Nos applis de guidage doivent informer sur l’impact environnemental de nos déplacements. Mode d’emploi au JO de ce matin

Créé par la loi climat / résilience (n°2021-1104 du 22 août 2021, art. 122), l’article  L.1115-8-1 du code des transportsest ainsi rédigé :

«Selon des modalités définies par décret, les services numériques d’assistance au déplacement sont tenus d’informer de façon complète les utilisateurs des impacts environnementaux de leurs déplacements. En particulier, ces services :

« 1° Indiquent, le cas échéant, la présence et les caractéristiques des mesures de restriction de circulation en vigueur dans les zones à faibles émissions mobilité prévues à l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales ;
« 2° Ne favorisent exclusivement ni l’utilisation du véhicule individuel, ni l’usage massif de voies secondaires non prévues pour un transit intensif ;
« 3° Proposent aux utilisateurs un classement des itinéraires suggérés en fonction de leur impact environnemental, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre ;
« 4° Informent les utilisateurs des mesures de restriction de circulation visant les poids lourds prises par les autorités de police de la circulation en application de l’article L. 2213-1 du même code ou de l’article L. 411-8 du code de la route et concernant les itinéraires proposés, dans le cas des services numériques d’assistance au déplacement spécifiques aux véhicules lourds.
« Les services numériques mentionnés au premier alinéa du présent article sont ceux qui visent à faciliter les déplacements monomodaux ou multimodaux au moyen de services de transport, de véhicules, de cycles, d’engins personnels de déplacement ou à pied.»

Cette disposition avait fait consensus lors des débats parlementaires à l’Assemblée nationale, sur la base d’un amendement du co-rapporteur Jean-Marc Zulesi (LREM), lors de l’examen en première lecture de dispositions sur les transports de la future loi climat.

Donc nos applications sur smartphone ou tablette de guidage / mobilités doivent indiquer :

  1. les ZFE avec leurs mesures de restriction de circulation
  2. ne pas favoriser exclusivement ni l’utilisation du véhicule individuel, ni l’usage massif de voies secondaires non prévues pour un transit intensif
  3. un classement des itinéraires suggérés en fonction de leur impact environnemental, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre
  4. des mesures de restriction de circulation visant les poids lourds

Deux textes réglementaires à ce sujet ont été adoptés et publiés au JO de ce matin.

En premier lieu, a été publié le décret n° 2022-1119 du 3 août 2022 relatif aux services numériques d’assistance aux déplacements (NOR : TRET2201559D) :

En second lieu, au même JO, se trouve l’arrêté du 3 août 2022 relatif aux services numériques d’assistance aux déplacements (NOR : TRET2219789A) :

Reprenons les 4 éléments qui devaient ainsi être à indiquer dans nos applis aux termes de la loi, pour voir ce que le pouvoir réglementaire en a fait.

I. ZFE

En premier  lieu, la loi imposait de mentionner les ZFE avec leurs mesures de restriction de circulation.

Logiquement le pouvoir réglementaire a traduit ceci en reprenant ces éléments sans immense surprise quant au contenu :

« Art. D. 1115-18. – Pour l’application du 1° de l’article L. 1115-8-1, les caractéristiques des mesures de restriction de circulation en vigueur dans les zones à faibles émissions mobilité que les services numériques d’assistance au déplacement sont tenus d’indiquer à leurs utilisateurs incluent au minimum les informations intégrées dans la base de données relative aux zones à faibles émissions mobilité, mise à disposition sur le point d’accès national mentionné à l’article D. 1115-1.
« Les services numériques d’assistance au déplacement indiquent à leurs utilisateurs les mesures de restriction de circulation en vigueur dès le résultat d’une recherche d’itinéraire concerné. Ces informations prennent la forme d’un message porté à l’attention de l’utilisateur, et peuvent être prises en compte dans le calcul de l’itinéraire considéré.

On notera que ces restrictions peuvent, et non doivent, être pris en compte dans le calcul de l’itinéraire. Mais en même temps, difficile de définir cette prise en compte sans connaître précisément le point de savoir si la personne guidée fait, ou non, partie des chanceux qui, selon l’heure, la cause de déplacement, le véhicule utilisé… peuvent ou non batifoler en véhicule dans la ZFE à telle ou telle heure.

N.B. : voir notre vidéo sur la partie ZFE : Pollution et mobilités : un point sur les zones à faibles émissions (ZFE-m) [VIDEO détaillée] 

Cette partie du texte est d’application immédiate… à compter de la prochaine mise à jour de l’application, pour des déplacements dont le point d’origine et la destination finale sont situés dans le territoire national.

II. Informations visant à « ne pas favoriser exclusivement ni l’utilisation du véhicule individuel, ni l’usage massif de voies secondaires non prévues pour un transit intensif »

En deuxième lieu, loi imposait de « ne pas favoriser exclusivement ni l’utilisation du véhicule individuel, ni l’usage massif de voies secondaires non prévues pour un transit intensif »

D’application immédiate également (avec quelques bémols ; voir ci-après) est la partie réglementaire sur ce deuxième point, nettement plus copieuse pourtant, et que voici en deux temps

II.A. Pour ne pas favoriser uniquement le véhicule individuel (à moteur en réalité…)

Voici la disposition correspondante dans le décret :

« « Art. D. 1115-19. – Pour ne pas favoriser exclusivement l’utilisation du véhicule individuel, les services numériques d’assistance au déplacement doivent, en application du 2° de l’article L. 1115-8-1 :
« 1° Pour les services numériques qui visent à faciliter les déplacements au moyen a minima de services de transport :
« a) Rendre accessible facilement à leurs utilisateurs un message de sensibilisation concernant les alternatives à l’utilisation du véhicule individuel ;
« b) Au plus tard le 1er décembre 2022, veiller à intégrer l’ensemble des données sur les services de transport réguliers, et à la demande, mises à disposition sur le point d’accès national mentionné à l’article D. 1115-1 ;
« c) Au plus tard le 1er décembre 2023, veiller à intégrer l’ensemble des données sur les services de partage de véhicules, de cycles, de cyclomobiles légers, d’engins de déplacement personnels, ou sur les déplacements à pied, mises à disposition sur le point d’accès national susmentionné ;
« 2° Pour les autres services numériques, lorsqu’ils ne proposent pas de services de transport mais proposent a minima l’utilisation du véhicule individuel :
« a) Rendre accessible à l’attention de leurs utilisateurs le message de sensibilisation mentionné au a du 1° du présent article ;
« b) Au plus tard le 1er décembre 2022, veiller à intégrer l’ensemble des données relatives au réseau cyclable, aux aires de covoiturage et au stationnement, mises à disposition sur le point d’accès national mentionné à l’article D. 1115-1 ;
« c) Au plus tard le 1er juin 2023, rendre accessible facilement à l’attention de leurs utilisateurs une information relative aux services d’information à l’intention des usagers, tels que mentionnés notamment aux articles L. 1115-8 et L. 1231-8, couvrant le cas échéant tout ou partie de l’itinéraire suggéré ;
« 3° Pour les systèmes de navigation intégrés à un véhicule, rendre accessible à l’attention de leurs utilisateurs le message de sensibilisation mentionné au a du 1° du présent article.
« Un arrêté du ministre chargé des transports précise les modalités d’application du présent article.»

Voici les messages correspondants (fixés par l’arrêté au JO de ce matin) :

«Le message de sensibilisation visé au 1° a, au 2° a et au 3° de l’article D. 1115-19 du code des transports encourage l’usage des mobilités actives, ou partagées, ou des transports en commun, tel que les messages suivants : « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer », « Passer de 130 à 110km/h sur autoroute réduit votre consommation de 20% » et « Au quotidien, prenez les transports en commun ». Il est complété par la mention signature « #SeDéplacerMoinsPolluer ».
Les mesures susvisées s’appliquent pour les recherches d’itinéraires effectués au moyen d’un véhicule individuel.
Le message est présenté à l’utilisateur de manière régulière, dès le résultat de la recherche d’itinéraire, dans un format aisément lisible, clairement distinguable, sans nécessaire action de celui-ci, et le cas échéant maintenu pendant une durée permettant sa lecture en intégralité. Les services numériques d’assistance aux déplacements s’assurent que l’affichage du message ne perturbe pas une situation de conduite.»

Les catégories de données visées au 1° b, au 1° c et au 2° b de cet article D. 1115-19 du code des transports « se limitent aux données qui font l’objet d’une standardisation, d’une qualité pertinente, et d’une mise à jour ou d’un rafraîchissement suffisant à leur utilisation. » On le voit, les formulations sont faites pour intégrer ce qui est « pertinent », « suffisant », notions qui ne manqueront pas de donner lieu à quelques débats.

Les catégories de données dont il est question « se limitent aux données dont la réutilisation est soumise à la licence ouverte de réutilisation d’informations publiques.
La mise en œuvre des mesures susmentionnées est faite de manière raisonnable, pertinente et proportionnée, notamment au regard des caractéristiques des services considérés. »

Enfin, l’information relative aux services d’information à l’intention des usagers visée au 2° c de cet article D. 1115-19 du code des transports doit être « accessible dès le résultat de la recherche d’itinéraire, et contient a minima les liens d’accès aux différents services d’information référencés.»

Cette partie du texte est d’application immédiate… à compter de la prochaine mise à jour de l’application, pour des déplacements dont le point d’origine et la destination finale sont situés dans le territoire national. Mais comme le texte comprend lui-même des étapes dans le temps, ceci relativise cela…

II.B. Ne pas favoriser l’usage massif des voies secondaires

Indiquer les voies de délestage fait partie des avantages des applications de guidage. Donc là le décret touche à un point de contradiction entre la fonction même de l’application et cette nouvelle restriction.

Voici comment cette quadrature du cercle a été traitée (là encore avec application au 6 août) :

« Art. D. 1115-20. – Afin de ne pas favoriser l’usage massif des voies secondaires pour du trafic de transit, conformément au 2° de l’article L. 1115-8-1 du code des transports, les autorités de police de la circulation compétentes, le cas échéant en application de l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales ou de l’article L. 411-8 du code de la route, peuvent qualifier de voie secondaire un tronçon routier non prévu pour accueillir du trafic de transit intensif dans la limite de seuils dont les caractéristiques et les niveaux sont définis par un arrêté du ministre chargé des transports. Lorsqu’une agglomération est couverte par un plan de mobilité au sens de l’article L. 1214-1 du code des transports, la qualification des tronçons routiers s’effectue dans les conditions dudit plan.
« Ces informations sont renseignées sur la base de données dénommée « BD Topo » administrée par l’Institut national de l’information géographique et forestière.
« Les services numériques d’assistance au déplacement veillent à tenir compte en continu de ces informations dans la proposition d’itinéraire adressée à l’utilisateur. En particulier, dans des conditions de trafic exemptées d’événements routiers sur les voies non secondaires, les services numériques d’assistance au déplacement s’efforcent de proposer à l’utilisateur un itinéraire évitant l’usage massif de voies secondaires non prévues pour du trafic intensif, notamment en s’assurant que le temps de trajet restant est réduit d’au moins 10% comparé à l’itinéraire maximisant l’usage de voies non secondaires.
« Un arrêté du ministre chargé des transports précise la liste des événements routiers susmentionné.

Les évènements routiers mentionnés à cet article D. 1115-20 du code des transports sont, aux termes du nouvel arrêté les suivants :

– fermetures de routes, voies, ponts ou tunnels ;
– accidents ;
– travaux routiers ;
– mesures temporaires de gestion de la circulation ;
– conditions météorologiques affectant la surface ou la visibilité de la route.

Cette partie du texte est d’application immédiate… à compter de la prochaine mise à jour de l’application, pour des déplacements dont le point d’origine et la destination finale sont situés dans le territoire national.

III. Les « « itinéraires suggérés en fonction de leur impact environnemental »

Ensuite, en troisième lieu, la loi imposait de classer les « itinéraires suggérés en fonction de leur impact environnemental, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre »

Voici ces nouvelles dispositions réglementaires, avec un duo gagnant : les « gaz à effet de serre émis » (la loi l’imposait) et les « polluants atmosphériques » :

« Art. D. 1115-21. – Les services numériques d’assistance au déplacement fournissent au minimum à leurs utilisateurs une information relative aux quantités de gaz à effet de serre et aux polluants de l’air émis par le ou les modes de transport utilisés pour chaque suggestion d’itinéraire.
« Pour les gaz à effet de serre émis, les services numériques d’assistance au déplacement veillent à apporter à leurs utilisateurs une information complète comprenant notamment la phase de fonctionnement des moyens de transport et la phase amont de production des sources d’énergie nécessaires au fonctionnement des moyens de transport.
« La phase amont comprend l’extraction, la culture des biocarburants, le raffinage, la transformation, le transport et la distribution des sources d’énergie. Ne sont pas prises en compte les émissions liées à la construction et à l’entretien des équipements de production des sources d’énergie.
« Pour les polluants atmosphériques, les services numériques d’assistance au déplacement veillent à apporter à leurs utilisateurs une information complète concernant les émissions d’oxydes d’azote, et de particules PM10 pendant la phase de fonctionnement des moyens de transport.
« Les méthodologies de calcul des quantités de gaz à effet de serre et de polluants de l’air sont rendues publiques et facilement accessibles par les services numériques d’assistance au déplacement.
Pour l’application du 3° de l’article L. 1115-8-1, les services numériques qui visent à faciliter les déplacements multimodaux mettent en avant les propositions d’itinéraires dont l’impact est le plus faible en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
« Lorsque l’itinéraire initial comprend une portion en véhicule motorisé dont la vitesse maximale autorisée est supérieure ou égale à 110 km/h, les services numériques d’assistance aux déplacements proposent un itinéraire alternatif prenant en compte une diminution de la vitesse maximale de 20 km/h sur les portions concernées.

Avec ces importantes précisions de l’arrêté :

« En application de l’article D. 1115-21 du code des transports, la mise en avant des propositions d’itinéraires en fonction des émissions de gaz à effet de serre est effectuée de manière raisonnable compte tenu des préférences d’usage de l’utilisateur, et de manière pertinente au regard des caractéristiques de l’itinéraire, notamment les temps de trajets.
« Pour le calcul des quantités de gaz à effet de serre, sauf à utiliser des valeurs d’émissions dont la détermination plus précise est justifiée, les services numériques d’assistance au déplacement s’appuieront a minima sur les données mises à disposition par l’ADEME et consultables gratuitement sur sa base de données accessible via https://www.bilans-ges.ademe.fr/. Pour les services de transport en commun, le calcul des quantités de gaz à effet de serre émis par passager tient compte a minima du taux de remplissage moyen national et journalier pour le mode considéré.
« Les méthodologies de calcul des quantités de polluants de l’air émis par le ou les modes de transport utilisés pour chaque suggestion d’itinéraire, en application de l’article D. 1115-21 du code des transports, sont les suivantes :

– les émissions de polluants prises en compte sont les émissions d’oxydes d’azote et de particules PM10 liées à l’échappement et à l’abrasion, pendant la phase de fonctionnement des moyens de transport ;
– sauf à utiliser des valeurs d’émissions dont la détermination plus précise est justifiée, les services numériques d’assistance au déplacement s’appuieront sur les méthodologies MEP/EEA (1) (dite méthodologie COPERT pour le routier) ou le guide PCIT (2). Les données de l’inventaire national français sont consultables gratuitement à l’adresse : https://www.citepa.org/fr/ceenu/ et une version européenne de la base de données est disponible […].

« L’information sur les quantités de gaz à effet de serre est présentée dès le résultat de la recherche d’itinéraire, d’une manière aisément lisible, clairement distinguable sans action nécessaire de l’utilisateur. L’information sur les polluants atmosphériques est rendue accessible dès le résultat de la recherche d’itinéraire.»

Cette partie du texte est d’application immédiate… à compter de la prochaine mise à jour de l’application, pour des déplacements dont le point d’origine et la destination finale sont situés dans le territoire national.

4/ En quatrième et dernier lieu, l’application doit traiter des « mesures de restriction de circulation visant les poids lourds »

Cette partie du décret est la seule avec vraie entrée en vigueur différée (au 1er mars 2023). Elle est ainsi rédigée :

  • « Art. D. 1115-22. – Pour l’application du 4° de l’article L. 1115-8-1 du code des transports, les caractéristiques des mesures de restriction visant les poids lourds prises par les autorités de police de la circulation, que les services numériques d’assistance au déplacement spécifiques aux véhicules lourds sont tenus d’indiquer à leurs utilisateurs, incluent au minimum les informations intégrées dans la base de données relative aux mesures de restriction visant les poids lourds, mise à disposition sur le point d’accès national mentionné à l’article D. 1115-1.
    « Les services numériques d’assistance au déplacement spécifiques aux véhicules lourds fournissent à leurs utilisateurs, dès le résultat d’une recherche d’itinéraire, une description de l’ensemble des mesures de restriction de circulation en vigueur sur l’itinéraire considéré, ainsi qu’en amont de chacune des portions de voiries soumises à ces mesures. Ces informations prennent la forme d’un message porté à l’attention de l’utilisateur.
    « Les services numériques susmentionnés mettent en œuvre ces obligations au plus tard le 1er mars 2023.