Projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale des projets : l’indépendance des MRAe suffira-t-elle ?

Le juge administratif a censuré, depuis 2016, conformément au droit européen, le fait que nombre de procédures environnementales donnaient lieu à décisions du Préfet de région alors que celui-ci pouvait être avoir également la charge de ce projet au stade des avis, de la mise en oeuvre, ou autre. Bref, les préfets étaient des deux côtés de la barrière, ce qui leur ôtait la nécessaire indépendance requise en ces domaines. Quelques années et pas mal de jurisprudence plus tard, voici qu’est soumis au public un projet de décret visant à confier aux Missions régionales d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (MRAe) la responsabilité de rendre les avis sur les projets ne relevant pas d’une autorité environnementale nationale (ministre chargé de l’environnement ou AE CGEDD). Les préfets de région demeureraient compétents pour prendre les décisions de cas par cas sur ces projets. Détaillons toutes ces questions :

 

Nombre de procédures ont donné lieu à consultation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale dans un cas… où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet. Une telle situation a donné lieu à censure par le Conseil d’Etat, via sa sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait censuré le décret car ni celui-ci, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’avait prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard.

 

Ce faisant, le Conseil d’Etat ne faisait que se mettre, avec un peu de retard, au diapason européen :

 

Il en a résulté une riche jurisprudence, à évoquer ici au moins par analogie :

 

S’y ajoutent les disposions de l’article 31 de la loi Energie Climat. Voir :

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Il importait donc que le Gouvernement s’adapte à ces règles. Aussi un projet de décret est-il ces jours-ci (article L. 123-19-1 du code de l’environnement) soumis à la participation du public.

Le précédent décret relatif à l’autorité environnementale (décret n° 2016-519 du 28 avril 2016) confiait aux préfets de région la compétence d’autorité environnementale (avis et examen au cas par cas) pour un certain nombre de projets, aux côtés de la formation nationale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (AE du CGEDD) et des Missions régionales d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (MRAe). 

Le projet de décret, quant à lui, confie aux MRAE la responsabilité de rendre les avis sur les projets ne relevant pas d’une autorité environnementale nationale (ministre chargé de l’environnement ou AE CGEDD). Les préfets de région demeurent compétents pour prendre les décisions de cas par cas sur ces projets.

 

Ce même décret n°2016-519 du 28 avril 2016 avait, déjà, visé à renforcer l’indépendance desdites MRAe (sur celles-ci, voir http://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr).

Principales modifications opérées par le projet de décret sont, selon la notice même de cette mise en consultation :

  • L’article R. 122-3 actuel est scindé en deux articles distincts (article R. 122-3 et R. 122-3-1) afin de distinguer plus explicitement les dispositions visant à désigner l’autorité en charge de réaliser l’examen au cas par cas des projets qui y sont soumis (article R. 122-3) de celles visant à préciser le déroulé de la procédure d’examen au cas par cas (article R. 122-3-1) ;
  • L’article R. 122-6 est modifié pour tenir compte de l’annulation précitée et confier aux MRAe le soin de rendre les avis qui relevaient précédemment de la compétence du préfet de Région ;
  • L’article R. 122-7 est toiletté à la marge afin de clarifier la durée dont disposent les collectivités territoriales pour rendre leur avis ;
  • L’article R. 122-17 est complété par un alinéa prévoyant, à l’image du dispositif applicable aux projets, la possibilité pour le ministre en charge de l’environnement d’évoquer certains dossiers relatifs à des plans ou programmes relevant normalement de la compétence des MRAe ;
  • L’article R. 122-24 fait l’objet d’un toilettage formel afin de clarifier l’organisation interne des MRAe qui bénéficient de l’appui technique des agents de la DREAL ;
  • Les articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 sont créés afin de faire application des dispositions relatives au conflit d’intérêt introduites par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et codifiées au V bis de l’article L. 122-1 ;
  • Les articles R. 123-8 et R. 181-8 sont eux aussi toilettés afin de remplacer les termes « autorité environnementale » par « autorité en charge de l’examen au cas par cas » conformément à la modification législative de l’article L. 122-1.

 

 

Voici :