Le Parlement européen somme la Commission d’adopter un texte fort sur la déforestation [version détaillée]


Le Parlement européen en appelle à la Commission, pour que celle-ci mette en oeuvre des mesures fortes afin de mettre fin à la déforestation.

Il ne s’agit d’ailleurs pas tant de la déforestation européenne que de la déforestation mondiale qui, elle, est inquiétante.

Notons incidemment que la France a, quant à elle, connu une reforestation globale, mais quelques nuances s’imposent en termes de diversité des essences, de biodiversité et de résistance aux changements climatiques : voir ici un bon article de vulgarisation et là un article wikipedia très détaillé à ce sujet ; pour des travaux plus scientifiques, voir par exemple ici les intéressants travaux de Dynafor). C’est d’ailleurs pour protéger les espaces naturels et les espaces agricoles que la France s’est engagée dans une démarche ambitieuse de zéro artificialisation nette (voir ici, et encore ).

La situation européenne est d’ailleurs plutôt bonne de ce point de vue. Un quart des forêts mondiales se trouvent en Europe, et un cinquième en Russie (pour des statistiques solides mais un peu anciennes — 2011 — à ces sujets, voir ici).

Il est à noter que d’ailleurs l’adaptation végétale au changement climatique est (et c’est une bonne nouvelle) plus rapide qu’on ne le craignait (mais cela risque tout de même d’être insuffisant). Voir ici à ce sujet.

Sur cette base, l’Union européenne s’est reposée et n’a pas adopté de législation propre à lutter contre la déforestation. Or, cette déforestation, à éviter en Europe certes, est un phénomène qui au niveau mondial s’avère tout à fait massif (voir ici et ).

Le Parlement veut une démarche plus offensive et le fait savoir avec une sommation faite à la Commission européenne de travailler à un cadre juridique imposant aux entreprises des contraintes nouvelles, pour la forêt européenne et plus largement pour la forêt mondiale.

Il n’y a à ce jour aucune législation européenne limitant ou interdisant la commercialisation en Europe de produits qui contribuent à la déforestation hors d’Europe.

Les consommateurs européens ignorent même si par leurs emplettes ils continuent, ou non, à cette déforestation mondiale, alors que les forêts tropicales jouent un rôle notable en termes de puits de carbone et de biodiversité.


Dès lors, le Parlement européen a adopté un rapport ce jeudi par 377 voix pour et 75 contre (et 243 abstentions) pour demander à la Commission d’adopter des règles de droit en ce domaine.

Ce texte a été adopté sur la proposition et à la suite de l’action de la commission environnement du Parlement, présidée par le français Pascal Canfin :

Ce dossier a ensuite été porté par l’eurodéputée allemande Delara Burkhardt.

Les parlementaires européens estiment que les démarches volontaires, les certifications et autres labels ont leurs mérites, mais que ces modes ont échoué à mettre fin, à elles seules, à la déforestation globale (voir pour la France, récemment : https://transitions.landot-avocats.net/2020/10/15/forets-de-nouvelles-versions-dobtention-du-label-bas-carbone/)

La commission est ainsi poussée à légiférer sur nombre de produits (soja, huile de palme, caoutchouc…) afin que les entreprises qui les commercialisent garantissent aux consommateurs que ceux-ci proviennent de terres déjà défrichées, avec des contrôles en amont (avec supervision européenne ? quelles garanties ?) .

Les eurodéputés ne veulent pas se limiter à une information du consommateur via l’étiquette des produits. Un des problèmes des politiques fondées sur l’étiquetage vient de ce que celles-ci sont mises en échec d’une part en cas de corruption et d’autre part lorsqu’il s’agit de produits complexes et transformés (pour un cas manifeste, voir : https://disclose.ngo/fr/news/bresil-le-geant-du-boeuf-jbs-ecoule-de-la-viande-dorigine-illegale-en-europe).

Les contrôles , avec un degré de supervision européenne qui sera crucial, seraient donc à opérer en amont, sur place, pour éviter que les produits vendus chez nous aient été en tout ou partie faits sur des terres déforestées. Avec des sanctions à la clef, en Europe, pour les entreprises qui frauderaient.

Les entreprises européennes pourraient aussi en profiter, puisqu’elles seraient sur ce point au moins ainsi placées à égalité avec leurs compétitrices du tiers monde.

Les eurodéputés en appellent aussi à de telles démarches à l’avenir s’agissant de la protection des écosystèmes marins et côtiers, des zones humides, des tourbières ou des savanes.

Les juristes noteront qu’avec de telles démarches, l’Europe prend la voie des Etats-Unis dans l’affirmation d’une puissance juridique avec sanction chez nous de pratiques faites hors de notre sol européen. Bref, l’extraterritorialité du droit progresse (ce qui choque certains juristes mais à titre personnel je serais choqué que l’Europe soit le seul continent – puissance à abdiquer face aux avancées des autres continents sur ce terrain de la souveraineté juridique…).

Voir ce texte (résolution du Parlement européen en version anglaise et provisoire) :

European Parliament resolution of 22 October 2020 with recommendations to the Commission on an EU legal framework to halt and reverse EU-driven global deforestation (2020/2006(INL))