Hier, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

I. Les 4 piliers de ce projet de loi selon le communiqué du Conseil des ministres 

Il repose sur 4 piliers :

  1. Accélérer les procédures
    Selon le Gouvernement, il « faut en moyenne 5 ans de procédures pour construire un parc solaire nécessitant quelques mois de travaux, 7 ans pour un parc éolien et 10 ans pour un parc éolien en mer, soit deux fois plus de temps que nos voisins européens
  2. Libérer le foncier nécessaire (en facilitant le recours aux zones déjà artificialisées ou ne présentant pas d’enjeux environnementaux majeurs, en « mobilisant les parkings, les terrains dégradés et le bord des autoroutes »).
  3. Accélérer le déploiement de l’éolien en mer
    Le projet de loi permettra, selon le Gouvernement, de « rationaliser le cadre législatif applicable aux projets éolien en mer en impliquant au plus tôt les citoyens dans le choix de leur localisation sur l’ensemble de la façade maritime. Pour cela, il place les documents stratégiques de façade maritime (DSFM) au cœur du dispositif de participation du public.»
  4. Améliorer le financement et l’attractivité des projets d’énergie renouvelable (partage de la valeur et les bénéfices économiques des installations renouvelables avec les riverains et les communes d’installation ; définition de contrats directs entre consommateurs et producteurs d’énergie, dans une logique de « circuit court ».

Ce projet de loi prévoit notamment, pour citer le communiqué du Conseil des ministres :

  • « de déployer progressivement des ombrières photovoltaïques sur les parkings existants de plus de 2500 m² ;
  • de faciliter les projets sur les bords des routes et autoroutes (notamment les aires de repos ou les bretelles d’autoroutes), pour lesquels l’impact environnemental et paysager est moindre ;
  • de faire bénéficier directement les riverains des bénéfices apportés par les projets d’énergies renouvelables, en réduisant leur facture d’électricité, tout en profitant aux communes d’implantation ;
  • de faciliter l’installation des projets photovoltaïques sur tous les terrains dégradés ;
  • de simplifier les procédures administratives, notamment en simplifiant les procédures de révision des documents d’urbanisme locaux ;
  • d’accélérer le raccordement au réseau électrique des projets ;
  • de permettre aux entreprises et aux collectivités territoriales de signer directement des contrats de long terme d’énergie renouvelable. »

II. Dérogations provisoires pour les énergies renouvelables et autres projets de transition énergétique 

Le projet de loi prévoit, pour les projets de développement des énergies renouvelables ou des projets industriels identifiés comme nécessaires à la transition énergétique et pour une période limitée à quatre ans, des adaptations de la procédure d’autorisation environnementale. Certaines mesures sont de détail (anticipation des préparatifs des enquêtes publiques ;possibilité de joindre, en cours d’enquête ou de consultation publique, les avis rendus hors délai…), que le Conseil d’Etat propose dans son avis de conserver dans un cadre réglementaire et non législatif. 

Par parallélisme avec ce qui est déjà prévu à l’article L. 123-2 du code de l’environnement pour les permis de construire et les permis d’aménager, le projet de loi prévoit d’inclure dans le champ de la participation du public par voie électronique les projets soumis à permis de démolir ou à déclaration préalable en vertu du titre IV du code de l’urbanisme et qui font l’objet d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas.

D’autres modifications sont prévues pour les procédures d’urbanisme applicables aux projets d’installations d’énergie renouvelable, dont :

  • le fait de faire relever de la procédure de modification simplifiée, pendant une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, le changement d’orientations définies par les projets d’aménagement et de développement durables (PADD), la réduction des espaces boisés classés, ainsi que la modification des règles applicables aux zones agricoles, naturelles ou forestières qui sont actuellement soumis à la procédure plus lourde de révision. 
  • l’intégration des projets d’installations d’énergie renouvelable dans le champ de la procédure dite de « déclaration de projet », lorsqu’ils ne sont pas compris dans un projet d’aménagement urbain, est également prévue

Les dispositions qui organisent une procédure de concertation commune à une déclaration de projet qui y est soumise et à la mise en compatibilité du document d’urbanisme en amont de l’enquête publique et mutualisent ainsi une obligation procédurale sous certaines conditions n’appellent pas d’observation du Conseil d’Etat. 

III.Espèces protégées 

Est prévue la reconnaissance du caractère de « raison impérative d’intérêt public majeur » à certains projets d’installations d’énergie renouvelable et à certains projets déclarés d’utilité publique (au regard des règles d destructions d’espèces protégées de l’article L. 411-1 du code de l’environnement. Citons sur ce point l’avis du Conseil d’Etat :

« La réalisation de projets d’aménagement et d’équipement nécessite souvent de telles dérogations, qui ne peuvent cependant être sollicitées qu’à un stade relativement avancé des projets, de sorte qu’un projet assez abouti peut être mis en échec si la dérogation qu’il doit obtenir ne lui est pas accordée ou est annulée parce qu’il ne répond pas à une raison impérative d’intérêt public majeur, alors même que les deux autres conditions auxquelles est soumise une dérogation seraient remplies.
13. Le projet de loi propose donc de reconnaître la qualité d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur aux projets d’installations de production d’énergie renouvelable et aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie satisfaisant à des conditions qu’il définit et qui seront précisées par décret en Conseil d’Etat.
14. […] ni, en son état actuel, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne ne font obstacle à ce que la loi définisse des critères permettant de considérer que certains projets répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur. La nécessité d’un examen au cas, qui résulte de la directive selon la jurisprudence de la Cour, demeure, en tout état de cause […].
L’encadrement ainsi institué doit cependant l’être au regard de critères pertinents pour la qualification d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur. […]

En effet, les projets auxquels cette qualification d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur serait ainsi reconnue sont, d’une part, ceux qui produisent l’énergie avec l’une des sources auxquelles la PPE fixe, en raison notamment de leur soutenabilité et de l’indépendance énergétique qu’ils procurent, les objectifs de progression les plus ambitieux, d’autre part, les projets dont la taille est suffisante pour que, individuellement ou collectivement, ils contribuent de façon significative à atteindre les objectifs de cette programmation. Ces projets sont ainsi destinés à satisfaire à un besoin structurel, à long terme, dans le cadre d’une planification décidée par les pouvoirs publics, et répondent ainsi à un motif impératif d’intérêt public majeur.
Au surplus, le Conseil d’Etat relève que le plan REPowerEU présenté par la Commission européenne le 18 mai 2022 comprend notamment une proposition de modification de la directive sur l’énergie produite à partir de sources renouvelables (Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018), visant à soutenir une accélération des procédures d’octroi de permis pour les projets d’énergie renouvelable et les infrastructures connexes en introduisant le principe selon lequel les énergies renouvelables relèvent d’un intérêt public supérieur.
15. Le projet prévoit également que la reconnaissance de la qualité d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur à une opération ou à des travaux pourra se faire dès le stade d’une déclaration d’utilité publique (DUP). […] Le Conseil d’Etat estime que rien ne s’oppose à ce qu’une telle reconnaissance puisse avoir lieu dès le stade de la DUP. […]».

IV. Modifications apportées à l’office du juge de plein contentieux des autorisations environnementale

Le projet de loi prévoit de modifier les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement relatif à l’office du juge de plein contentieux des autorisations environnementales. 

Le but est que la faculté qui lui est aujourd’hui ouverte de prononcer une annulation partielle, limitée à une phase de l’instruction d’une demande d’autorisation environnementale ou à une partie de cette autorisation, ou de surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, constitue désormais une obligation lorsque les conditions d’une telle annulation partielle ou d’une telle mesure de régularisation sont réunies.
Cette modification de la procédure contentieuse, directement inspirée des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

 

V. Habilitation pour permettre l’accélération des raccordements au réseau de transport d’électricité


Le projet de loi vise à simplifier les procédures en ce domaine, en :

  • anticipant les raccordements,
  • établissant des priorités afin de hiérarchiser le traitement des demandes
  • concentrant les investissements sur des zones déterminées.
  • prévoyant la modification de la planification des réseaux d’électricité. 

VI. Sur les mesures tendant à l’accélération du développement de l’énergie solaire thermique et photovoltaïque 

A noter :

  • l’installation d’ouvrages de production d’énergie solaire le long des autoroutes et des voies à grande circulation
  • la facilitation de l’installation d’ouvrages de production d’énergie solaire sur des parcelles appartenant au domaine public. L’article L. 2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui permet à l’autorité compétente de l’Etat de renoncer à la procédure de sélection imposée préalablement à la délivrance d’un titre d’occupation du domaine public en vue de l’exercice d’une activité économique, serait modifié afin d’en faire bénéficier des projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ayant déjà fait l’objet, en application du code de l’énergie, d’une mise en concurrence pour l’octroi de mesures de soutien financier prévues en faveur de ces énergies. C
  • la facilitation de l’installation d’ouvrages de production d’énergie solaire sur des friches non situées en continuité des espaces urbanisés dans des espaces littoraux : un nouvel article L. 121-12-1 dans le code de l’urbanisme permettrait, par une décision d’autorisation spécifique, dérogatoire à l’interdiction de construction en discontinuité de l’urbanisation résultant de la loi littoral (article L. 121-8 du code de l’urbanisme), l’édification d’ouvrages de production d’énergie solaire sur des friches ou des bassins industriels de saumure saturée. Les installations de production d’hydrogène renouvelable couplées pour leur alimentation en électricité à des ouvrages de production d’énergie solaire situés sur des bassins industriels de saumure saturée pourront s’implanter à proximité sur ces friches. 
  • la construction, également, en zone de montagne d’ouvrages en discontinuité de l’urbanisation existante
  • l’installation d’ombrières supportant des installations de production d’énergie photovoltaïque sur les parcs de stationnement extérieurs de plus de 2500 m² 

VII. L’éolien en mer 

A noter :

  • une mutualisation des procédures de participation du public
  • un régime juridique nouveau pour les îles artificielles, installations ou ouvrages flottants, notamment les éoliennes flottantes, en leur rendant applicables, d’une part, celles des dispositions relatives aux navires qui sont nécessaires en raison de leur caractère flottant (l’immatriculation, la possibilité de francisation, le contrôle par un organisme agréé du respect des règles relatives à la sécurité maritime) et d’autre part, des dispositions s’inspirant de celles du code de l’environnement relatives aux autorisations environnementales pour ce qui est du régime de police administrative de l’installation.
  • une unification du régime des sanctions pénales applicables en cas de manquement aux obligations du propriétaire ou de l’exploitant, que celles-ci relèvent de la sécurité maritime ou des autres obligations liées à l’exploitation de l’installation. 
  • une simplification du droit applicable pour autoriser la réalisation de projets d’installations de production d’énergie renouvelable en mer, ou d’études techniques et environnementales relatives à de telles installations ou à leurs ouvrages de raccordement aux réseaux publics d’électricité, s’ils devaient être réalisés pour partie en mer territoriale et en partie dans la zone économique exclusive.
  • évolution du droit propre à la durée du travail des salariés autres que gens de mer (« offshore »)
  • aménagement des conditions dans lesquelles les transports effectués entre ports de la France métropolitaine, ceux effectués en provenance ou à destination des îles artificielles, installations, ouvrages et leurs installations connexes mis en place en mer territoriale française, dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental adjacente disposition en substance similaire.
  • évolution du droit des installation d’ouvrages de transport d’électricité sur le littoral

VIII. Contrats d’électricité  

Le projet comporte également une mesure permettant à une partie à un contrat d’approvisionnement à long terme d’électricité conclu, avant l’entrée en vigueur de la future loi, entre un producteur et une société agréée relevant de la catégorie définie à l’article 238 bis HW du code général des impôts de saisir la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de révision des mécanismes d’indexation aux prix du marché d’un contrat en cours. 


IX. Mesures d’incitation financière pour les personnes résidant à proximité d’éoliennes ou d’installations de méthanisation


Il est prévu, pour faciliter l’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable, que les clients finals résidentiels dont la résidence principale est située dans le périmètre de certaines catégories d’installations puissent bénéficier de la déduction, sur leurs factures d’électricité, d’un montant annuel forfaitaire. Une mesure identique est prévue pour les communes sur le territoire desquelles sont situés ces périmètres. Les coûts ainsi supportés par les fournisseurs sont, en outre, regardés comme constituant des charges de service public. 


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