ne peuvent utilement être invoqués à l’appui de conclusions tendant à l’annulation de cette décision et de l’acte en question.

4. Il s’ensuit que les conclusions de la requête, dirigées seulement contre la décision rejetant le recours gracieux, doivent être regardées comme tendant également à l’annulation de la décision initiale par laquelle la maire de la commune de Saorge a, à l’issue d’une réunion qui s’est tenue le 11 avril 2017, décidé de fixer une nouvelle répartition des « tours d’eau » entre seize bénéficiaires, décision révélée par le tableau de répartition établi par la maire le 11 avril 2017. Par suite, la requête en excès de pouvoir présentée pour Mme H. doit être regardée comme dirigée contre la décision du 11 avril 2017 modifiant la répartition des tours d’eau de la source Jean Grande et contre la décision portantrejet explicite de son recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

5. La maire de la commune de Saorge oppose l’irrecevabilité de la requête dirigée contre l’acte du 11 avril 2017 en ce qu’elle serait entachée de forclusion. Elle fait ainsi valoir que le courrier électronique qui lui a été adressé par la requérante le 24 avril 2017, n’a pas eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux dès lors qu’il n’a pas le caractère d’un recours gracieux en raison de son insuffisante motivation. Elle fait également valoir que le second recours présenté le 15 juin 2017 auprès de ses services n’a pas eu davantage pour effet de proroger le délai de recours dès lors qu’il ne comporte pas non plus de moyen juridique au soutien de ses prétentions, et qu’au demeurant, ilconstitue un second recours administratif intervenu après rejet explicite de la demande du 24 avril 2017 et qui ne peut, dans ces conditions, rouvrir le délai de recours contentieux qui était ainsi expiré à la date à laquelle la présente requête a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice.

6. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la

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notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) ». Aux termes de l’article R. 421-5 de ce code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ». En outre, aux termes de l’article L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration : « Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (…) ». Le dernier alinéa de l’article R. 112-5 du même code dispose que : « L’accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d’acceptation. Dans le premier cas, l’accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l’encontre de la décision. (…) ».

7. La décision du 11 avril 2017 par laquelle la maire de la commune de Saorge a établi un nouveau tableau de répartition des tours d’eau entre seize bénéficiaires a fait l’objet, le 24 avril 2017, d’un courrier électronique de Mme H., adressé à Mme la maire et reçu en mairie le jour même, aux fins notamment « de lui remettre a minima un tour d’eau de 8 00 en continu ». Ce courrier électronique doit être regardé, d’une part, comme apportant la preuve de la connaissance acquise par la requérante de la décision du 11 avril 2017, d’autre part, compte tenu de son objet et des termes mêmes de ce courrier, comme sollicitant le retrait dans l’ordonnancement juridique de la décision du 11 avril 2017 et donc comme un recours gracieux qui a ainsi eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux. La maire de Saorge s’est d’ailleurs estimée saisie d’un recours gracieux, ainsi qu’en atteste le courrier électronique qui a été adressé le 2 mai 2017 à la requérante par laquelle elle a répondu négativement à sa demande en lui en expliquant les motifs.

8. Si le second recours gracieux formé le 15 juin 2017, ayant le même objet que celui du 24 avril 2017, et auquel la maire de Saorge a répondu défavorablement par une décision du 28 juin 2017 qui revêt le caractère d’une décision confirmative de l’acte du 2 mai 2017 en l’absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, n’a pu avoir pour effet de proroger à nouveau le délai de recours contentieux, ledit délai, prorogé par le premier recours gracieux, n’était toutefois pas opposable à la requérante dès lors que ce premier recours administratif formé le 24 avril 2017 n’a fait l’objet d’aucun accusé de réception et que la décision expresse de rejet de ce recours ne comportait pas la mention des voies et délais de recours. Dans ces conditions, le recours en excès de pouvoir dirigé contre la décision du 11 avril 2017 et la décision rejetant expressément le recours gracieux formé sur cet acte, ayant été enregistré au greffe du tribunal le 30 août 2017, n’est donc pas tardif. La fin de non- recevoir opposée en défense ne peut, dès lors, être accueillie.

Sur les conclusions d’annulation :

9. Aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’environnement : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. / Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. / Les coûts liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. ». Il en résulte que l’eau, qui n’est pas susceptible d’appropriation, ne peut donner lieu qu’à un droit d’usage exercé dans les conditions et limites définies par la loi.

10. Aux termes de l’article L. 214-2 de ce code : « Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil

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d’Etat après avis du Comité national de l’eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l’existence des zones et périmètres institués pour la protection de l’eau et des milieux aquatiques. / Ce décret définit en outre les critères de l’usage domestique, et notamment le volume d’eau en deçà duquel le prélèvement est assimilé à un tel usage, ainsi que les autres formes d’usage dont l’impact sur le milieu aquatique est trop faible pour justifier qu’elles soient soumises à autorisation ou à déclaration. ». Aux termes de l’article R. 214-5 de ce code : « Constituent un usage domestique de l’eau, au sens de l’article L. 214-2, les prélèvements et les rejets destinés exclusivement à la satisfaction des besoins des personnes physiques propriétaires ou locataires des installations et de ceux des personnes résidant habituellement sous leur toit, dans les limites des quantités d’eau nécessaires à l’alimentation humaine, aux soins d’hygiène, au lavage et aux productions végétales ou animales réservées à la consommation familiale de ces personnes. / En tout état de cause, est assimilé à un usage domestique de l’eau tout prélèvement inférieur ou égal à 1 000 m3 d’eau par an, qu’il soit effectué par une personne physique ou une personne morale et qu’il le soit au moyen d’une seule installation ou de plusieurs, ainsi que tout rejet d’eaux usées domestiques dont la charge brute de pollution organique est inférieure ou égale à 1,2 kg de DBO5. ».

11. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le « tour d’eau » de 12 heures dont Mme H. bénéficie par la décision contestée du 11 avril 2017 lui donne la possibilité de puiser en moyenne 9 000 litres d’eau par semaine, soit un volume de 468 m3 par an. Ainsi, les prélèvements que peut réaliser Mme H. sont assimilés, au sens des dispositions précitées, à un usage domestique, aucun élément versé au dossier n’étant de nature à démontrer qu’une partie des prélèvements, au moins, a pour objet d’irriguer le potager et le verger de la requérante à des fins professionnelles, la réalité de la reprise de son activité d’agricultrice n’étant pas démontrée par les pièces du dossier. Par suite, l’attribution des « tours d’eau » de la source Jean Grande à Mme H. ne relève ni du régime de la déclaration ni de celui de l’autorisation au titre de la loi sur l’eau et n’est donc pas soumise à la police spéciale de l’eau, mais relève du pouvoir de police générale du maire.

12. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (…) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (…) / 7° Refusent une autorisation (…) ». Aux termes de l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait quiconstituent le fondement de la décision ».

13. Par la décision contestée, la maire de la commune de Saorge a modifié la répartition de l’attribution des « tours d’eau » de seize bénéficiaires en supprimant, notamment, un tour d’eau de 12H00 dont jouissait précédemment la requérante et en modifiant le jour du « tour d’eau » restant à cette dernière. Cette mesure, qui modifie l’usage de l’eau entre différents bénéficiaires en supprimant un droit d’usage, de nature précaire et révocable, précédemment ouvert au bénéfice de la requérante, ne tend pas au retrait ou à l’abrogation d’une décision créatrice de droits ni ne refuse une autorisation. Cependant, cette décision qui a été prise par la maire en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de police générale, et qui a pour effet de limiter le droit d’usage d’eau de la requérante, a le caractère d’une mesure de police qui devait être motivée. Ce moyen est donc opérant.

14. La décision en litige ne précise pas le fondement juridique sur laquelle elle a été édictée et ne vise notamment aucune disposition en particulier. La décision portant rejet du recours gracieux

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ne précise pas davantage la référence textuelle sur laquelle la maire s’est fondée. Dans ces conditions, Mme H. est fondée à soutenir que la décision contestée n’est pas motivée en droit.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision par laquelle la maire de la commune de Saorge a modifié la répartition des « tours d’eau » de la source du Jean Grande est illégale et doit donc être annulée, ensemble la décision rejetant le recours gracieux formé par Mme H.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions présentées par Mme H. au titre des frais liés au litige et de mettre à la charge de la commune de Saorge la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros.

17. En revanche, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la commune de Saorge soit mise à la charge de Mme H., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C ID E :

Article 1er : La décision du 11 avril 2017 par laquelle la maire de la commune de Saorge a modifié la répartition de l’attribution des « tours d’eau » de la source du Jean Grande est annulée, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé par Mme H.

Article 2: La commune de Saorge versera la somme de 1500 (mille cinq cent) euros à Mme H. au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saorge sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme H. et à la commune de Saorge.

Délibéré après l’audience du 5 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Emmanuelli, président,
Mme Gazeau, conseiller,
M. Beyls, conseiller,
assistés de Mme Daverio, greffier.

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Lu en audience publique le 20 février 2020.

Le rapporteur,

Signé
D. GAZEAU

Le président,

Signé
O. EMMANUELLI

Le greffier,

Signé
M-L. DAVERIO

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Pour le greffier en chef, Ou par délégation le greffier,