Action en reconnaissance de droits (une des variantes des class actions à la française) : la prescription quadriennale est-elle interrompue si la réclamation préalable a été adressée à la « mauvaise » administration (en matière de TEOM en l’espèce) ?
Action en reconnaissance de droits (une des variantes des class actions à la française) : la prescription quadriennale est-elle interrompue si la réclamation préalable a été adressée à la « mauvaise » administration, autrement posé à une administration incompétente en droit pour ledit litige ?
Réponse du Conseil d’Etat (dans, de nouveau, une affaire de TEOM) : OUI. Une réponse agrémentée de nombreuses et utiles précisions, au terme d’un arrêté à publier en intégral au rec.
Les « Class actions » à la française ont été introduites en droit français du contentieux (judiciaire comme administratif) par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et par le décret n° 2017-888 du 6 mai 2017, ainsi que le présent blog s’en est fait l’écho :
- Action de groupe : quels risques contentieux pour les personnes publiques ?
- Actions de groupe : après la loi, le décret. En attendant les vagues de contentieux…
- Le Conseil constitutionnel, vient, à l’instant, de censurer une partie de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté. Il a surtout apporté d’importantes précisions juridiques (logement social, loi SRU, écoles privées, diffamation, genre, discriminations en restauration scolaire, class action…)
- « Class actions » à la française : le Conseil d’Etat en donne un mode d’emploi simple et opérationnel
- Action de groupe : avant l’heure, c’est pas l’heure (mais pour certaines actions de groupe seulement…)
Ces actions collectives peuvent prendre la forme :
- SOIT des « actions de groupe »
- SOIT des « actions en reconnaissance de droits » (article L. 77-12-1 du code de justice administrative ; CJA).
Le but est que d’une part nulle personne lésée ne puisse être laissée de côté par peur des frais contentieux ou par méconnaissance et, d’autre part, de regrouper en un contentieux, et un seul, les contentieux de masse…
Voir par exemple
- Source : TA Lyon, 29 avril 2019, Syndicat de personnel d’encadrement de la Ville de Lyon et organismes rattachés UGICT-CGT c/ Commune de Lyon, n° 1806281. Voir sur Alyoda en cliquant ici.
- TA Lyon – N° 1803391-1803392 – CANOL – 26 octobre 2020 – C+ … Voir notre article : Une action en reconnaissance de droits ne peut tendre à la reconnaissance d’un préjudice… mais elle peut servir à mettre la TEOM « en décharge »
Le Conseil d’Etat vient de donner le mode d’emploi de ce régime au regard des règles de prescription quadriennale. Le Conseil d’état a posé :
- qu’il résulte de l’article L. 77-12-2 du CJA que les délais de prescription et de forclusion opposables, pour faire valoir les droits dont la reconnaissance est demandée, à chacun des membres du groupe indéterminé de personnes au bénéfice duquel l’action est introduite, sont interrompus à compter de la date à laquelle la réclamation préalable à laquelle l’article R. 77-12-4 du CJA subordonne la saisine du juge est formée par l’auteur de l’action collective.
- que, pour l’application de cette règle, la date à laquelle la réclamation préalable est formée s’entend de la date à laquelle le demandeur l’a adressée à l’administration, peu important que cette administration soit ou non compétente.
En conséquence, « lorsqu’une demande en reconnaissance de droits est introduite par l’envoi d’une réclamation préalable à une autorité administrative incompétente, les délais de prescription et de forclusion opposables aux personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée, et ce y compris les délais de réclamation et recours prévus par le livre des procédures fiscales (LPF), sont interrompus à la date de cette réclamation » (futur résumé des tables).
La Haute Assemblée précise ensuite, classiquement, que « ces délais recommencent à courir à compter de la date de publication de la décision statuant sur cette action passée en force de chose jugée, ou, à défaut de saisine du juge, à compter de la date à laquelle la décision de rejet de la réclamation préalable est devenue définitive. »
Voir déjà en ce sens sur ce dernier point :
- CE, 23 mai 20128, n0405448 : une demande préalable adressée à un organisme mandataire de l’Etat… vaut demande à l’Etat (avec décision implicite de refus)
- et auparavant CE, 8 décembre 1989, Ministre de l’agriculture c/ , n° 87434, rec. T. p. 841
Source : CE, 15 novembre 2021, n° 454125, à publier au recueil Lebon