Alouette, gentille alouette… Alouette, ton chasseur est plumé

Alouette, gentille alouette… Alouette, c’est ton chasseur qui est plumé !

Il est plumé à la tête, puisque c’est le juge des référés du Conseil d’État qui a suspendu les autorisations de chasser l’alouette des champs à l’aide de filets (pantes) ou de cages (matoles) délivrées pour la saison 2022-23 par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques.

La directive européenne « Oiseaux » du 30 novembre 2009 interdit les techniques qui capturent des oiseaux massivement et sans distinction d’espèce, notamment les filets, pièges-trappes et autres pièges. Elle prévoit toutefois qu’une dérogation peut être accordée à deux conditions : 1) qu’il n’existe pas de technique alternative pour capturer une espèce particulière, 2) que cette technique ne permette de capturer que cette espèce-là, ou d’autres espèces mais en très faible quantité et sans dommage.

Le juge des référés du Conseil d’État observe que le ministre n’a pas démontré, en l’état de l’instruction, que ces méthodes de chasse traditionnelles seraient les seules permettant de capturer des alouettes des champs dans ces départements. Il note également que la consommation humaine des oiseaux capturés, qui est l’objectif mis en avant dans les autorisations ministérielles, peut être obtenue par la chasse au tir ou l’élevage.

Par ailleurs, le juge des référés du Conseil d’État relève que les méthodes ainsi autorisées conduisent à la capture d’autres oiseaux, et ne peuvent pas être considérées comme « sélectives ». Au moins 15 à 20 % d’autres espèces d’oiseaux sont en effet capturés par des matoles, ce qui ne constitue pas une « faible quantité », comme le prescrit le droit européen, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne. Le ministre n’apporte aucun chiffre pour les pantes, dont les filets peuvent mesurer jusqu’à 50 m², avec des mailles ne permettant pas aux autres oiseaux de s’échapper. Ces captures peuvent aussi concerner des espèces d’oiseaux protégés dont la chasse est interdite, et leur causer ainsi des dommages non négligeables.

Si les décisions contestées mettent en avant par ailleurs l’objectif de conserver une méthode de chasse dite « traditionnelle », ce motif a été regardé par la CJUE comme n’étant pas suffisant (C-557/15 du 21 juin 2018 ; voir surtout CJUE, 17 mars 2021, C-900/19 One Voice et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)/Ministre de la Transition écologique et solidaire).

Au vu de la situation d’urgence créée pour les espèces concernées par ces décisions, et du doute sérieux existant sur leur légalité, le juge des référés du Conseil d’État suspend, dans l’attente de la décision qui sera rendue au fond, les arrêtés d’autorisation pris le 4 octobre dernier par le ministre chargé de l’environnement.

NB 1 : cette affaire évoque nettement celle de la chasse d’autres oiseaux, à la glu cette fois, ayant donné lieu à la décision CE, 28 juin 2021, n° 443849, 434365 et 425519 après une longue saga riche en rebondissements. Voir : Chasse des oiseaux à la glu : Le Conseil d’Etat s’y colle… après un revirement où il laisse quelques plumes . Voir ensuite, et dans le même sens : CE, 6 août 2021, n° 425435, 425540, 426515A comparer, plus récemment, avec TA Martinique, ord., 21 septembre 2022, n°202200520.

NB 2 : à noter en parallèle, le même jour, le rejet par le juge des référés du TA de Toulouse de trois requêtes de l’association One Voice tendant à la suspension de deux arrêtés approuvant pour la Haute-Garonne le plan de gestion de la chasse à la palombe et fixant notamment les prélèvements de perdrix grise, et pour l’Ariège, d’un arrêté fixant les prélèvements de galliformes de montagne. Voir ces décisions TA Toulouse, ord., 21 octobre 2022, n°22058382205889et 2205900. 

Source :

CE, ord., 21 octobre 2022, n°468151 468151, 468152, 468153, 468154, 468170, 468172

Voir aussi :

Crédits : photographie d’une alouette par Kanenori (sur Pixabay)