Biodiversité et environnement dans la Constitution : le projet de loi constitue-t’il une nouveauté ?

Mercredi 20 janvier, a été présenté en Conseil des ministres le projet de loi visant à intégrer à l’article 1er de la Constitution que notre République « garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Le Président de la République avait annoncé annoncé après de la Convention citoyenne que ce texte ferait l’objet d’un référendum.

Il est bien entendu toujours utile que ces enjeux soient encore rappelés et inscrits au plus haut niveau de notre hiérarchie des normes. On ne peut que saluer du reste le hasard du calendrier, avec le même, jour la réintégration des Etats-Unis d’Amérique dans les accords de Paris. 

Mais n’est-ce pas qu’une simple « piqure de rappel » finalement ? Techniquement, cette inscription il est vrai permet de rendre opposable le principe aux textes inférieurs dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois ou même dans le cadre d’une QPC pour les actes administratifs. De ce strict point de vue l’inscription dans la constitution permettra de donner des armes supplémentaires pour le juge constitutionnel pour sanctionner certains textes et c’est tant mieux.

Mais, il serait erroné de croire que la Constitution ne se préoccupe pas déjà de l’environnement et ses enjeux. En effet, son préambule d’ores et déjà intègre dans le bloc de constitutionnalité la charte de l’environnement de 2004.

Ainsi le préambule de la Constitution dispose que : 

 « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 »

Et outre le fait que nombre de textes se réfèrent déjà à la charte (ex: la loi du 27 décembre 2012 qui organise des modalités de mise en œuvre de l’article 7 de la charte) le Conseil constitutionnel n’a pas hésité à s’appuyer sur cette dernière dans ses décisions (la première fois dès 2005 quand deux personnes avaient exercé un recours contre les décrets du 9 mars 2005 et du 17 mars 2005 relatifs à la soumission au référendum du projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. 

Et si le contentieux n’avait pas abouti, le juge avait expressément étudié si les décrets étaient contraires à la charte).

Renaud DENOIX DE SAINT-MARC a ainsi lors d’un colloque en 2012 rappelé que :

Par conséquent, le Conseil constitutionnel a accepté de confronter le Traité établissant une Constitution pour l’Europe à la Charte de l’environnement. Il a donc admis la valeur constitutionnelle de la Charte de l’environnement.

La charte apporte donc déjà des garanties que le juge, à plusieurs reprises, a sanctionné des manquements à celle-ci. On peut dès lors débattre sur l’avancée réelle apportée par le nouveau texte en droit de prime abord. 

Mais il convient de relever que depuis la charte, le contexte a encore évolué : la situation s’est aggravée et les enjeux sont à la fois constants mais aussi différents, plus présents. Un rappel ne fait donc pas de mal. 

Enfin, si la charte, a eu un réel effet et est une pierre majeure dans le parcours environnemental, elle répondait sans doute à la perception que l’on avait des enjeux à l’époque (ou des compromis nécessaire pour insérer au niveau du bloc de constitutionnalité ces enjeux) en finalement 2004 semble déjà lointain. Ainsi, il est assez troublant de constater avec le recul qu’elle n’évoque pas expressément les enjeux du « climat », ou de la « biodiversité » omniprésents désormais. Inscrire expressément ces enjeux permettra sans doute pour le juge constitutionnel de s’y référer plus aisément encore. 

Enfin, la proposition de modification constitutionnelle permet aussi de « remonter encore d’un cran » ces enjeux même si à ce niveau de distinction c’est presque symbolique et permet d’élargir quelque peu le spectre des enjeux protégés. 

Reste que l’on peut s’interroger s’il ne serait pas au final plus opportun de renforcer finalement la charte elle-même. 

AJOUT DU 21/1/2021 à 14h30 : comme il se doit, le Conseil d’Etat a rendu son avis sur le projet de loi. Tout en relevant, comme nous l’évoquions, la place déjà consacrée aux enjeux environnementaux via la charte, le Conseil d’Etat souligne que le terme « garantit » peut prêter à confusion et pourrait créer des conflits avec la Charte. Aussi, il propose de substituer au terme « garantit » le terme « préserve » qui permettrait « à la fois de répondre à la volonté du Gouvernement de renforcer l’exigence environnementale et de tenir compte de l’évolution récente de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout en assurant une cohérence avec la Charte de l’environnement qui emploie ce même terme en plusieurs de ses articles. »

Par ailleurs, le Conseil d’Etat :  » estime également préférable de remplacer le terme de « biodiversité » par l’expression « diversité biologique » qui figure dans le préambule de la Charte de l’environnement, dans le même souci de maintenir la cohérence de la norme constitutionnelle. Par ailleurs, il propose, s’agissant du dérèglement climatique, de substituer au verbe « lutter » le verbe « agir » qui lui semble plus approprié. »

Enfin dans un même souci de cohérence, le Conseil d’Etat propose que l’article 34 qui liste les domaines de la loi soient ajusté en conséquence : « le Conseil d’État observe que le quinzième alinéa de l’article 34 de la Constitution confie à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux de « la préservation de l’environnement ». Le maintien sans changement de cette disposition introduirait un doute sur la compétence du législateur en matière de préservation de la diversité biologique et d’action contre le dérèglement climatique. »

NB : relevons par ailleurs que cette inscription était un souhait formulé par la convention citoyenne.