Référé liberté en matière d’environnement « équilibré et respectueux de la santé » : encore faut-il ne pas attaquer après la bataille…

Le « droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », protégé par la Charte de l’environnement, a été récemment reconnu par le Conseil d’Etat comme étant une « Liberté fondamentale » pouvant ouvrir la voie à l’usage de référés libertés (CE, ord., 20 septembre 2022, n° 451129, au rec.).

Oui mais encore faut-il que plusieurs conditions se trouvent réunies, listées par cette ordonnance du Conseil d’Etat :

Ces conditions cumulatives sont donc, pour le recours à un référé liberté en ce domaine :

  1. une atteinte grave et manifestement illégale à l’environnement (portant atteinte au droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement)
  2. dont il n’est pas sérieusement contestable qu’elle trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique,
  3. un requérant « justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale » du fait de cette action ou de cette carence de l’autorité publique… attention ce requérant doit « faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour [lui] de bénéficier, dans le très bref délai prévu par [le régime du référé liberté]  d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées » dans ce cadre.
    NB voir déjà par exemple un rejet de référé liberté parce que la protection d’une espèce animale ne pouvait être protégée que par des suspensions dépassant en durée ce qui relève du référé liberté :CE, ord., 27 mars 2021, n° 450592
  4. le constat que « la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires.» . Ces mesures « doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises

BREF dans nombre de cas, un référé suspension (de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; CJA) ou un référé expertise ou mesures utiles (sur le fondement de l’article L. 521-3 du CJA) sera parfois à préférer, opérationnellement.

Donc c’est sans grande surprise que le juge des référés du TA de Marseille a refusé de voir cette 4e condition remplie si le projet a déjà été réalisé au titre d’actes administratifs qu’il n’est plus temps d’attaquer :

« 5. Toutefois, le projet en litige a donné lieu, outre l’autorisation de dérogation, à un permis de construire et une autorisation de défrichement délivrés après enquête publique les 1er et 2 février 2017, que l’association requérante n’a pas contestés et qui sont devenus définitifs. »

Ajoutons qu’en l’espèce, l’atteinte grave — condition n°1 dans la liste précitée — en l’espèce semblait, selon le juge, fort évanescente, au moins au titre d’actes qui n’ont pas été attaqués à temps par la requérante :

« En outre, il résulte de l’instruction, notamment des éléments de l’enquête publique, de l’étude d’impact et du rapport de la DREAL Provence- Alpes-Côte d’Azur, que le site choisi pour l’implantation du projet est celui de parcelles forestières incendiées en 2004, « sous-solées » et reboisées en cèdre, afin de limiter les effets sur les espaces naturels et la biodiversité, en tenant compte des divers intérêts en place, agricoles, pastoraux, environnementaux et paysagers. Les impacts résiduels du projet ont été analysés comme faibles et non significatifs sur les habitats et les espèces présentes, et l’autorisation de dérogation accordée à la société Boralex s’accompagne également de mesures de réduction d’impact, de compensation et de suivi des populations des espèces protégées. En se bornant à faire valoir une atteinte à la faune et la flore protégées, l’association requérante n’établit pas l’atteinte grave et manifestement illégale au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.»

Voici cette décision :