Patrimoine bâtimentaire : un rayon de soleil administratif illumine, désormais, le photovoltaïque

Patrimoine et implantation du photovoltaïque : l’Etat se fixe, par une instruction interministérielle, une doctrine plus ouverte et plus claire. Les porteurs de projet et les habitants seront moins dans l’ombre sur ce qui peut, ou non, être fait. Fiat lux. 

Une instruction interministérielle (Culture ; Transition écologique et cohésion des territoires ; Transition énergétique), préparée par la Direction générale des patrimoines et de l’architecture à la Culture, vient d’être diffusée pour forger une nouvelle, et plutôt ouverte, doctrine de l’Etat en matière de photovoltaïque et de préservation du patrimoine. 

Cette clarification s’avère singulièrement bienvenue puisque sur le terrain les tâtonnements sont légion et qu’en droit les questions se feront plus fréquentes car, comme le rappelle le début de cette circulaire :

« la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 [qui a créé l’article L. 171-4 du code de la construction et de l’habitation et l’article L. 111-19-1 du code de l’urbanisme] a introduit l’obligation, pour les propriétaires de nouveaux entrepôts, hangars et parkings couverts et extérieurs de plus de 500 m2 ainsi que de nouveaux immeubles de bureaux de plus de 1 000 m2, d’installer des panneaux photovoltaïques ou des toitures végétalisées. Cette obligation vise à améliorer l’exploitation du potentieldes toitures pour développer l’énergie photovoltaïque sans consommer d’espace. L’obligation concerne aussi les rénovations lourdes de ces bâtiments. Ces mesures prendront effet le 1er juillet 2023. »

Cette instruction :

  • rappelle les misions des ABF (certes), sur un mode qui globalement défend cette institution 
  • formule des préconisations dans les sites patrimoniaux remarquables et les abords de monuments historiques :

« Vous encouragerez l’implantation des panneaux solaires dans les zones logistiques, les zones d’activités et les zones industrielles, sur les parkings (au sol ou en toiture), hangars, grandes surfaces commerciales, bâtiments couverts en terrasse, délaissés et terrains abandonnés et infrastructures autoroutières.
« Vous accueillerez favorablement l’implantation de panneaux solaires sur les toitures des bâtiments construits après la Seconde Guerre mondiale (en particulier à partir de 1948) non protégés au titre des monuments historiques, en veillant à leur bonne intégration architecturale et paysagère. Vous ne refuserez ces projets que s’ils portent atteinte à l’architecture de bâtiments remarquables (labélisés ou non), au paysage, ou dans les cas où l’implantation de panneaux solaires.serait proscrite par le règlement du site patrimonial remarquable (règlement du PSMV, du PVAP, de la ZPPAUP ou de l’AVAP).
« 
Les projets d’implantation de panneaux solaires sur les bâtiments anciens (construits avant 1948) pourront être acceptés dans les sites patrimoniaux remarquables et les abords de monuments historiques s’ils sont compatibles avec la conservation et la mise en valeur du patrimoine et du paysage et s’ils ne sont pas proscrits par le règlement du site patrimonial remarquable. Ces projets pourront faire l’objet de prescriptions pour garantir leur bonne intégration architecturale et paysagère.
« Vous veillerez à ce que l’implantation des panneaux solaires soit prévue et encadrée dans les nouveaux règlements des sites patrimoniaux remarquables : plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) et plans de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP), lors de leur élaboration ou de leur révision.»

  • rappelle que le photovoltaïque est à éviter pour les monuments historiques eux-mêmes, mais avec quelques bémols qui méritent d’être cités :
    • « Toutefois de nombreuses avancées ont été réalisées ces dernières années, avec la création de dispositifs de production d’énergie photovoltaïque qui peuvent s’intégrer au bâti de façon harmonieuse (en particulier des tuiles solaires). Le Gouvernement a, à cet effet, mis en place une prime spécifique pour favoriser le développement de ces procédés dans les dispositifs de soutien.
      « Des exceptions sont toutefois possibles, justifiées par exemple par le caractère discret du lieu· d’implantation ou par la nature technique des bâtiments considérés. Des implantations ne portant aucune atteinte au monument pourront également être proposées pour des installations au sol.»
  • détaille les « autres préconisations » que voici :
    • « Pour les immeubles labélisés « architecture contemporaine remarquable », vous ne refuserez les projets d’installation de panneaux photovoltaïques que s’ils sont contraires aux objectifs de qualité architecturale.
      « Pour les sites classés et inscrits au titre du code de l’environnement, vous veillerez à ce que les projets de panneaux photovoltaïques en toiture prennent en compte et respectent les valeurs patrimoniales et les caractéristiques du site dans leur conception, implantation et composition. Vous· travaillerez en lien avec le service· des sites de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
      « Pour les biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, vous veillerez à la bonne prise en compte des valeurs paysagères et à leur préservation dans la conception, l’implantation et la composition des projets photovoltaïques à proximité ou au sein des biens inscrits. En particulier pour les projets soumis à évaluation environnementale, celle-ci devra inclure au sein du volet «patrimoine et paysage» une évaluation de l’impact du projet photovoltaïque et de ses dépendances sur la Valeur Universelle Exceptionnelle des biens.
      « La consultation des architectes des Bâtiments de France n’est pas prévue en dehors des espaces protégés au titre du code du patrimoine ou du code de l’environnement. Je vous invite néanmoins à diffuser les « bonnes pratiques » en matière d’implantation de panneaux solaires, notamment auprès des autorités compétentes en matière de PLU et d’autorisation de travaux, pour favoriser la cohérence des règlements d’urbanisme et des modalités d’instruction des projets dans ce domaine.
      « Enfin, pour l’implantation d’équipements au sol, vous rappellerez que l’accord de l’ABF ou des services de l’État chargés des monuments historiques, le cas échéant, ne préjuge pas de l’application des règles relatives à l’archéologie préventive.· »
  • prescrit que des conseils soientdispensés aux porteurs de projets :
    • « Dans le cadre du dialogue avec les porteurs de projets, vous veillerez à explorer les différentes solutions qui favoriseront l’implantation des équipements photovoltaïques dans le respect du patrimoine et du paysage :
      –  intégration aux toitures à pentes (respect de la géométrie des toitures, de leur aspect, etc.) ou installation sur les toitures terrasses ;

      –  ordonnancement par rapport à l’architecture de l’édifice (emplacement « axé » par rapport aux percements des façades, regroupement des panneaux, etc.) ;
      –  emplacements peu visibles depuis l’espace public (implantation sur des bâtiments, tels des appentis, ou des pans de toiture peu visibles, notamment les toits plats) ;
      – adaptation à la topographie du terrain, respect des usages et maintien des voies et traversées existantes (pour les panneaux posés au sol).
    • « Par ailleurs, les premiers effets de la dynamique en faveur des énergies renouvelables sur la recherche et le développement d’équipements moins standardisés commencent à se faire ressentir. Des produits d’une plus grande variété (teintes, types de châssis) sont mis sur le marché ; leur performance énergétique s’améliore. Votre capacité à orienter les porteurs de projets vers ces solutions, vers des projets mieux conçus sur le plan de la qualité architecturale ou vers des dispositifs alternatifs, tels que des dispositifs solaires thermiques avec capteurs sous toiture, favorisera l’intégration des équipements photovoltaïques au bâti et son acceptation sociale.
    • « Au cours des dernières années, les unités départementales de l’architecture et du patrimoine, ainsi que leurs partenaires territoriaux, ont produit une importante documentation pratique à l’attention des porteurs de projets (fiches, vade-mecum, lignes directrices, etc.). Un guide national sera élaboré dans les prochains mois, pour proposer une synthèse de ces bonnes pratiques, sans préjuger des déclinaisons régionales ou départementales qui devront continuer d’être produites.
    • « Il appartiendra au directeur régional des affaires culturelles, en lien avec les services compétents de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement :
      – de mettre en place, dans son ressort, les conditions de dialogue et de concertation permettant d’éviter les situations de blocage et d’anticiper les éventuels recours, en particulier pour tous les projets d’installation de panneaux solaires d’ampleur ;
      – de vérifier la cohérence des recommandations dispensées en matière d’implantation du photovoltaïque par les services patrimoniaux à l’échelle de la région.»

VOICI CETTE INSTRUCTION :

Instruction relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables : instruction des demandes d’autorisation et suivi des travaux d’implantation de panneaux solaires, en date du 9 décembre 2022, mise en ligne le 13 janvier 2023, NOR : MICA2300974C

Crédits : Manfred Antranias Zimmer (Pixabay)