Adoption par le Sénat de la proposition de Loi contre le mitage de la forêt en Ile de France

Le Sénat a voté le 14 janvier en première lecture une proposition de loi contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. Elle avait déjà été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le texte n’a pas été retouché par les sénateurs.

 
 
 

La loin instaure  ainsi un droit de préemption au profit de la SAFER d’Île-de-France, qui peut préempter sur des petites parcelles (surfaces inférieures à trois hectares, situées dans des zones délimitées par un document d’urbanisme).

Toutes les parcelles des sont pas concernées, seuls sont visés :

  • les biens situés dans les zones agricoles protégées,
  • les biens situés dans les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains,
  • les biens situés dans des zones agricoles, naturelles ou forestières.

 

Une expérimentation qui semble avoir fait mouche

Les rapports présentés devant les deux chambres sont assez intéressants (rapport Assemblée Nationale, rapport Sénat).

Tout d’abord l’outil mis en place semble considéré comme adapté aux enjeux

Le bilan de la mise en œuvre […] sur presque 200 cas de mise en œuvre du droit de préemption de parcelles forestières, la moitié n’aurait pas été possible sans actionner le dispositif expérimental.

[…] depuis février 2017, l’objectif de protection et de mise en valeur de la forêt a figuré parmi les motifs invoqués par la SAFER dans 198 procédures de préemption, soit 39 % des 510 préemptions exercées au total […]

[…] en l’absence de cette disposition, dans ces 107 cas, soit environ 20 % des préemptions de la SAFER, celle-ci n’aurait pas pu empêcher la vente des parcelles et l’accroissement du mitage forestier qui en aurait résulté.

En outre, qualitativement, la mise en œuvre de ce droit permet de contrecarrer la tendance au morcellement extrême de la forêt francilienne. Les 198 ventes sur lesquelles la SAFER est intervenue représentent une surface totale d’environ 105 hectares de foncier forestier. Il en ressort une surface moyenne de 5 289 m2 par opération, soit environ le sixième du plafond de 3 hectares (30 000 m2) prévu par la loi. Tout en luttant contre l’émiettement forestier, ce dispositif est donc mis en œuvre de façon mesurée et trouve à s’appliquer à des parcelles de très petite surface, ce qui minimise d’éventuelles atteintes aux droits des propriétaires forestiers.

Autre aspect intéressant, le mécanisme n’aboutit pas forcément à une acquisition par la SAFER puisque celui-vi a assez souvent conduit à un renoncement à la commercialisation, mettant en place un changement de pratique alors de la part des propriétaires puisque seules 24% des préemptions ont conduit à une acquisition par la SAFER. Dans les autres cas, le propriétaire a exercé son droit de ne plus vendre les parcelles. Ainsi, La SAFER estime que 2/3 des dossiers instruits aboutissent alors à un retrait de vente, évitant le mitage et morcellement foncier.

Et les sénateurs de conclure que

L’efficacité du dispositif comporte donc un volet préventif et dissuasif particulièrement utile. En effet, lorsqu’une parcelle est vendue, illégalement défrichée et artificialisée, il est particulièrement difficile, pour les communes, d’intervenir, car notre droit prévoit un certain nombre de souplesses permettant de s’installer à titre provisoire dans certains habitats démontables ou mobiles.

La carte ci-après recense les actions portées par la SAFER (source rapport de l’assemblée nationale, IAU, SAFER):

Peut-on étendre le dispositif à d’autres secteurs ?

En l’état il ne s’agit que d’un texte spécifique à l’Ile de France.

Comme rappelé par les parlementaires, pour justifier l’expérimentation et le mécanisme, il convenait de rappeler la spécificité de la forêt francilienne qui est particulièrement fragmentée comme le révèle cette carte de la SAFER/IAU intégrée au rapport de l’assemblée nationale :

Capture d’écran

En Ile de France,  la forêt est trois fois plus morcelée que dans l’ensemble de l’hexagone, avec des parcelles beaucoup plus petites (moyenne d’un hectare), ce qui affaiblit son potentiel de gestion et de protection. Par ailleurs sa superficie correspond à un taux de boisement de 21 % pour l’Île-de-France, contre 31 % en moyenne hexagonale dans un contexte d’ultra-urbanisation (et ses incidences sur les rejets en CO2 et la nécessité de capture). Ce sont entre autres les arguments avancés pour instaurer un régime spécifique.

Donc pour l’instant le mécanisme n’est pas étendu à d’autres territoires, néanmoins on pourrait supposer qu’un mécanisme similaire soit déployé sur d’autres territoires où une telle vulnérabilité serait rencontrée. Le Ministre de l’agriculture lors des débats a ainsi affirmé que « son extension, au-delà de l’Ile-de-France n’est, à ce stade, pas envisagée ». 

 

A propos des SAFER : Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) sont des sociétés anonymes mais n’ont pas de but lucratif sous la tutelle des ministères de l’agriculture et de l’alimentation et des finances. Leur création remonte aux lois d’orientation agricole de 1960 et 1962. Il leur revenait initialement d’acquérir des terres ou des exploitations agricoles librement mises en vente par leurs propriétaires, ainsi que des terres incultes. Au fil du temps leurs missions ont été étendues.