Périmètres de protection des captages d’eau potable : censure des mesures transitoires
Le Conseil constitutionnel vient de décider une censure, avec effet immédiat, des règles transitoires en matière de périmètres de protection des captages d’eau potable.
Le Conseil constitutionnel fait un peu ce qu’il veut au cas par cas en matière de différences de situation ou de droit pouvant, ou ne pouvant pas, fonder juridiquement une différence de traitement.
Voir par exemple :
- La pérennisation d’un prélèvement minorant la dotation d’intercommunalité pour certaines communautés… EST INCONSTITUTIONNELLE ! (et le plus énorme est que cela ne change rien)
- Guerre d’Algérie : le Conseil constitutionnel impose, en QPC, un principe d’égalité entre victimes
- Voici la décision rendue à l’instant par le Conseil constitutionnel (censure très partielle) à propos de la loi de finances initiale pour 2021
- Future loi ASAP : le Conseil constitutionnel mitraille les cavaliers législatifs mais laisse passer l’infanterie lourde
- Rupture conventionnelle : le Conseil constitutionnel effectue une retouche
- Il est bien constitutionnel d’imposer une redevance d’archéologie… à des travaux aux sous-marins
- Rétablissement, dans leur honneur, des personnes autrefois condamnées à mort : le Conseil constitutionnel valide le droit existant tout en déverrouillant de possibles évolutions législatives
- LFI 2020 : censure par le Conseil constitutionnel d’un régime de collecte d’informations sur les réseaux sociaux par le fisc et les douanes
- Il n’est pas inconstitutionnel d’être obligé de dénoncer… ni que cette obligation soit à géométrie variable
- Les tarifs de transports sanitaires effectués en taxis déclarés inconstitutionnels
- Constitutionnellement, subsiste, en temps de paix, pour les opérations de maintien de l’Ordre de la Gendarmerie, une justice militaire (composée de magistrats civils)
- L’expropriation pour cause de risques naturels semble exclure les cas d’érosion côtière. Est-ce constitutionnel ?
- Est-il constitutionnel de scinder les fonds de l’Etat entre d’une part une dotation pour les métropolitains et, d’autre part, pour les ultra-marins ?
- Le Conseil constitutionnel toujours plus permissif dans l’édification de différenciations tarifaires Recours recours en récupération contre la succession de la personne handicapée bénéficiaire de l’aide sociale : le Conseil constitutionnel valide le régime actuel à la faveur d’une vision très souple des différences de situations justifiant des différences de traitements entre administrés
- etc.
C’est donc avec une surprise très limitée que nous découvrons ce matin que le Conseil constitutionnel, qui parfois laisse passer des ruptures d’égalité assez frappantes, vient de censurer une mesure transitoire en matière de périmètres de protection des captages d’eau, laquelle par son caractère transitoire fondait une différence de situation qui eût pu sauver cette disposition de la noyade nous semble-t-il.
En cause : le fait qu’était maintenu, pour tous les captages d’eau pour lesquels un arrêté d’ouverture d’une enquête publique relative à l’instauration d’un périmètre de protection a été publié à la date de publication de la loi du 24 juillet 2019, le régime antérieur à cette loi, alors que le nouveau régime ne permet plus l’instauration d’un périmètre de protection rapprochée pour ceux bénéficiant d’une protection naturelle ou pour certains captages à faible débit.
Selon les requérants, en exigeant désormais uniquement un simple périmètre de protection immédiate autour de ces captages, le législateur aurait reconnu que l’adjonction d’un périmètre de protection rapprochée n’était plus nécessaire pour assurer la protection de la qualité de l’eau.
La mise en place d’un tel périmètre étant susceptible d’entraîner d’importantes servitudes pour les propriétaires des terrains qui en sont grevés, le législateur ne pouvait, selon les requérants, dès lors prévoir le maintien du régime antérieur en se fondant sur le seul critère tenant à la publication d’un arrêté d’ouverture d’une enquête publique.
Le Conseil constitutionnel, au point 7 de la nouvelle décision, commence certes par rappeler que le législateur peut tout de même prévoir des successions différentes de régime dans le temps.
Mais, avec une rigueur qu’on lui connaît souvent mais pas toujours… le Conseil constitutionnel censure ce régime au nom d’une insuffisante prise en compte des différences de situation par ces successions de régimes juridiques :
« 7. Si la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n’est pas, en elle-même, contraire au principe d’égalité, le législateur a, en l’espèce, établi une différence de traitement entre les propriétaires de terrains situés à proximité de captages d’eau, selon qu’a ou non été publié, au jour de la publication de la loi, un arrêté d’ouverture d’une enquête publique en vue de l’éventuelle instauration d’un périmètre de protection.
« 8. Or, le critère ainsi retenu ne rend pas compte d’une différence de situation, au regard de l’objet de la loi modifiant le régime des périmètres de protection, entre les propriétaires qui ne sont pas déjà soumis à un tel périmètre. Il vise, non à éviter la remise en cause des périmètres existants, mais seulement, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des travaux préparatoires, à dispenser les personnes publiques ayant engagé une procédure d’instauration de périmètres avant la publication de la loi d’avoir à la reprendre pour la compléter. Toutefois, compte tenu des conséquences limitées de l’application des nouvelles règles sur les procédures en cours, ce motif n’est pas de nature à justifier que les propriétaires en cause soient exclus du bénéfice de ces règles et, de ce fait, soient susceptibles de se voir imposer les servitudes afférentes à un périmètre de protection rapprochée.
« 9. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées méconnaissent le principe d’égalité devant la loi. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. »
… avec effet immédiat, le Conseil constitutionnel ayant sur ce point refusé de moduler dans le temps les effets de sa censure.

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