Quelle gouvernance pour des usages sobres et durables de la biomasse ? [avis du CESE]

Les scénarios de décarbonation reposent en général, notamment en France, sur un recours croissant à l’énergie et aux matériaux issus de la biomasse.

De quoi parlons nous ? Voici quelques définitions : la biomasse est constituée de l’ensemble des matières organiques d’origine végétale ou animale se trouvant sur notre planète. Les produits biosourcés sont des produits dans lesquels les ressources fossiles sont partiellement ou complètement remplacées par des ressources issues de la biomasse. Quelques exemples : lin, chanvre, laine, bois de construction ou de chauffe (pellets), biomatériaux et bioplastiques pour la construction, agrocarburants pour l’aviation et biogaz pour maritime et poids lourds, fibres remplaçant les plastiques ou bioplastiques dans l’industrie…

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté à l’unanimité des suffrages exprimés un avis sur la gouvernance à adopter en ce domaine, pour plus d’efficacité et pour éviter, ou à tout le moins réguler, les conflits d’usage.

Voici les préconisation retenues (j’ai mis en gras souligné certains points clés) :

« 1- Encourager la sobriété de tous les usages dans toutes les composantes de la vie 

– Réduire les besoins en énergie et les gaspillages.

– Limiter l’usage des sols par la superposition des usages

– Adopter des modes de vie et consommation durable. L’alimentation animale et l’exportation, deux usages massifs de la biomasse d’origine agricole & forestière aujourd’hui privilégiés, appellent une attention particulière et seront au cœur des arbitrages. 

2- Renforcer une connaissance plus transverse des flux & cycles de la matière vivante et de leurs limites 

– Renforcer le lien avec la nature, avec une initiation dès le plus jeune âge jusqu’à l’enseignement supérieur notamment dans la formation agricole (renforcer l’enseignement des fondamentaux de l’agronomie).
– Rendre interministérielle la gouvernance de l’Observatoire national des Ressources en biomasse et élargir ses missions de façon à inclure dans son périmètre de travail l’ensemble de la biomasse et des flux vers les divers usages, y compris matériaux, énergie et déchets,
– Développer la recherche sur les modes de culture, de transformation et d’usage, leurs effets sur l’environnement ainsi que les services écosystémiques en y incluant des études sociologiques sur les usages (sobriété, lien avec le vivant…) ainsi que de recherches sur les solutions fondées sur la nature et leur modèle économique.
– Informer citoyens et consommateurs, femmes, hommes et enfants, sur l’utilité et la rareté de la biomasse, sur les coûts de l’alimentation, sur la formation des prix alimentaires, sur les contraintes sanitaires exigées du secteur de la transformation, sur l’importance d’une consommation sobre pour une sécurité qui leur est due.

3- Se doter d’une capacité de co-construction, d’orientation et d’arbitrage aux différents niveaux territoriaux 

– Privilégier la régulation par les logiques des acteurs économiques et les marchés.

– Faire intervenir les pouvoirs publics pour assurer la sécurité alimentaire et énergétique des Français, garantir l’autonomie stratégique, alimentaire, énergétique et industrielle, protéger l’environnement, climat et biodiversité en respectant les engagements internationaux de la France et les rendre plus exigeants, évaluer régulièrement la Stratégie nationale de la biomasse.

Deux options sont proposées aux décideurs politiques pour assurer la capacité d’arbitrage au niveau national :
    – une option dans laquelle FranceAgrimer élargit le dialogue avec les autres utilisateurs ;
    – une option dans laquelle la continuité de ce dialogue est assurée par une cotutelle croisée : le MTECT, cotutelle de FranceAgrimer, et le MASA, cotutelle de l’Ademe.

– Activer et élargir les missions des Cellules Biomasse existantes au niveau des territoires (régional / département / intercommunalités), installer un dialogue entre les communautés professionnelles, faire émerger des feuilles de route de transition écologique, énergétique, industrielle et agricole entre les acteurs économiques et sociaux (Collectivités locales, Chambres d’agriculture, services déconcentrés -FranceAgriMer et Ademe-, DREAL, DRAAF et DDT au niveau du département). Bâtir la résilience face au changement climatique, dont l’adaptation des systèmes de culture et forestiers.

– Aborder de manière globale les questions de commerce extérieur (réduire l’empreinte de l’UE et de la France sur l’environnement mondial en incluant aux Stratégies européennes et nationales de lutte contre la déforestation importée (SNDI) des plafonds d’importation de bois, de protéines fourragères ou de viande), appliquer plus systématiquement à d’autres productions les clauses de sauvegarde ou les clauses miroirs dans les échanges internationaux de la France et de l’Union européenne

4- Associer et encourager les acteurs de la biomasse

– Instaurer des mesures incitatives laissant la plus large place à l’initiative locale dans le sens de la restauration de la biodiversité pour éviter une pression excessive sur la biodiversité résultant des nouveaux besoins.  

– Créer des paiements pour services environnementaux (PSE) pour que les acteurs du terrain soient incités à préserver la biodiversité et les infrastructures écologiques en alignant les pratiques des acteurs économiques avec l’intérêt collectif (ex : l’élevage au pré rend de nombreux services en termes de biodiversité, stockage de carbone, enrichissement des sols).

Voir une vidéo produite par le CESE à ce sujet :

Liste des travaux du CESE :