Pollution maritime issue de l’assainissement : annulation du refus d’un maire d’user de ses pouvoirs de police

Il peut être illégal de refuser, pour un maire, d’utiliser ses pouvoirs de police administrative générale. En pareil cas, le contrôle du juge n’est pas limité aux cas d’erreur manifeste d’appréciation : les juridictions exercent en ce domaine un plein contrôle ( voir par exemple, pour des dépôts sauvages de déchets, CE, 13 octobre 2017, n° 397031).

L’inaction d’un maire, négligent d’user de ses pouvoirs de police, peut même une source de sa responsabilité pénale. 

Sources : CA Nancy, 31 janvier 1996, n° 94010990. Autres exemples : TGI Thonon-les-Bains, 15 juin 1994 : 20 000 francs avec sursis, avec publication du jugement et 1 000 francs de dommages et intérêts). 5 000 francs avec sursis (CA Poitiers 6 janvier 1995). Voir surtout Cass. crim. 18 juillet 1995, n° D94-85.249D.

Une affaire polynésienne vient d’illustrer cette sanction de l’abstention.

Saisi par une association de protection de l’environnement, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé une décision implicite de refus du maire de Paea de faire usage de ses pouvoirs de police générale pour mettre fin à une pollution du lagon qui perdure depuis de très nombreuses années, causée par le déversement des eaux polluées issues d’une station d’épuration.

NB : dans l’hexagone et les DOM, une telle jurisprudence trouverait ses limites, mais uniquement en cas d’intercommunalisation, non seulement de la compétences, certes, mais aussi des pouvoirs de police qui vont avec (ce qui est souvent refusé : cf. art. L. 5211-9-2 du CGCT… et encore même en cas de transfert desdits pouvoirs des police, le maire conserve des pouvoirs de police générale…).  

Ce qui est intéressant, c’est que la commune n’avait pas été totalement inactive, mais que ses lignes de défenses ont été néanmoins laminées par le TA :

« 6. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Paea, qui ne conteste pas la réalité des rejets de la station d’épuration Tiapa au milieu du lagon sur le site dit du « spot Laguesse » affectant considérablement la qualité des eaux de baignade du secteur, a pris en 1997 un arrêté interdisant toute baignade à cet endroit de nature à prévenir le danger que constitue la pollution marine. La commune, qui ne se prévaut que de cette seule mesure, déjà ancienne, fait valoir que la fermeture de la station d’épuration en question est impossible compte tenu de ce qu’elle recueille les eaux usées de plus de 90 personnes. Elle expose également le fait que la solution envisagée pour remédier à cette pollution depuis la station d’épuration consisterait à prolonger l’actuel émissaire afin que les rejets qu’il canalise soient rejetés dans l’océan au-delà de la barrière récifale, ce qui est irréalisable compte tenu de ce que les propriétaires concernés ont de très faibles ressources. La commune de Paea indique également que la solution consistant à financer elle-même lesdits travaux de prolongation de l’exutoire demeure très coûteuse et que cela suppose en réalité une action coordonnée avec la Polynésie française, compétente en matière d’environnement et d’assainissement sur l’ensemble du territoire polynésien, ainsi qu’avec l’Etat. Toutefois en se bornant à faire état de discussions sur ce point qui « n’ont pas abouti », la commune de Paea n’apporte, au-delà de l’interdiction de la baignade autrefois décidée par le maire sur le site du « spot Laguesse », aucun élément de nature à attester, ni des circonstances précitées tenant à l’impossibilité de financer la rénovation du dispositif de rejet, par les propriétaires concernés ou au moyen de subventions, ni de son engagement et de sa réelle volonté de remédier à la pollution en cours sur son territoire. Si la commune fait également valoir que les communes de la Polynésie française doivent assurer le service de l’assainissement au plus tard le 31 décembre 2024, cette circonstance n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la légalité de la décision litigieuse qui atteste, au regard des motifs qui précèdent, d’une carence fautive du maire de Paea en tant qu’il a méconnu ses obligations de police en termes de salubrité publique, mais aussi de ce que la commune de Paea qu’il représente a également méconnu ses obligations résultant de l’arrêté visé au point 5 au regard de ses compétences en matière d’assainissement public. Dans ces conditions, l’association requérante est fondée à soutenir qu’en opposant un refus à sa demande de mettre fin à la pollution ci-dessus décrite du lagon, le maire a méconnu ses obligations au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. »

In fine, donc, ce TA du Pacifique a aussi enjoint à la commune de Paea de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées pour faire cesser le rejet dans le lagon des eaux souillées provenant de la station d’épuration, excluant toute solution consistant en des travaux de prolongation de l’actuel émissaire au-delà de la barrière récifale, dans un délai d’un an suivant la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard passé ce délai.

Source :

TA de la Polynésie française, 18 octobre 2022, 2200025