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Survol de la loi EnR n° 2023-175 du 10 mars 2023

Au JO d’hier se trouvait la :

… après une censure du Conseil constitutionnel aussi anodine que limitée :

… Etant rappelé que ce texte doit être lu aussi à la lumière d’un tout nouveau, transitoire et puissant, règlement européen :

Survolons, maintenant, du point de vue du monde public, ce que change cette nouvelle loi française. Ce qui suit reste très résumé, et ne doit donc être pris que comme indiquant de grandes lignes de manière schématique :

I. Les zonages territoriaux pour les énergies renouvelables (EnR) terrestres, avec un jeu complexe de « je te tiens, tu me tiens, la barbichette entre collectivités et Etat », et avec maintien du régime de la loi 3DS (complété par le nouveau dispositif) qu’il ne faut surtout pas oublier dans cette équation

IA. Rappel du régime de la loi 3DS, maintenu (et complété par le nouveau texte) avec en quelque sorte un peu étendu pour les territoires hors PLU et hors cartes communale mais sur un mode plus limité

Rappelons tout d’abord que, depuis l’article 35, V, de la loi 3DS n°2022-217 du 21 février 2022, l’article L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme dispose que :

« Le règlement peut délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. »

Ce texte, maintenu par la nouvelle loi EnR, permet donc déjà quelques zonages (avec prise en compte dans la nouvelle mouture des installations de raccordement).

Attention on voit bien que :

Surtout, ce régime est ainsi complété par la nouvelle loi :

« II. – Dans les communes des départements pour lesquels a préalablement été arrêtée une cartographie des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables en application de l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie et lorsque l’avis du comité régional de l’énergie a estimé, dans les conditions prévues au même article L. 141-5-3, que les zones d’accélération identifiées par ladite cartographie sont suffisantes pour l’atteinte des objectifs régionaux établis en application de l’article L. 141-5-1 du même code, le règlement peut également délimiter des secteurs d’exclusion d’installations d’énergies renouvelables, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. Les secteurs délimités en application du présent II sont applicables uniquement aux projets dont la demande d’autorisation auprès de l’autorité compétente est déposée après l’approbation du plan local d’urbanisme dont le règlement comporte de tels secteurs. Les secteurs délimités en application du présent II ne sont pas applicables aux procédés de production d’énergies renouvelables en toiture ou aux procédés de chaleur à usage individuel. » ;

De plus, on notera, hors PLU et hors carte communale, et une fois les cartographie de zones d’accélération (voir ci-après) adoptées, un nouveau régime prévu par la loi 2023-175, et qui reprend le même cadre. Voir notamment le dernier paragraphe de l’extrait, ci-dessous, de la nouvelle loi :

I.B. Le nouveau régime des « zones d’accélération » (avec en quelques sorte une décélération — a contrario — ailleurs, mais ce n’est pas si simple que cela)

Mais pour l’essentiel ce qui est mis en place est un dispositif de planification territoriale des énergies renouvelables… et ce n’est qu’ensuite, à l’aune des besoins régionaux en EnR, que des zonages où, a contrario, l’éolien ou le photovoltaïque sera, soit banni, soit rendu très difficile (en sus des zonages de l’article L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme, précité).

Cela peut sembler très « pro EnR » et contraignant. Mais c’est beaucoup, beaucoup moins piégeux que d’autres hypothèses qui étaient débattues. Ainsi, le projet consistant à donner au maire le pouvoir de dire NON purement et simplement aux projets d’EnR, qui un temps tenait la corde au fil des débats parlementaires, aurait conduit les communes à prendre la responsabilité de dire oui ou non sur chaque projet polémique, avec souvent des refus communaux qui eussent été illégaux avec un transfert sur les maires de la charge, in fine, de servir de bouc émissaire à tout le monde et de porter des combats contentieux difficiles. Cela eût été bel et bon pour les avocats des communes, mais moins bien pour les communes en réalité.

Revenons à la description de ce nouveau régime de « zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables ainsi que de leurs ouvrages connexes ».

Cela peut sembler être une résurrection de feu les Zones de Développement Eolien (ZDE), mais le cadre reste assez différent.

Précisons tout de suite que :

Ces zones se construisent et se renouvellent, schématiquement, en 12 étapes :

II. Éoliennes en mer : plus loin, plus souple, plus programmé

Les éoliennes en mer ont donné lieu à de nombreux assouplissements au fil des dernières années :

Le droit, avec la nouvelle loi, s’assouplit de nouveau mais avec là encore un mode opération de planification. Retenons trois idées forces :

 

III. Présomption de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur

III.A. Rappel des épisodes précédents

La directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive Habitats, et la directive du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages imposent aux États membres de mettre en place un régime général de protection stricte des espèces animales, des habitats et des oiseaux. Ce régime figure aux articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement.

En matière d’espèces protégées, le principe de ce régime est celui de l’interdiction de toute destruction desdites espèces ou de leur habitat, sous réserve des dérogations à ce principe (art. L. 411-2 de ce même code), le tout assurant la transposition de la directive Habitats 92/43/CEE du 21 mai 1992.

Schématiquement, une telle dérogation suppose que soient réunies trois conditions (cumulatives, donc) :

  1. il n’y a pas de solution alternative satisfaisante
  2. il n’en résulte pas une nuisance au « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »
  3. le projet conduisant à cette destruction sert lui-même un des motifs limitativement énumérés par la loi, à savoir (conditions alternatives, cette fois) :
    • protéger la faune et de la flore sauvages et la conservation des habitats naturels ;
    • prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;
    • s’inscrire dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ;
    • agir à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;
    • permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens.

Ces conditions sont cumulatives et, souvent, c’est sur la notion d’intérêt public majeur que sont fondées les dérogations.

Oui mais développer des énergies renouvelables est-il constitutif d’un tel intérêt public majeur ? Et l’exigence d’un tel intérêt public majeur s’impose-t-il même quand une espèce n’est pas ou plus menacée ? Et faut-il lancer la procédure si l’atteinte aux animaux apparaît non pas en amont de l’exploitation, mais au fil de celle-ci ?

Voir notamment :

Voir cette vidéo de 8 mn 12, sur ce sujet donnant lieu à des jurisprudences subtiles et parfois incertaines :

Sources : art. L.411-1 du code de l’environnement puis art. L. 411-2 de ce même code ; CE, 25 mai 2018, 413267 ; CE, 3 juin 2020, n° 425395 ; CE, 3 juillet 2020, n° 430585 ; CAA Nantes, 13 mars 2020, 19NT01511 ; CAA Bordeaux, 14 mai 2019, 17BX01845 ; CAA Marseille, 4 octobre 2019, 18MA01980 – 18MA02314 ; CAA Nantes, 5 mars 2019, 17NT02791- 17NT02794 ; CAA bordeaux, 30 avril 2019, FNE Midi-Pyrénées, n° 17BX01426 ; CAA de NANTES, 5ème chambre, 24/01/2020, 19NT00916 ; CAA Nantes, 6 décembre 2019, 18NT04618 ; CAA Nantes, 28 novembre 2019, 18NT01696 ; CAA Nancy, 8 avril 2020, n° 18NC02309. Plus récemment, voir CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 09/03/2021, 19BX03522, Inédit au recueil Lebon. 

 

Plus récemment, voir :

Voir aussi cette vidéo de février 2023 :

JURISPRUDENTIELLES ET TEXTUELLES VIA CETTE NOUVELLE VIDÉO DE 10 MN 10 :

• présomption de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) en matière de dérogation espèces protégées pour certains projets d’énergies renouvelables, mais aussi pour leurs ouvrages de raccordement et de stockage (à affiner par décret).

III.B. Le nouveau dispositif

Comme cela a été fait également (mais en d’autres termes : attention en cas de contentieux) à l’échelle européenne (voir ci-avant en introduction), le nouveau régime prévoit une présomption de raison d’intérêt public majeur pour nombre de situations (art. 19 de la loi) :

I. – Après l’article L. 211-2 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 211-2-1 ainsi rédigé : 
« Art. L. 211-2-1. – Les projets d’installations de production d’énergies renouvelables au sens de l’article L. 211-2 du présent code ou de stockage d’énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4o du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. 

« Ces conditions sont fixées en tenant compte du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés aux 1o et 2o du présent article : 

« 1o Pour le territoire métropolitain, la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-2, en particulier les mesures et les dispositions du volet relatif à la sécurité d’approvisionnement et les objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l’exploitation des énergies renouvelables, mentionnés aux 1o et 3o du même article L. 141-2 ; 

« 2o Pour le territoire de chacune des collectivités mentionnées à l’article L. 141-5, la programmation pluriannuelle de l’énergie qui lui est propre, en particulier les volets relatifs à la sécurité d’approvisionnement en électricité, au soutien des énergies renouvelables et de récupération et au développement équilibré des énergies renouvelables et leurs objectifs mentionnés aux 2o, 4o et 5o du II du même article L. 141-5 et après avis de l’organe délibérant de la collectivité. 

« L’existence d’une zone d’accélération définie à l’article L. 141-5-3 du présent code ne constitue pas en tant que telle une autre solution satisfaisante au sens du 4o du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. » 

II. – Après l’article L. 411-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 411-2-1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 411-2-1. – Sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4o du I de l’article L. 411-2 du présent code, les projets d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l’article L. 211-2-1 du code de l’énergie. » 

Le diable se nichant dans les détails, il faudra  bien :

IV. Liste de quelques unes des 1001 autres mesures insérées dans cette nouvelle loi

Citons aussi, entre autres mesures :

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